il est utopique, voire naïf de penser que le futur président des Etats-Unis qui serait élu au mois de novembre prochain, quelles que soient ses obédiences et son appartenance partisane est à même de modifier les fondamentaux de la politique étrangère des Etats-Unis d'Amérique. Etant conçue aussi bien par la Maison-Blanche que par le Département d'Etat, le Département de la Défense, le Conseil national de Sécurité, et les différentes agences de renseignement, le tout sous les rapports de force et d'influence des différents lobbies, il me semble que le nouveau président ne pourra apporter que quelques ajustements en tenant compte de la nouvelle ère marquée, particulièrement, par les conséquences de la crise pandémique de Covid-19, par des crises sociétales et communautaires, par des conflits de faible intensité (LIC) et par la déclinaison politico-économique qui touche l'Europe, notamment et qui s'est matérialisée par le Brexit et par la gestion de l'épidémie du coronavirus. Chasse gardée Traditionnellement, la conception de la politique étrangère des Etats-Unis d'Amérique est faite de sorte à centrer la politique de sécurité sur un axe Nord-Sud et de créer une zone américaine de coopération, incluant l'Amérique latine, la Sibérie, l'Océanie, et une partie de l'Afrique. Au travers du décryptage des différents discours politiques, on pourrait comprendre que la sécurité nationale n'est plus pensée en termes stricts de calcul militaire. Je n'en suis pas si convaincu. Sachant que la prérogative d'une puissance influente est de pouvoir gérer son environnement externe, les sources de la force et de l'influence américaine étant au nombre de quatre: puissance militaire, influence diplomatico-culturelle, indépendance relative en ressources naturelles, compétitivité dans le commerce international. À mon sens, en ce qui concerne les deux premières sources, les Etats-Unis d'Amérique continueront à montrer leur volonté d'utiliser leur force militaire, ce qui consolidera l'influence diplomatique (équilibre relatif entre Soft et Hard Power). Quant aux deux dernières sources, elles visent la reconquête par la stratégie du «circumscribed engagement - engagement circonscrit». Premier investisseur en Afrique Partant de ces principes fondamentaux, les Etats-Unis d'Amérique devraient concen-trer leurs activités de politique étrangère et leurs entreprises économiques et commerciales dans une «zone de coopération» définie par deux sous-ensembles, le «bloc hémisphère occidental» et l'«aire d'intérêt spécial». Le premier correspond à l'ensemble du continent américain et le second correspond à l'Afrique. Le «bloc hémisphère occidental» constituerait un contrepoids commercial face à l'Europe et au Japon par l'encouragement du libre-échange et en augmentant l'approvisionnement des Etats-Unis d'Amérique en minerais stratégiques à partir de l'Amérique latine. Cette stratégie économique a été adoptée par le président Bush dans le cadre de l'«Enterprise for the Americas» poursuivie par les présidents Clinton, puis Obama et Trump. De mon point de vue, le futur président ne fera que consolider cette voie. L'«aire d'intérêt spécial» considérée comme proche du bloc, est choisie pour ses ressources naturelles et sa complémentarité sur le plan économique. Dans la vision stratégique américaine, le «bloc hémisphère occidental» pourrait présenter à l'Afrique une alternative au partenariat traditionnel de l'Europe. Comme l'Amérique, par sa population, possède de nombreux liens avec l'Afrique, elle entend les valoriser et approcher l'Afrique autrement que pendant la Guerre froide; les Organisations de société civile (OSC) jouant un rôle primordial à cet égard. C'est pour cela qu'une nouvelle attitude américaine envers l'Afrique sera incontestablement observée par la nouvelle administration américaine post-élection et post-Covid-19. L'intérêt des Etats-Unis d'Amérique pour l'Afrique augmenterait au fur et à mesure que l'Europe abandonne sa «chasse gardée» mais surtout pour contenir la propension de la Chine, laquelle a opté pour un «Smart Power», combinant la diplomatie économique et commerciale et la diplomatie scientifique et sanitaire. Il y a lieu de considérer que dans la vision géoéconomique américaine future, l'Europe et le Japon sont rivaux et la Chine un concurrent au