L'alliance objective entre le MRN et Wafa est une donne politique prévisible du fait de la similitude des discours prônés par leurs deux leaders politiques respectifs. Une opposition sans concession au pouvoir, une constance dans la revendication quant au retour sur la scène de l'ex-FIS et une philosophie franchement anti-occidentaliste sont, en effet, autant d'axes de rapprochement entre Ahmed-Taleb Ibrahimi et Abdallah Djaballah. Au plan électoral, il est aisé de constater que les deux hommes se complètent admirablement. Cette nouvelle coalition islamo-conservatrice qui, à la différence des précédentes, a toutes les chances de se concrétiser sur le terrain. La raison en est que toutes les conditions de sa réussite sont réunies (lire l'article ci-dessus de Salim Aggar). Une pareille alliance est de nature à provoquer une panique généralisée dans les états-majors de tous les partis politiques. Dans le camp islamiste, dont les deux poids lourds, le MSP et Ennahda sont au gouvernement, l'ambiance sera, à n'en pas douter, à la grande inquiétude. C'est, en effet, principalement dans leur réservoir électoral que les deux «coalisés» vont puiser. Nahnah et Adami, dont la crédibilité est quelque peu entachée par leur participation au pouvoir auront beaucoup à faire pour limiter leurs pertes en voix, à défaut de conserver les scores acquis lors des législatives de 1997. Déjà très marqués par des histoires de leadership entre les deux premiers responsables, le MSP et Ennahda n'ont que peu de choses en commun sur le plan de leurs bases militantes qui, inféodées à leurs leaders pourraient ne pas marcher dans une logique d'alliance, d'ailleurs jamais suggérée, même du temps de la présence de Djaballah à la tête d'Ennahda. En outre, l'ascendant que Nahnah veut imposer au mouvement islamiste algérien constitue, en soi, une sérieuse entrave à un éventuel rapprochement entre les deux formations politiques. Cela dit, le duo Djaballah-Ahmed-Taleb peut se permettre de pêcher dans les eaux de l'électorat nationaliste, eu égard à la stature de l'ancien ministre des Affaires étrangères sous Chadli. En effet, le leader de Wafa est loin d'être un inconnu dans les milieux conservateurs qui, soit dit en passant, lui vouent beaucoup d'admiration. De ce fait, l'intrusion de Taleb, à travers ses cadres, dans l'échiquier électoral, est susceptible de gêner le FLN qui a amorcé, il y a à peine trois mois, son rajeunissement en affichant clairement un discours moderniste, à même de faire craindre le pire à certains de ses sympathisants conservateurs. Ces derniers peuvent jouer la carte Ibrahimi, histoire de démontrer leur aversion au processus de modernisation du vieux parti qui n'a d'autre choix, pour contrer la vague islamo-conservatrice qui s'annonce sérieuse que d'aller plus vite dans sa nouvelle logique en s'alliant, pourquoi pas, avec l'autre grande formation du pouvoir qui affiche ses préférences modernistes, à savoir le RND. En tout état de cause, le deal passé entre Djaballah et Ibrahimi n'est pas pour laisser indifférente la classe politique nationale.