Les Mémoires de Mokhtar Mokhtefi sont uniques par leur franchise déroutante. L'auteur ne cache absolument rien, ne ménage personne. Pour lui, tout doit être dit, même les amours, surtout les amours. La pudeur qu'ont d'autres ex-moudjahidine mémorialistes, lui l'ignore. Et il a raison : pourquoi cacher ce qui fait la vie, ce qui fait un être. Séducteur, la seule femme dont il ne parle pas est sa future épouse : Elaine Mokhtefi. Mais celle-ci qu'il ne connaîtra que bien après l'indépendance, palliera ce manque en racontant qu'elle était tombée amoureuse de ce bel homme aussi grand qu'un jour sans pain (1,90 m) et aussi cultivé que courtois et gentleman. Ils connurent bien des misères en Algérie-le contraire nous aurait étonnés- avant de s'envoler vers les USA. Dans ses Mémoires que nous avons déjà présentés ici, Elaine n'est pas avare en confidences sur ses amours. Elle était aussi libre et aussi portée sur la chose que son mari. Un régal que les deux Mémoires croisés. Cette franchise parfois crue est ce qu'on appelle la méthode américaine. Ne rien taire d'une vie pour lui donner sens et l'amour parfois donne du sens à la vie. Prenez ce monument de l'autobiographie qu'est Une vie d'Elia Kazan. Il raconte tout dans son livre. Ses lâchetés et ses compromissions dans l'inquisition du maccarthysme, ses infidélités qui ont presque tué sa première épouse, ses démêlés avec Marlon Brando qu'il avait pourtant lancé dans Un tramway nommé désir et sa relation sexuelle avec Marylin Monroe qui était l'épouse de son ami, le grand dramaturge Arthur Miller. C'est ce qui fait la saveur de son autobiographie qui, au-delà de la grande leçon de cinéma, est une leçon de lucidité. Lecture faite, on regarde les hommes et les femmes autrement. Sans poésie…