La prudence a été de mise: le Parlement tunisien a préféré, hier, tenir plutôt que courir et il a, à contrecoeur, voté la confiance au gouvernement de technocrates présenté par Hichem Mechichi. C'est le second cabinet en moins de six mois qui est ainsi approuvé, dans des conditions similaires et avec des arrière-pensées, sinon des rancoeurs identiques. Ce faisant, la majorité de députés écarte la menace de la dissolution que le président Kaïs Saïed fait planer sur la représentation, au demeurant morcelé à l'extrême et secouée par des querelles interminables. Le nouveau gouvernement que va conduire l'ancien ministre de l'Intérieur de l'éphémère formation conduite par Elyas Fakhfakh est constitué de magistrats, de fonctionnaires et de cadres brillants des secteurs public et privé. Il a obtenu 134 voix pour sur les 217 que compte l'Assemblée des Représentants du peuple (ARP). Le bras de fer qui a opposé, des semaines auparavant, le chef de l'Etat Kaïs Saïed au mouvement Ennahdha de Rached Ghannouchi, principal bloc parlementaire au sein du Parlement aura tourné, cette fois encore, en faveur de l'universitaire farouchement indépendant des partis dont il considère, à tort ou à raison, qu'ils portent l'entière responsabilité de la situation actuelle du pays. Pourtant, une fois de plus, c'est, paradoxalement, avec l'assentiment contraint et forcé de ces formations (Ennahdha, Al Karama et Qalb Tounes) que le gouvernement «apolitique» de Hichem Mechichi a passé le cap du scrutin de confiance dont tout indique qu'il aura, à son tour, à gérer les tensions qui ont été fatales à son prédécesseur. A situation identique, correspondent forcément des échéances identiques. Pourtant, le nouveau chef du gouvernement aura bien pris une certaine distance vis-à-vis du président Saïed déterminé à imposer ses vues, et il n'a pas hésité à rechercher un soutien, même du bout des lèvres, de la part des partis en vue. Lesquels demeurent tout aussi méfiants comme en témoignent les réserves formulées sur le cabinet. Ennahdha et Qalb Tounes, entre au-tres, ne perdent pas l'espoir de pouvoir remanier, au moment opportun, cette équipe qu'ils vont attendre de pied ferme sur le terrain des projets de lois qui leur seront soumis. Le président Saïed a pour sa part assuré la maîtrise des portefeuilles régaliens, la Défense confiée à Ibrahim Bartagi, professeur de droit à l'université où exerçait Kaïs Saïed, la Justice à Mohamed Bousseta, un magistrat, et l'Intérieur à Taoufik Charfeddine, avocat et pilier de sa campagne électorale. Tous trois sont inconnus du grand public et n'ont aucune expérience politique. Avec une équipe forte de 25 ministres et 3 secrétaires d'Etat, dont 8 femmes, le gouvernement Mechichi aura fort à faire pour mettre en oeuvre un programme, encore flou d'ailleurs, si ce n'est l'ambition de réformer l'administration et d'arrêter l'hémorragie des finances publiques. A noter le fait que, pour la première fois, un non-voyant est présent dans cette formation atypique.