Le Premier ministre désigné, Ismail Haniyeh, devait présenter hier au président Abbas son gouvernement. Un gouvernement à coloration islamiste, les partis ou mouvements palestiniens, à l'instar du Fatah, ayant refusé l'invite du Hamas à entrer dans un cabinet d'Union nationale. Il est patent toutefois que ces circonstances rendent la marge de manoeuvre du gouvernement du Hamas très étroite et aléatoire. C'est hier que le président Abbas devait recevoir M.Haniyeh et son gouvernement. En effet, le dirigeant du Hamas, qui a été chargé le 21 février de former un gouvernement, a écrit vendredi une lettre au président de l'Autorité palestinienne dans laquelle il l'informait de sa disponibilité à lui présenter son cabinet qui était «prêt». La lettre assez vague ne donnait aucune indication sur la composante humaine du cabinet, ni ne fait mention des divergences apparues entre M.Abbas et des représentants du Hamas lors de leurs précédentes rencontres. Ainsi, Mahmoud Abbas devait prendre connaissance hier de la composition du cabinet Haniyeh, où ne figureraient ni des représentants du Fatah, ni ceux du FPLP, ce dernier toujours indécis quant à une participation au gouvernement islamiste. Le Hamas avait trusté les sièges du Conseil législatif palestinien (CLP, Parlement) lors des élections du 25 janvier dernier et dispose d'une majorité confortable au Parlement. Dans une brève déclaration à Rafah (Ghaza) Abou Mazen a indiqué hier à la presse «Je vais inviter aujourd'hui M.Haniyeh à présenter le gouvernement sur lequel il a travaillé» Invité à dire s'il va accepter le cabinet Haniyeh M.Abbas a répondu .«Je ne sais pas qui sera dans le gouvernement et quel sera son programme. Jusqu'à ce que j'entende (M.Haniyeh) je n'ai rien de plus à dire». De son côté, M.Haniyeh, qui a indiqué avoir eu un entretien téléphonique avec M.Abbas, a déclaré espérer, «qu'il (M.Abbas) acceptera notre gouvernement » Aussi, les supputations ont été nombreuses ces derniers jours quant à la validation ou non d'un cabinet islamiste par le président de l'Autorité palestinienne. Toutefois, selon deux hauts responsables palestiniens, il est probable qu'Abou Mazen donne le feu vert au gouvernement formé par Ismail Haniyeh. Selon, Nabil Abou Roudeina, porte-parole de l'Autorité palestinienne, il ne fait pas de doute que le président accepte le cabinet de Hamas, indiquant «Le président ne va pas rejeter le gouvernement du Hamas car il ne veut pas poser des obstacles au cabinet qui obtiendra la confiance du Conseil législatif» Appréciation confirmée par Ahmed Al-Azzam, président du groupe parlementaire du Fatah, qui a lui aussi estimé que «Le président devrait accepter le gouvernement Haniyeh» précisant au passage que son parti (le Fatah) avait refusé de rejoindre le cabinet du Hamas et ne lui donnerait pas son vote de confiance. Il est toutefois douteux que le gouvernement de Haniyeh ne franchisse pas l'obstacle du Parlement où le Hamas, avec 75 sièges, détient la majorité absolue. En fait, le président de l'Autorité palestinienne, en l'état actuel des choses, dispose de peu de solutions de rechange et doit, au moins dans un premier temps, composer avec le mouvement islamiste et lui donner de faire valoir ses capacités à gouverner sans pour autant mettre en danger le devenir de l'Autorité autonome palestinienne en difficulté financière, au bord de la banqueroute affirment certains observateurs, compliqué par le blocage par Israël des revenus mensuels (taxes douanières notamment), qui reviennent à l'Autorité, évalués à 50 millions de dollars. Par ailleurs, un refus frontal du gouvernement islamiste risque de mettre à mal les institutions palestiniennes déjà fragiles et peu performantes. Conscient de ces difficultés, le président Abbas n'en a pas moins l'intention de mettre le mouvement islamiste face à ses responsabilités en lui demandant instamment de respecter la Charte de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine, qui regroupe l'ensemble des mouvements de résistance palestiniens) laquelle indique que la solution du conflit israélo-palestinien doit se résoudre dans le cadre de négociations sur la base des accords signés entre l'Autorité palestinienne et Israël. Dès lors, il va appartenir au cabinet Haniyeh de nuancer ses positions sur les questions relatives aux relations avec l'Etat hébreu sous peine de voir l'Autorité palestinienne isolée politiquement et privée de l'aide de ses donateurs, en particulier occidentaux, qui participent largement aux fonds destinés aux Palestiniens. Un responsable européen spécialiste du Moyen-Orient, s'exprimant sous anonymat, tout en constatant que «La situation est très compliquée», affirme cependant «Nous (l'UE) ne voulons surtout pas que la situation humanitaire se dégrade». Toutefois, la Commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, a réitéré la semaine dernière qu'il était exclu que l'UE «assouplisse les conditions» posées pour dialoguer avec le Hamas.