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Un pas de plus pour une vraie relance
1er Novembre 2020
Publié dans L'Expression le 29 - 10 - 2020

Cette façon de faire ne risquerait-elle pas d'accentuer davantage l'éloignement, quasiment irréversible chez certains, de la raison qui, durant la nuit du 1er au 2 novembre 1954, avait poussé les «fils de la Toussaint» à rompre, les armes à la main, avec la géhenne coloniale? L'idéal serait que l'étincelle dont l'éclat s'est terni au fil du dernier demi-siècle, réapparaisse et scintille de nouveau au firmament. Aurons-nous la chance de voir se renouveler le deale que les Algériens avaient contracté lors de cette fameuse nuit gorgée d'espoir durant laquelle les armes ont été brandies pour se défaire d'un ennemi spécialisé dans l'extermination des peuples et les guerres injustes? Question simple! Comment imaginer l'ambiance qui régnera le dimanche de la prochaine Toussaint? Une nouvelle prise de conscience pour être nombreux à voter en faveur de la nouvelle mouture de la Constitution? Nombreux seraient, semble-t-il, les Algériens convaincus de cette nouvelle démarche. À entendre certains d'entre eux vanter la nouvelle ère qui s'ouvre, il n'y aura plus que les sempiternels indécis, une minorité, qui doutent de tout et les partisans de l'aliénation à outrance qui risquent de faire faux bond au bon sens de la nouvelle démarche qui se profile. Un contexte différent devrait s'ensuivre. À ce propos, justement, des chercheurs bien de chez nous ont, il y a quelques mois, démontré que les Algériens d'aujourd'hui sont fiers de posséder des racines correspondant à plus d'un million d'années de présence sur cette terre généreuse qu'est l'Algérie. Conséquence, on ne s'explique pas comment certains d'entre eux ont pu décider d'entrer en dissidence avec leur propre pays en se livrant, par aliénation interposée, à l'ancien bourreau de leurs ancêtres. Voilà qui risque de remettre en question toute la ferveur patriotique qui a permis à leurs aînés de se débarrasser de l'humiliante chape de plomb du colonialisme latin. Pour autant, le premier novembre prochain délivrera-t-il le défi tant attendu pour relancer le défi pour éliminer les dernières hérésies qui nous empoisonnent encore l'existence? Il s'agit, en effet, d'une initiative de salubrité publique à travers laquelle le patriotisme, souhaitons-le, retrouvera une plus large place chez les Algériens auxquels il incombera, désormais, de se frayer un chemin pour réagir de nouveau contre le burn-out ambiant. Cimenter durablement le nouveau destin du pays, c'est indubitablement ce à quoi le prochain référendum nous convie tous à l'unisson. Ce qui équivaudra à un acte salvateur qui remettrait au goût du jour les principes-fondateurs que le congrès de la Soummam avait adoptés pour donner du coeur au ventre aux combattants de la liberté. Une fois cette nouvelle vision réhabilitée, nous serions en mesure d'imaginer une Algérie apaisée et plus que jamais décidée à pulvériser les records dans les domaines liés au développement comme l'ont rêvé ceux qui se sont sacrifiés pour l'arracher aux griffes du colonialisme. C'est à ce moment-là qu'interviendra la nouvelle démarche à suivre pour s'affranchir des vieux mythes de la gouvernance laxiste qui a livré l'Algérie au pillage systématique de ses richesses par les multiples mafias qui ont parcouru, dans l'ombre et la sournoiserie, les coulisses du pouvoir pratiquement depuis 1962. Mais comment parvenir à un tel degré de conscience dans une conjoncture aussi peu dynamique et pouvoir à nouveau retrousser nos manches et nous engager à rattraper le temps et les occasions perdus? À dire vrai, la réponse est on ne peut plus évidente; nous rendre tout simplement aux urnes le 1er novembre prochain. Massivement pour faire triompher le droit et la légitimité populaire et bien sûr le travail en élevant les valeurs qui lui sont attachées au plus haut niveau d'estime. Des principes qui pourraient épargner à l'Algérie d'autres mésaventures. Victime d'une bourgeoisie à idéologie empruntée et dénuée de scrupules, l'Algérie a vécu pendant des décennies sous l'influence de clans dominés par le régionalisme et l'attrait de l'enrichissement illicite. En effet, pendant plus d'un quart de siècle, elle a subi la malfaisante influence de mercenaires travaillant au service d'un néo-colonialisme rampant, mais revanchard et viscéralement hostile à l'essor d'une nation tout juste sortie d'une guerre exterminatrice. Après tant d'épreuves, il était par conséquent temps pour l'Algérie de se ressaisir et profiter des opportunités qui s'offraient à elle pour reprendre son destin en main.
