Le futur bâtonnier d'Alger sera-t-il une femme? Tous les avocats que nous avons approchés en sont persuadés. L'une des deux candidates, maître Chelouche-Belgacem Fatiha, présente l'avantage de conduire une liste qui comporte pas moins de huit femmes sur la vingtaine de membres. Ce qui est loin d'être négligeable quand on sait que la profession est à dominante féminine. Mais l'autre intérêt que présente cette candidate est sa longue expérience du barreau, sa participation active dans de nombreux travaux touchant le secteur, notamment pour avoir fait partie de la Commission nationale de la réforme de la justice dite commission Issad (du nom de son président). De plus Me Chelouche-Belgacem a rempli trois mandats au conseil de l'Ordre en qualité de membre, où elle s'est distinguée par son ouverture d'esprit et sa farouche détermination à défendre ses idées sur les valeurs de la profession et leur adéquation avec une justice conforme à l'établissement de l'Etat de droit. A écouter cette avocate s'entretenir avec passion de ces sujets on ne peut s'empêcher d'y déceler l'accent du syndicaliste convaincu. D'ailleurs, par des indiscrétions, nous avons appris qu'elle est, depuis de nombreuses années, le conseil attitré de l'UGTA. C'est dire que Me Chelouche-Belgacem ne se présente pas les mains vides. Son programme a l'ambition d'être complet. Il rappelle les nouveaux défis qui se présentent avec la mondialisation en cours, avec les technologies modernes qui s'imposent et, plus près, avec l'accord d'association avec l'Union européenne. La candidate rappelle l'histoire du droit en Algérie et le collectif d'avocats du FLN durant la Guerre de Libération nationale pour se demander pourquoi, dès lors, le barreau algérien est-il absent du tribunal pénal international. Une place dans les actions internationales à reconquérir absolument. De grands desseins qui ne lui font pas oublier la condition fragile des avocats débutants qu'il faut aider par l'accès au crédit bancaire, la prise en charge de sa formation à l'étranger, l'exonération fiscale pour les premières années d'exercice, etc. Pour les moins jeunes, Me Chelouche-Belgacem fustige «les pensions de retraite dérisoires déterminées en fonction des déclarations fiscales, ce qui met l'avocat, en fin de carrière, dans une situation précaire et peu honorable » avant de préconiser «la mise en place d'une caisse de retraite complémentaire» et d'une mutuelle de sécurité sociale. Après avoir souligné que «la composante humaine du Barreau d'Alger est à majorité féminine jeune», la candidate exige «sa participation dans toutes les activités par le biais d'une représentation paritaire (quota de femmes) dans toutes les activités organisées par le Barreau à l'échelon national et international». Débutants, retraités, femmes, aucune frange n'est oubliée dans ce qui constituera, en cas d'élection, un vent de réforme sur un conseil de l'Ordre à épousseter sérieusement. Une remise à niveau aux normes du IIIe millénaire. Toute la rédaction de ce programme reflète les qualités morales de l'avocate-candidate qui n'hésite pas à qualifier son travail de «modeste programme» appelé à être enrichi par tous. Ce qui est sûr, en cas d'élection d'une femme bâtonnier, est la réfection morale du conseil de l'Ordre. Il sonnera le glas sur l'esprit de clans qui a toujours régné et les réunions mondaines qui le caractérisent. Le propre de la femme est d'être hermétique aux sollicitations de toutes formes de corruption dont les ravages dans le secteur ne sont un secret pour personne. La capacité d'écoute et le potentiel d'énergie propre à Me Chelouche-Belgacem feront le reste. Quoi qu'il en soit la campagne électorale prend de l'intensité à mesure qu'elle approche de la fin. C'est-à-dire jeudi prochain, date des élections. Un premier tour qui permettra une vision claire sur le prochain bâtonnier. Et si les avocats «féministes» étaient dans le vrai?