Mis en relief par le président de la République, dans son discours d'ouverture de la 1re conférence nationale des avocats, les efforts déployés dans le cadre de la réforme de la justice ambitionnent la modernisation de ce secteur. Ce qui revient à dire qu'il faut le mettre en conformité avec la Constitution et les principes des droits de l'Homme ainsi que les chartes et traités internationaux paraphés par l'Algérie, d'une part, et le conforter pour qu'il puisse agir face aux «fléaux sociaux et aux graves crimes qui menacent la sécurité de la société, l'intégrité des personnes, les richesses du pays», d'autre part. Certes, il y a eu bon nombre d'amendements et d'enrichissements de la législation nationale, au cours des dernières années. Cela a notablement permis de renforcer les garanties des droits et libertés fondamentales du citoyen, allant de la présomption d'innocence à celui de l'assistance d'un défenseur lors de la présentation au parquet, en passant par la réforme de l'enquête judiciaire et des conditions de la détention préventive. Toutes ces avancées méritent d'être relevées car elles témoignent de la volonté politique, exprimée par le président de la République, de consacrer, petit à petit, l'Etat de droit qui, seul, peut permettre à l'Algérie d'accéder au concert des nations modernes et démocratiques. Les efforts sur le plan législatif s'accompagnent de réalisations indéniables en matière de «promotion des ressources humaines, de formation et de modernisation», tant le secteur de la justice a progressé en équipements technologiques et en cycles de formation et d'échanges intra et extranationaux. Auquel cas, on serait tenté de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des secteurs sensibles. Or, chacun sait qu'il n'en est rien, et les avocats plus que tout autre. Ils ont saisi l'occasion de cette rencontre riche en débats et en interventions pour dresser un état des lieux qui a vite fait de devenir un... réquisitoire contre ce qui fonde la raison d'être du secteur judiciaire, ses principes et sa mission d'équité. Ce qui caractérise la justice, aujourd'hui comme hier, c'est l'incompétence et la corruption, comme l'a asséné avec force l'éminent juriste qu'est M.Issaad. Et qui ne connaît pas la fameuse anecdote des deux compères en prison qui ont écopé l'un de dix ans ferme et l'autre de 10 mois dont 9 avec sursis, sauf que le premier a volé du foin et que l'autre a saigné l'Etat de centaines de milliards ! Toute la problématique est là, n'en déplaise à la sérénité des juges et à la probité de nombreux magistrats qui exercent leur tâche dans les conditions les plus dures et les plus ingrates qu'on puisse imaginer. Faut-il jeter la pierre à la face de la magistrature parce qu'il s'y promène encore et toujours un certain nombre de moutons noirs? Inutile car la vraie solution consiste à oeuvrer sans relâche à la formation des magistrats, comme d'ailleurs des défenseurs, à travers des recyclages continus, et aussi à les doter des moyens matériels et législatifs qui les mettent à l'abri des pressions qu'ils subissent, bon an mal an, dans l'exercice quotidien de leur action. Quitte à les rendre comptables de leurs décisions car il faut, comme cela se fait dans un véritable Etat de droit, qu'ils puissent être interpellés sur toutes leurs décisions. Une fois que les conditions optimales d'exercice de leur fonction, dans la transparence et la responsabilité effective, auront évidemment été concrétisées. Cet enjeu de la responsabilisation détermine, dans une certaine mesure, la question de l'incompétence et de la corruption. Vient ensuite l'enjeu de la formation. Le greffe, a dit à juste titre Me Chalat, est tributaire de cette incompétence patente des arcanes de la justice. Or il constitue son épine dorsale. Si des efforts conséquents sont déployés depuis des années en direction des magistrats, d'autres efforts, non moins conséquents, restent à fournir au profit de la défense et du greffe, si l'on veut que la réforme de la justice aboutisse à un résultat satisfaisant. Au cas contraire, il y aura, ici et là, un pied-bot qui la rendra, encore et toujours, boiteuse. Il est certain, comme l'a vivement souligné le président Abdelaziz Bouteflika, que «l'indépendance de la justice passe par l'indépendance du magistrat qui doit être incorruptible et ne cède ni aux pressions de militaires ni à celles d'hommes politiques». Cet appel vibrant à une profession, à un secteur qui accapare tous les quolibets de la vox populi, est significatif de la volonté du premier magistrat du pays d'oeuvrer davantage en faveur de l'indépendance de la justice, pierre angulaire d'une future et indispensable séparation des pouvoirs qui, elle-même, conditionne la construction de l'Etat de droit.