La participation aux marches, hier, était timide. Il n'y avait pas grand monde dans les rues des villes qui ont vu des citoyens déterminés à braver le risque épidémique pour exprimer des revendications politiques. Les manifestants qui ont scandé les slogans traditionnels du Hirak n'ont pas été empêchés par les services de l'ordre qui s'étaient contentés d'encadrer la marche. À Béjaïa et dans les quelques autres villes où des manifestations pacifiques avaient eu lieu, il a été principalement constaté l'absence des partis politiques, des organisations de la société civile ayant pignon sur rue et les personnalités nationales qui, habituellement, marquaient de leur présence les «vendredis du Hirak». De fait, pour cette deuxième tentative de «réanimer» la contestation, il devient évident que les animateurs obéissent visiblement à une autre logique que celle du Hirak originel. Même s'il serait injuste d'incriminer tous les jeunes qui sont sortis, hier, pour faire entendre leur voix, il demeure entendu que l'insistance de relancer le Mouvement populaire émane, visiblement, de centres de décision étrangers à la logique «hirakiste» de la première heure. Celle-ci qui faisait de la préservation de la vie des Algériens et qui mettait la promotion de la citoyenneté au- dessus de toute autre considération, commandait, dès l'apparition de la pandémie en Algérie, une suspension du mouvement pour d'évidentes raisons de santé publique. L'attitude est citoyenne et est conforme à la philosophie d'un mouvement historique qui a suscité l'admiration de la planète entière. Les Algériens qui ont souscrit à cette approche citoyenne et responsable sont immensément plus nombreux que les irréductibles qui se sont exprimés, hier. Lesquels ont répondu à un appel lancé par l'organisation islamiste dont les principaux animateurs sont établis à l'étranger. Rachad, c'est d'elle qu'il s'agit, n'avait aucune main dans l'élan du 22 février 2019 ni dans les grandioses manifestations qui ont suivi. Rachad a pris le train en marche et n'a pu faire admettre aux Algériens, aucune de ses formes de lutte radicale et suicidaire. La grève générale, la désobéissance civile et autres «affrontements pacifiques avec les forces de l'ordre», prônés par Dhina et Zitout n'ont pu trouver un chemin dans les vendredis du Hirak. Submergés par la vague citoyenne, Rachad et les autres micro-mouvements pilotés de l'étranger, se retrouvent seuls sur le terrain de la contestation et pensent avoir l'opportunité que leur offre le Covid-19 pour prendre la tête de la contestation. La leur n'est aucunement populaire, mais il faut reconnaître que leur persévérance à vouloir créer le chaos, en instrumentalisant la situation sanitaire du pays, est une idée diabolique que l'on ne peut con-trer, pour la simple raison qu'il est inimaginable de convaincre tous les Algériens, sans exception de la dangerosité du Covid-19 sur la santé publique. Rachad et les autres travaillent justement sur le succès de la gestion de l'épidémie par l'Etat pour semer le doute dans l'esprit des jeunes sur l'opportunité même du confinement et des mesures barrières. «L'épidémie est destinée à faire taire le Hirak» est une phrase produite à Londres et Paris et exportée vers l'Algérie qui voit sa bonne gestion de la pandémie retournée contre elle. Le risque, bien entendu, n'est pas dans les marches elles-mêmes, mais dans la propagation du virus qu'elles facilitent forcément. Les Algériens dans leur grande majorité ne sont pas tombés dans le piège de Rachad, mais les quelques centaines de manifestants peuvent, comme cela s'est déjà vérifié en Occident et en Extrême-Orient, susciter de nombreux clusters de l'épidémie qui, au final pourrait provoquer une situation sanitaire ingérable. L'objectif des animateurs du «nouveau Hirak» n'est donc pas de «libérer la parole des Algériens», mais de les faire plonger dans un chaos indescriptible. Ces manifestations sont donc une sorte d'arme de destruction massive. Que les forces de l'ordre les dispersent ou les laissent se dérouler, le mal est déjà fait. Il reste que l'attitude de la police, hier, aura donné une bonne leçon à l'opinion nationale. C'est dire que les libertés individuelles et collectives sont sauves. L'important est de ne pas diffuser le virus. La société l'a compris, il faut maintenant qu'elle fasse un effort en direction de la minorité de radicaux.