En tournée au Moyen-Orient, la secrétaire d'Etat américaine veut semer la graine de la démocratie. Mais, c'est là un projet qui semble ardu compte tenu de l'évolution de la situation dans une région marquée depuis des décennies par des pouvoirs «forts». Ainsi, Washington a dû, face aux résistances, mettre un bémol à son ambitieux projet de ''Grand Moyen-Orient'' devant, selon ses promoteurs, donner au Moyen-Orient de sortir du cycle des dictatures. A l'usage, cela s'est révélé plus facile à dire qu'à faire, et aussi loin d'être une panacée dans la mesure où les Etats-Unis ont encore, et toujours, besoin de pouvoirs qui font peu cas de leurs peuples. Depuis sa précédente tournée de juin dernier au Moyen-Orient, beaucoup de changements ont été enregistrés et souvent allant à l'encontre de ce qu'attendait Washington. C'est ainsi, qu'en 2005 et en ce début de 2006, il y a eu une percée électorale sans précédent des mouvements islamistes en Egypte (les Frères musulmans), en Irak, (les chiites conservateurs), au Liban (le Hezbollah) et tout récemment dans les territoires palestiniens (le Hamas). Aussi, les pouvoirs en place restent encore utiles et peuvent en conséquence servir les desseins des Etats-Unis. C'est dans cet objectif que Condoleezza Rice est retournée dans cette région avec pour but avoué d'obtenir de l'Egypte et des monarchies du Golfe leur appui dans le bras de fer qui oppose Washington à l'Iran, notamment dans l'affaire du nucléaire iranien, et d'isoler d'autre part le Hamas palestinien. Toutefois, les Etats-Unis sont conscients des limites de la portée de leurs «messages» et des «conseils» prodigués à des pouvoirs habitués à ne jamais rendre compte à leurs peuples, comme le montre Mme Rice qui s'est dite «déçue» la semaine dernière que le président Moubarak ait reporté de deux ans les élections municipales en Egypte prévues normalement pour avril prochain. «Le message que je transmettrai à l'Egypte est que l'Egypte doit rester sur la voie démocratique», a déclaré Mme Rice peu avant son départ pour Le Caire lundi, estimant, au vu du peu de progrès réalisés que le «moment est mal choisi» pour finaliser un accord de libre-échange entre les deux pays. Peu satisfaite de l'évolution de la situation en Egypte, Condoleezza Rice a ainsi affirmé que depuis juin 2005 il «y a eu beaucoup de changements» en Egypte, constatant toutefois que ces changements étaient accompagnés de «déceptions et de reculs». Se défendant de s'exprimer «en juge» mais en «amie» Mme Rice a déclaré qu'elle a appelé l'Egypte à poursuivre les réformes indiquant «L'Egypte peut et sera le leader de l'ensemble de cette région. C'est une déclaration pas seulement d'espoir, mais de confiance dans notre amie l'Egypte». La secrétaire d'Etat américaine a d'autre part affirmé mardi au Caire, à propos de l'arrivée des islamistes palestiniens au pouvoir que, le Hamas devait choisir entre «terrorisme et politique». «Vous ne pouvez pas avoir un pied dans le camp du terrorisme et un autre dans le camp de la politique», a-t-elle déclaré au cours d'une conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien, Ahmed Aboul Gheit. «La communauté internationale attend de tout gouvernement palestinien qu'il respecte certaines conditions, notamment la recherche de la paix et le respect des accords que les Palestiniens ont déjà signés» avec Israël, a-t-elle insisté avant d'ajouter. «Vous ne pouvez pas avoir la paix si vous ne reconnaissez pas l'autre partenaire, le droit d'Israël à exister et la nécessité de renoncer au terrorisme». Argument à tout le moins spécieux quand on sait qu'Israël n'a jamais reconnu le droit des Palestiniens à édifier leur Etat indépendant. Donc c'est un raisonnement qui peut sans peine être adressé par Mme Rice à Israël qui dans le même temps fait régner la terreur dans les territoires palestiniens occupés. Il faut être deux pour faire la paix, ce dont Mme Rice ne semble pas tenir compte .Or, Israël cherche seulement à imposer sa «paix» et son diktat aux Palestiniens tout en continuant d'occuper et de morceler leurs territoires. Ce que Mme Rice s'est bien gardée d'évoquer. L'autre dossier qui préoccupe les Etats-Unis, est l'Iran, à propos duquel la secrétaire d'Etat américaine a déclaré la semaine dernière : «Notre objectif doit être d'avoir, avec d'autres pays de la région, un dialogue commun et des discussions sur la façon de contrer le comportement iranien». Toutefois, tant sur le dossier du Hamas que sur celui de l'Iran, Condoleezza Rice ne semble pas avoir convaincu les Egyptiens qui font leur propre lecture de ces deux cas. Ainsi, le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, à propos du nucléaire iranien, a réitéré la nécessité pour Israël de rejoindre le TNP, Israël étant aujourd'hui le seul Etat à ne pas adhérer au protocole de sûreté nucléaire, rappelant ainsi le danger que fait courir l'Etat hébreu à la région, Israël mentant depuis cinquante ans sur son potentiel nucléaire. Ne partageant pas l'alarmisme dont font montre Israël et les Etats-Unis sur le Hamas, M.Aboul Gheit affirma qu'il fallait donner le «temps» au mouvement islamiste palestinien. «Nous devrions donner du temps au Hamas», a déclaré le ministre égyptien des Affaires étrangères. «Je suis sûr que le Hamas va se développer, va évoluer. Nous ne devrions pas préjuger de l'issue de ses discussions internes» soulignant que «ce n'est qu'une question de temps». La secrétaire d'Etat américaine sera aujourd'hui à Riyad où elle aura des entretiens avec son homologue saoudien Saoud Al Fayçal avant de rencontrer, à Abou Dhabi, les dirigeants du Conseil de coopération du Golfe (CCG) auxquels elle demandera de s'abstenir de «financer» le Hamas d'une part et de «résister» à l'influence iranienne d'autre part.