Quand les islamistes montent au créneau, c'est souvent à partir de Constantine qu'ils le font. Pour y avoir effectué leurs premiers pas dans l'activité politique, Djaballah, le leader du mouvement d'El Islah, et Boudjerra Soltani, le numéro un du MSP, ont animé, ce week-end, dans la capitale de l'Est, deux meetings consacrés aux questions brûlantes de l'heure. Jeudi après-midi et dans une salle du Centre culturel Al Khalifa, archicomble, Djaballah a parlé pendant une heure et demie. Bien sûr, il a abordé les caricatures attentatoires à la personne du Prophète Mohamed (Qsssl), mais il a aussi évoqué longuement les textes de la loi portant réconciliation nationale. Comme pour le projet de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, Djaballah a, encore une fois, émis des réserves. C'est un «oui, mais» en quelque sorte, pour le leader d'El Islah, toute loi est sujette à des critiques. Et les textes de loi portant réconciliation nationale comportent des lacunes et des défaillances qui pourraient donner lieu à de graves problèmes. Selon Abdallah Djaballah, les textes de loi accordent trop d'importance aux «anciens terroristes et repentis». En un mot, Djaballah, tout en donnant l'impression de critiquer les lois, a fait montre d'une prudence excessive. Sans vraiment l'annoncer de vive voix, il a fait comprendre à l'assistance qu'il ne portait pas l'ex-AIS et l'ex-FIS dans son coeur. Comme il a toujours espéré récupérer une bonne partie de la base militante de l'ex-FIS, il s'est forcé cette fois aussi à réprimer, non pas sa haine, mais plutôt ses ressentiments à l'égard de tout ce qui porte la trace des «frères ennemis». Au même titre que Louisa Hanoune, Aït Ahmed ou Ahmed Taleb El Ibrahimi, il a toujours estimé que la sortie de crise passe par une solution politique globale. Au fond, Djaballah espère toujours que les ex-dirigeants de la nébuleuse fissiste soient définitivement disqualifiés politiquement. Dans le même contexte, il n'a pas manqué de tirer à boulets rouges sur l'Alliance présidentielle en l'accusant de tous les maux imaginables. Selon lui, cette alliance n'a fait que tromper le peuple à propos de nombreuses questions, telles que le code de la famille, le code de la nationalité, la réforme de l'enseignement, etc. Pour Djaballah, l'Alliance qui regroupe le MSP, le FLN et le RND a laissé le peuple dans l'ignorance la plus totale. Il a dénoncé la corruption qui, selon lui, a pris des proportions inquiétantes. Il a violemment critiqué ce qu'il a appelé les «lobbies de la justice» en Algérie, mais comme à son habitude, il n'a cité aucun nom et n'a donné aucune indication. Abordant la situation sociale, Djaballah n'a fait que reproduire ce qui se dit dans la rue. «Les richesses de l'Algérie ne profitent pas au peuple», a-t-il dit, sans plus. En un mot, il a dénoncé le processus d'accord avec l'OMC, l'Alliance avec l'Otan et les tentatives d'occidentalisation de la société algérienne. Quelle démocratie les USA veulent-ils appliquer aux Arabes? Celle d'Abou Ghraib ou celle de Guantanamo? s'est-il interrogé dans un discours très général. Comme pour répondre, Boudjerra Soltani a animé, lui aussi, un meeting le lendemain afin d'afficher son soutien total au président de la République et son initiative de mettre en oeuvre les projets de loi portant réconciliation nationale. «La publication de ces textes sous forme de projets de loi et de décrets va, certes, priver la société d'un débat, mais espérons que cela sera rattrapé par les médias », estime le MSP dans un communiqué remis à la presse. Pour le MSP, les articles les plus importants du projet sont l'article 40 qui innocente définitivement les familles dont un ou plusieurs membres avaient fait partie des groupes terroristes, et l'article 47 qui charge le président d'intervenir personnellement et à n'importe quel moment pour assurer l'application des résultats du référendum du 29 septembre 2005. A l'inverse, et c'est tout à fait normal, de Madani Mezrag, qui considère que les textes de loi ne sont ni restrictifs ni oppressifs au regard de la Charte votée en référendum, le MSP estime que «l'expression» exploitation de la religion à des fins politiques de l'article 26 pourrait donner lieu à des applications arbitraires. En gros, le MSP applaudit des deux mains et appelle le peuple algérien à prendre conscience de cette étape importante à travers le pays. Sur un autre plan, Boudjerra Soltani s'est félicité du discours prononcé par le président de la République qui, selon lui, a su retirer la question de l'augmentation des salaires aux opportunistes et aux amateurs de la politique politicienne, pour la placer dans son vrai cadre: le gouvernement et la tripartite. En bref, si jeudi, les Constantinois ont eu droit à un discours d'opposition soft et politiquement correct, hier, ils ont eu droit à un discours aux «relents gouvernementaux». Enfin, Boudjerra Soltani, qui se trouve à Constantine pour des raisons partisanes, a lancé, hier, les travaux de la rencontre régionale des cadres du MSP au niveau de l'Est.