L'accablant réquisitoire du procureur de la République ne laissera pas la défense sans réagir. En défilant devant le tribunal, jeudi dernier, au quatrième jour du procès de l'affaire Ali Haddad où sont mis en accusation les deux ex-Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia ainsi qu'une dizaine d'ex-ministres et des anciens walis, les robes noires ont tenté intensément de décharger leurs clients, plaidant leur bonne foi et leur innocence. Le nom de l'ex-président est revenu dans les plaidoiries pour rappeler qu'il était l'ordonnateur alors que le témoignage de son frère et conseiller, a été demandé. Saïd Bouteflika réclamé à la barre C'est lors des plaidoiries des avocats d'Ali Haddad, pour lequel le procureur a requis une peine de 18 ans, que les noms de Abdelaziz Bouteflika et son frère Saïd ont été cités. Me Bourayou, le premier à s'avancer à la barre pour la défense d'Ali Haddad va commencer par qualifier la poursuite de cinq hommes d'affaires de «mascarade qui a porté atteinte à l'économie nationale». Il s'est demandé si l'emprisonnement de ces hommes d'affaires et tous ces ministres qui représentaient l'Etat est la solution considérant irrationnel de donner un caractère pénal à des décisions politiques. Il sera suivi par Me Rahmouni qui, lui, va commencer par rejeter les demandes de la partie civile. «Le Trésor public a fait état d'un préjudice de 78 000 milliards de centimes détournés dans le cadre des marchés publics. Mais mon client n'est pas poursuivi pour détournement. Quant aux 211 000 milliards de centimes de crédits octroyés, c'est un chiffre farfelu. Pour les terrains, l'octroi s'est fait dans un cadre légal», a affirmé l'avocat d'Ali Haddad avant de revenir sur le délit du financement occulte d'un parti politique. À ce propos, il a précisé que l'ex-président Bouteflika était un candidat libre avant de dire «s'il n'était affilié à aucun parti, comment peut-on accuser mon client d'en financer un? En plus, il n'y a aucun texte de loi qui parle du financement d'un candidat, mais juste de partis politiques». Pour la défense, toute l'accusation a été construite sur une supposée «forte relation» entre Ali Haddad et Saïd Bouteflika, mais le parquet n'a pas apporté ses preuves. «Pourquoi n'a-t-on pas demandé le témoignage de Saïd Bouteflika concernant le financement de la chaïne ‘'Istimraria''? Aucun responsable n'a déclaré avoir reçu des injonctions de Saïd Bouteflika en faveur de Haddad. Où est l'incitation? Il n'y a dans ce dossier que des suppositions! Le juge d'instruction a justifié l'inculpation sur 62 SMS et 255 appels téléphoniques entre les deux hommes. Où est l'infraction?», s'est demandé l'avocat qui va rappeler par la suite que toutes les décisions et les autorisations dont a bénéficiées son client, ont été validées par un Conseil du gouvernement. Il demandera, en conclusion, l'acquittement de son client et la levée du séquestre sur ses biens. L'un des deux avocats d'Ahmed Ouyahia, Me Amine Benkraouda, a entamé sa plaidoirie en rappelant la perte tragique de Laïfa Ouyahia. Un premier traumatisme pour son client qui sera suivi par l'accablant réquisitoire du parquet. S'attaquant aux vidéos diffusées de l'ex-Premier ministre menotté lors de l'enterrement de son frère, l'avocat regrette que l'on porte aussi gravement atteinte à l'image de l'Algérie. Il regrette également que le travail de tout un gouvernement soit résumé en un simple débat dans une salle d'audience. Ils refusent d'incriminer l'ex-président «Les prévenus qui sont devant vous ont deux casquettes: politique et gestionnaire» lance Me Benkraouda affirmant que les actes de gestion ne peuvent en aucun cas être régulés par des lois. «Le gouvernement ne tient pas ses réunions dans des cabinets noirs et secrets. Ce sont des séances publiques. Enfermez ces ex-responsables pour avoir pris des décisions est de l'injustice! Des Conseils de ministres se sont tenus sous la présidence de l'ex-président. On ne le dit pas parce qu'on veut, faire porter le chapeau à Bouteflika, non loin de là, c'est juste que ce sont les procédures», insiste l'avocat non sans dire qu'il s'agit là d'une réponse à certains titres de la presse nationale. Ce sont les médias qui font les jugements. Ahmed Ouyahia est un homme honnête et son procès est politique.» Tout en rappelant qu'il y a prescription pour les actes reprochés à son client, la défense d'Ahmed Ouyahia affirme que «dans aucun pays, tout un gouvernement a été jugé. C'est dire que nous avons réduit toutes les institutions de l'Etat pour les avoir placées dans le box des accusés» et d'ajouter «vous nous jugez pour des écrits et des correspondances, mais les hauts responsables maffieux ne laissent pas de traces». Affichant l'exaspération, il lâche «Ouyahia est en plein procès et on lui annonce sa peine de 15 ans dans un autre procès. Ça suffit! Lorsqu'il a été convoqué par la justice, il m'a appelé. Je lui ai demandé de ne pas se présenter et il m'a dit: ‘'Je n'ai rien à me reprocher mon fils. C'est la justice de mon pays'', Ahmed Ouyahia n'a pas fui. Il est là et assume sa responsabilité. Rendez-lui justice en le libérant.» La défense d'Abdelmalek Sellal a beaucoup insisté sur le fait que l'ex-Premier ministre est poursuivi dans cinq dossiers pour les mêmes actes alors qu'il n'est pas un ordonnateur «il a exécuté la politique du gouvernement en prenant en compte l'urgence». Parmi les huit avocats de Youcef Yousfi, Me Miloud Brahimi a affirmé que la place géographique du milieu qu'occupe l'Algérie est sûrement une erreur car «avec l'emprisonnement de Yousfi, nous sommes en arrière. Cela confirme que la justice est malade et que le justiciable est en danger. Nous voulons construire une Algérie nouvelle, mais cela ne peut se faire sans une justice indépendante et équitable. C'est là mon appel aux plus hautes autorités du pays». Au moins sept avocats ont défendu Mahdjoub Bedda pour démonter les quatre charges retenues contre lui et demander son acquittement des 8 ans de prison requis pour «28 jours de gestion». Les plaidoiries se sont poursuivies jusqu'à une heure tardive, jeudi dernier, avant que le juge ne décide de suspendre la séance à aujourd'hui pour permettre aux robes noires de poursuivre la défense de leurs clients. Les avocats de Amar Ghoul, les directeurs de port et Me Fetnassi le second avocat d'Ahmed Ouyahia sont notamment attendus.