Manifestations maladroites
Démarche inédite, le déclic de cette prise de conscience eut lieu le 22 février 2019. Dans une sérénité exemplaire si l'on considère la première partie du Hirak comme un préalable à la grande lessive qui allait s'ensuivre pour assainir et les moeurs politiques et une économie nationale profondément gangrénée par le laisser-faire et les déprédations de ses destructeurs. Pour le coup, un an de marches et de manifestations contestataires de rues s'ensuivit. Des manifestations maladroites parfois, mais bah, l'important c'est d'avoir réussi à stopper la boulimie du pouvoir du clan Bouteflika. Ce qui nous ramène au Hirak qui devenait au fin des jours un phénomène unique en son genre sur la planète parce qu'il a tout de même permis aux observateurs honnêtes de recenser en son sein une multitude de forces centrifuges à la recherche d'un but qui n'avait plus rien à voir avec l'opposition populaire à un 5ème mandat présidentiel. Les dernières infiltrations nocives au sein du Hirak visaient, en effet, plus le chaos qu'un retour salutaire aux mythes fondateurs de l'Algérie combattante tels qu'édictés par les participants du congrès de la Soummam d'Août 1956.
Aujourd'hui, à quelques jours de la commémoration du 1er novembre 2020, l'attente se précise et nous interpelle sur la manière d'apprécier, entre autres, la portée politique de la présidentielle du 12 décembre 2019. Ce qui équivaudrait forcément pour nous à ce que cette échéance se doit de surpasser le résultat des manifestations de rues qui, d'une certaine façon, avaient, elles aussi, contribué à attirer le regard de l'observateur sur le néoréalisme algérien en politique. Une rupture doublement appréciée durant la première partie du Hirak. Rupture d'avec les séquelles d'un néocolonialisme rampant que l'idéologie de Novembre aura quand-même réussi à mettre en échec pendant les cinquante dernières années, même si, au fil du temps, elle ne s'était pas totalement régénérée. En phase de reconstitution depuis la fin de la guerre c'est en fait l'Etat national qu'il fallait sauver en premier. Rupture radicale enfin avec le zaïmisme que Ben Bella avait voulu reconstituer, mais qui, faute d'inspiration, servira de réceptacle à un inquiétant échantillon d'idéologies contradictoires parmi la cohorte de conseillers qu'il avait recrutées pour gouverner. Le tout au nom d'un socialisme «spécifique» sans fondement théorique, brandi pour faire croire aux Américains que l'Algérie était quand-même proche des thèses de Moscou. Pour cette démarche inattendue, Ben Bella fut honoré par un prix Lénine pour la paix et..le socialisme «spécifique» qu'il n'a cessé de prôner depuis son intronisation. Une séquelle du passé née d'un activisme théoriquement énergisant durant l'entre-deux guerres, qui s'était enlisé dans des rhétoriques confuses et inopérantes au sein d'un Mouvement national séduisant de prime abord et qui, au long cours s'est avéré inopérant. En tout cas, nullement inquiétant envers le suprématisme ambiant des colons et de leurs soutiens. C'est ce qui, semble-t-il, a promu l'idée de croire que l'Algérie d'aujourd'hui, ne part pas en guerre contre le pillage de ses ressources et des déprédations au plus haut niveau de l'Etat, sans courage ni initiatives novatrices.
Une date dans le marbre
En clair, l'heure de rendre des comptes a sonné pour les nihilistes de tous bords.
