Il m'a été donné l'occasion de consacrer au Sahel, deux contributions, «Autopsie d'une crise» et «La menace d'implosion des Etats sahéliens nés de la décolonisation», parues dans L'Expression respectivement le 11/10/2012 et le 07/04/2013 appuyées de deux interviews accordées à L'Expression du 30/08/2012 et du 13/09/2012 dans lesquelles j'ai déclaré respectivement : «Il n'est pas dans l'intérêt de l'Algérie d'intervenir au Mali» et : «Les mises en garde de l'Algérie n'ont pas été entendues». La crise actuelle est son point culminant. Le risque d'un éclatement du pays est à craindre. Le Nord, (l'Azawed), dissident, n'a jamais abandonné cette éventualité. Les différentes couches socioculturelles que tout sépare : (langue, origine raciale, culture, etc.) ne sont pas de nature à les rapprocher. Seul le côté cultuel, en la foi musulmane, censé les unir, se trouve ébranlé par «le poison salé» des fanatiques religieux. La persistance de la crise est un danger menaçant toute la région. Secoué par des manifestations d'une ampleur sans précédent, le Mali avec le Niger constituent les frontières de l'extrême Sud du pays, les profondeurs de l'Algérie. D'un côté la Tunisie qui depuis sa révolution en 2011 avec la chute du régime de feu Ben Ali est encore à la recherche de son chemin, malgré les largesses financières accordées par l'Algérie, incomprises par les populations, notamment celles du Grand Sud, en attente d'une meilleure répartition des richesses que renferment le sous-sol sous leurs pieds, brillamment résumée par le député algérien du Sud-Est, tout de même exprimée de la bouche d'un Targui. Cependant, les Algériens apprécient à sa juste valeur, le geste répété de l'aide humanitaire destinée aux populations des Etats du Sahel. Depuis la chute de Kadhafi, la Libye est au bord d'un éclatement et le peuple scrute l'horizon avec une immense inquiétude quant à une solution qui s'éloigne chaque jour davantage. Avec ce constat à ses frontières à l'Est, l'Algérie est fortement préoccupée de la crainte de voir le soleil tarder à se lever à son habitude un jour maudit. Voilà que s'ajoute à cette liste funeste de déstabilisation politique régionale, le Mali, dont l'intérêt inévitable de l'Algérie est de sauvegarder l'intégrité territoriale de ce pays. Or, dans mon article : «La menace d'implosion des Etats sahéliens nés de la décolonisation», j'avais déjà lancé l'alerte d'une menace en provenance du Sud. Je n'ai pas cessé de réitérer cet appel à chaque occasion à qui de droit. En outre, j'ai ajouté dans l'interview accordée à L'Expression, (n°3600 du jeudi 30/08/2012), que toutes nos frontières sont menacées.Comme je ne peux m'abstenir d'ignorer la réalité évolutive irréversible des relations internationales entrées dans un processus de mondialisation accélérés de changement irrévocable. À cela il ne faut pas omettre de prendre en considération les paramètres aggravants suivants :-1 la menace djihadiste qui pèse sur les pays du Sahel pour exemple les répercussions de la faiblesse du régime au Burkina Faso à faire face au terrorisme ,-2 l'engrenage de la violence au Mali,-3 la construction à nos frontières Ouest de casernes militaires,-4 la tentative de Kadhafi de remplacer le CFA en vigueur dans les pays francophones par une monnaie unique : le dinar qui a précipité sa chute,-5 la France n'a pas oublié l'achat du satellite de télécommunications en versant cash 300 millions de dollars sur les 500 par Kadhafi, la différence ayant été prise en charge par la Banque africaine de développement. Sans cette initiative les Africains n'auraient jamais pu caresser le téléphone mobile,-6 la présence militaire française aidée par des conseillers américains et celle des Nations unies ne sont pas de nature à distinguer un horizon prometteur,-7 enfin, le Nord du Mali et le Sud que tout oppose particulièrement sur le plan socioculturel, des couches composant la société malienne que le paramètre unique de la foi musulmane au lieu de les unir les soumet à une confrontation périlleuse. À tous ces ingrédients, s'ajoute le facteur commun à tous les pays africains, l'extrême pauvreté. Cette dernière permet aux forces djihadistes de trouver le terrain fertile de leur engrenage. Avec des ressources minières telles que l'or, diamant, bauxite, manganèse et 11 millions d'habitants sur un sol aussi riche comment expliquer la pau- vreté du peuple malien après plus d'un demi-siècle d'indépendance ? C'est le drame de l'Afrique ? Le coronavirus est entré dans la danse en aggravant la situation. La crise sanitaire inédite, gravissime, s'est greffée aux plans économique et social, comme un serpent entourant sa proie pour mieux l'étouffer et la digérer ensuite. Malgré cette situation dévastatrice au bord de l'anéantissement d'une société toute entière, la classe politique malienne reste préoccupée, coincée par un seul élément, le siège présidentiel. La survie d'une nation et de sa composante humaine importe peu par rapport au siège présidentiel. Mais de quelle espèce sont-ils ces hommes politiques africains ? L'aboutissement de cette marmelade serait sans aucun doute, une mise en cause de toute la géographie politique de cette immense région aux richesses insoupçonnées. À moins qu'une pandémie machiavélique d'un virus à grande échelle sur l'Afrique viendrait solutionner toutes ces interrogations, notamment celle de la géographie politique régionale.