sens le plus large du terme. L'alliance stratégique renforcée avec le Royaume-Uni, à l'issue du Brexit et le développement futur de la relation d'exception avec la Russie de Poutine ne feront que consolider cette vision. Organisations extrémistes Selon des observateurs avertis, les priorités géostratégiques des Etats-Unis d'Amérique en Afrique sont d'abord de s'assurer une possibilité de projeter leur puissance dans tous les recoins de la planète, et de ce fait disposer de bases. Comme les Etats-Unis d'Amérique dépendent de la liberté et de l'ouverture des voies maritimes ainsi que d'une puissante flotte de haute mer pour leur approvisionnement en matières premières et leur vitalité économique, ils seront toujours concernés par l'accès aux ports et le passage des détroits. Par conséquent, l'attention sera concentrée sur les quelques pays africains sous le parapluie d'une coopération globale (gagnant-gagnant) «Win-Win» et dont le poids se fait ressentir en matière de production de pétrole, de gaz et de minerais, de lignes de communication maritime et de prolifération d'équipements militaires. Il s'agit dans ce cas, notamment, de l'Afrique du Sud, du Kenya, du RD Congo, du Zimbabwe, du Nigeria, de l'Ethiopie, de la Libye, du Maroc, et de l'Algérie. Le président qui sera élu en novembre prochain et intronisé le 20 Janvier 2021, déclinera les grandes lignes de sa politique étrangère dont le partenariat d'exception avec la Russie et la guerre commerciale contre la Chine. Ces deux axes indiqueront de manière indirecte la ligne que devraient adopter les Etats-Unis d'Amérique à l'égard du continent africain en général et de l'Afrique du Nord en particulier. Selon les observateurs avertis, le futur président adopterait une politique active en Afrique pour demeurer en adéquation avec les principes fondamentaux de la politique étrangère des Etats-Unis d'Amérique. À mon sens, le nouveau président qu'il soit républicain ou démocrate ne tournerait pas le dos au continent africain. C'est en termes d'approche que les choses seront différentes. Le nouveau président s'attellera à reconquérir la place de premier plan de partenaire commercial que la Chine a détrôné depuis plus de cinq ans sur le continent. Il s'appuierait incontestablement sur son allié stratégique le Royaume-Uni qui compte plusieurs pays africains comme membres du Commonwealth et d'autres qui ont émis le souhait d'y adhérer. Toutefois, les Etats-Unis d'Amérique sont le premier investisseur en Afrique, la Chine étant seulement en sixième place, un atout qui n'échappera pas au nouveau président pour assoir le positionnement à venir. S'agissant de l'aide au développement fourni par les Etats-Unis d'Amérique au continent africain, elle resterait modeste sans impact conséquent comparée à celle fournie à l'Afghanistan, Israël, l'Irak et l'Egypte. Au regard de la stratégie de combattre sans relâche les Organisations extrémistes violentes (Isis (Daesh), Aqmi, Boko Haram, Al-Shabab, etc), le nouveau président renforcera, incontestablement, sa coopération avec les pays de l'Afrique subsaharienne et de l'Afrique du Nord dont l'expertise de lutte contre le terrorisme et le crime organisé est avérée. À mon sens, le nouveau président ferait de sorte à consolider, voire renforcer les forces américaines en Afrique par la formation de forces de sécurité locales et par conséquent augmenter ses budgets. Concernant l'Algérie, en particulier, il me semble que les relations bilatérales ne seraient que consolidées sous la future présidence américaine. Ceci est surtout conforté par l'engagement indéfectible de l'Algérie dans la lutte contre les Organisations extrémistes violentes dans l'espace sahélo-saharien et ses efforts dédiés à sa contribution à la stabilisation de la région Maghreb-Sahel par des processus de dialogue et de réconciliations politiques inclusifs (cas de la Libye et du Mali) et du soutien irrévocable et continu à l'autodétermination du Sahara occidental. De plus, les relations économiques, notamment dans le secteur de l'énergie, entre l'Algérie et les Etats-Unis d'Amérique qui ont traditionnellement été fluides ne pourraient qu'être un élément de convergence futur.
*Dr Arslan Chikhaoui est, actuellement, Président Exécutif du Centre de consultance et d'Etudes ‘NSV'. Docteur Arslan Chikhaoui