Soit! Mais il faut quand-même, rester quiet et serein. Et sur ce point en particulier, il est de la plus haute importance de savoir que la population algérienne de 2019 ne s'était pas soulevée pour un quignon de pain, mais pour refuser un autre tour de passe-passe d'un président viscéralement entiché de gloire et de pouvoir personnel à savoir: Abdelaziz Bouteflika! D'un même élan, on l'a vu, la contestation populaire a marqué de son sceau son triomphal retour sur la scène politique le 22 février en s'emparant du même terrain de prédilection qu'au mois d'octobre 1988, durant lequel furent exigés le multipartisme et la liberté d'expression pour pouvoir crier son ras-le-bol au pouvoir en place. Un vieux principe que les fils de la Toussaint avaient prédéterminé et qui, dans les faits, fut gravé dans le marbre le 1er Novembre 1954 comme date incontournable de la renaissance d'une Algérie qui, depuis la mort en 118 avant J.-C. du dernier Aguellid n'avait plus connu de répit à cause des invasions qui l'ont empêchée de conserver intact l'héritage de Massinissa, en l'occurrence l'Etat qu'il avait construit. Un cauchemar venu de loin et qui ne prendra fin que le 1er novembre 1954 à minuit grâce à la témérité des Fils de Novembre. Cela étant, la jouissance des Algériens de leur beau pays n'interviendra qu'après une guerre inégale de près de 8 ans, à l'issue d'une sanglante épopée durant laquelle tous les ingrédients génocidaires furent réunis. L'indépendance proclamée, les Algériens prennent alors leur pays en charge avec peu de moyens. Je me souviens d'un chiffre que nous avait aimablement révélé, au regretté à Rahmoune Dekkar, brillant syndicaliste, s'il en est, et à moi, le ministre des Finances Ahmed Francis auquel on avait rendu une visite de courtoisie au Palais du gouvernement la veille du vote de la première loi de finances de l'indépendance.
La pari douteux
Un montant qui n'atteignait même pas les cents millions de nouveaux francs de l'époque. Pourquoi? Tout simplement parce que les caisses du Trésor public, avaient été vidées durant la sanglante période OAS. Aussi, pour reprendre aussitôt que possible à leur compte le développement économique de l'Algérie, les premiers dirigeants du pays se sont aperçus qu'ils n'avaient pas de cadres sur lesquels compter, mais seulement une population à 90% analphabète sur laquelle on ne pouvait même pas fonder l'espoir de s'en sortir sans dommage durant les mois qui suivront. Aussi, faute de moyens et de cadres les dirigeants du moment ont dû recourir à «la coopération» égyptienne dont les prétendus professionnels ne savaient même pas se lasser seuls leurs chaussures ni réparer le moindre engin mécanisé quand il était impérieux de le faire. Ils étaient trois cents mille individus les Nilotes, venus partager avec nous notre pain quotidien. Nasser aurait confié à un proche à ce moment-là: «La riche Algérie est capable de nourrir plus de monde qu'on croit.» Dans l'intervalle, candidat unique du FLN, Ben Bella se fait «élire» président de la République. Un pari douteux. Trois ans plus tard, quelqu'un d'autre, lui ravit sa place, son nom: Houari Boumediene qui s'empare du pays après le coup de force du 19 juin 1965. Pour se maintenir au pouvoir, ce dernier va s'évertuer à jouer, non sans un certain succès d'ailleurs, en usant alternativement de la carotte et du bâton pour se faire «aimer» d'une population à qui il venait d'indiquer le mauvais chemin à suivre en fomentant son coup d'Etat. Et ce n'est qu'après un règne sans partage de près de quinze années que l'Algérie voit enfin poindre les premiers changements qui allaient la mener directement au clash du mois d'Octobre 1988.
Un évènement qui, au lieu de nous conduire vers la démocratie, nous a, au contraire, conduits vers un ersatz de pouvoir plutôt autoritariste, pour ne pas dire dictatorial. Un régime qui n'est jamais parvenu à corriger le vide institutionnel qui a découlé du volontarisme forcené de ses dirigeants du moment. La situation qui en est née, était telle qu'elle ne laissa percer nul espoir selon lequel dans les institutions qui verraient le jour, la démocratisation du pays serait prioritaire. Boumediene meurt le 27 décembre 1978 laissant le peuple algérien pratiquement en déshérence institutionnelle. Chadli Bendjedid qui le remplace au pied levé sur ordre de l'armée, ne se départira pas rapidement, en tout cas, pas comme on l'avait cru un moment, du prestige ombrageux et superfétatoire du régime incarné par Boumediene. Moralité. Ses héritiers croyaient encore que les Algériens étaient restés de bons bougres, naïfs et corvéables à merci, passifs et qu'ils ne s'aviseraient jamais à relever la tête pour se réapproprier leur destin. Entre-temps, Chadli Bendjedid s'en est allé à son tour, après avoir copieusement été humilié par ses pairs plus tôt que prévu. Puis, sous prétexte qu'il n'avait pas terminé son mandat, des caciques du système prêts à être recyclés, reprennent du service pour «sauver» le pays. Parmi eux Ali Kafi, un ancien de l'ALN dans le Nord-Constantinois, mais aussi Khaled Nezzar aujourd'hui en rupture de ban avec son pays etc. Bref, l'Algérie ne s'en sortira pas victorieuse pour autant cette fois encore...


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