Alors que la violence subsiste, hier encore des Irakiens ont été tués, les autorités éprouvent des difficultés à former un gouvernement. C'est encore sous la couleur du sang que les Irakiens commémoraient hier le troisième anniversaire de l'invasion américano-britannique -ayant entraîné la chute du régime de Saddam Hussein- qui n'a résolu aucun des problèmes qui se posent au pays. La difficulté même que trouvent les nouveaux dirigeants irakiens à mettre en place des institutions stables -alors que se profile à l'horizon le spectre de la guerre civile- en dit long sur le marasme politico-sécuritaire où est plongé le pays depuis trois ans, marqué ces derniers temps par des heurts confessionnels -souvent meurtriers- que se livrent les sunnites et les chiites. A l'entame de la quatrième année de présence des forces étrangères rien n'indique le retour, à terme, des conditions sécuritaires et politiques propices à une sortie de crise de l'Irak. De fait, les déclarations ‘'alarmistes'' dimanche, à la BBC, de l'ancien Premier ministre intérimaire, Iyad Allaoui, a provoqué un début de polémique, le président Talabani et de hauts gradés américains s'inscrivant en faux contre le pessimisme dont fait montre M.Allaoui. Celui-ci a affirmé à la BBC que « non seulement l´Irak va s´effondrer (...) mais le sectarisme va se répandre dans toute la région et même l´Europe et les Etats-Unis ne seraient pas épargnés». Dans une autre déclaration faite hier à la chaîne américaine NBC, Iyad Allaoui récidive et affirme. «Il n´y a aucune institution pour protéger la population, il y a une purification ethnique en cours ici et là dans le pays, et cela est en fait du niveau de la guerre civile ». Evidemment, ces déclarations ont provoqué la réaction du président Jalal Talabani selon lequel «le risque d´une guerre civile est à exclure » alors qu'il avait lui-même mis en garde, récemment, contre les « risques de guerre civile » au plus fort des attentats qui ont endeuillé l'Irak en février et au début de ce mois. « On est loin d´une guerre civile et nous nous acheminons vers une formule d´entente nationale», a ainsi estimé M.Talabani, en référence aux progrès faits, selon lui, dans la recherche de la constitution d'un gouvernement d'union nationale. De son côté, le général George Casey, commandant des forces de la coalition en Irak, dans une déclaration à la chaîne Fox, rejette les propos de l'ancien Premier ministre intérimaire et assure que «le pays ne baigne pas dans la violence confessionnelle» affirmant «je ne crois pas (..) que la guerre civile soit imminente, et (..) qu´il soit inévitable qu´elle arrive». Sentiment partagé par la Maison-Blanche qui fait étalage d'un optimisme -quant au retour à la paix et la sécurité en Irak- que démentent quotidiennement les événements sanglants qui ravagent l'Irak. Evoquant ce pays dimanche, à la veille du troisième anniversaire de l'invasion, le président américain George W.Bush a incité les responsables politiques irakiens à former un gouvernement «qui reflète la volonté du peuple», indiquant: «J´encourage les responsables irakiens à continuer à travailler dur pour mettre sur pied ce gouvernement». M.Bush, qui a mis à profit cet anniversaire pour rendre «hommage» aux forces d'occupation américaine a ainsi souligné: «Les Irakiens ont voté en décembre pour la démocratie, environ 75% des électeurs se sont rendus aux urnes pour voter, et maintenant les responsables irakiens travaillent ensemble pour installer un gouvernement qui reflète la volonté du peuple, et je trouve ce progrès encourageant». Et de conclure «nous mettons en oeuvre une stratégie qui conduira à la victoire en Irak, et la victoire en Irak rendra ce pays plus sûr, et aidera à poser les bases de la paix, pour les générations à venir». Au plan politique, la formation d'un gouvernement est toujours en négociation, mais des sources proches des négociateurs ont indiqué hier qu'une réunion des groupes politiques irakiens (sur la formation d´un gouvernement national) a débouché sur un accord sur le principe d´un Conseil de sécurité national, organisme qui, selon le président Jalal Talabani, «réunira les représentants de tous les partis politiques et sera chargé de tout ce qui concerne la sécurité du pays». Reste à savoir dans quelle mesure cette structure -dont la composante reflètera les forces politiques représentées au Parlement (dominé par les chiites conservateurs)- aidera au retour de la sérénité et hâtera la formation d'un gouvernement d'union nationale qui bute depuis deux mois sur des positions (ou revendications) pour le moment inconciliables.