Le Président de la République réunira, dimanche prochain, un Conseil des ministres spécial pour examiner la réforme du système éducatif. Un placard publicitaire publié par la Coordination nationale pour une école authentique et ouverte (Cneao), présidée par l'ex-ministre de l'Education nationale, Ben Mohamed, dont font partie plusieurs cadres islamistes, réaffirme la volonté clairement revendiquée par ce courant de freiner, vaille que vaille, les réformes contenues dans le rapport de M.Benzaghou. Après avoir cru remporter la bataille de l'école, à la suite une féroce campagne menée tambour battant, «nous constatons aujourd'hui que ce dossier est présent avec force dans les discours officiels». Pourtant «ces réformes constituent une atteinte dangereuse à l'identité et aux precepts musulmans», peut-on lire dans ce communiqué. La coordination de Ben Mohamed met en garde contre une éventuelle «guerre» au sein même du système éducatif si le rapport de la Cnrse venait à être traité sur le terrain. Des critiques virulentes sont prononcées à l'égard du chapitre relatif à l'enseignement des langues étrangères, notamment le français, pour les élèves de la deuxième année primaire et l'anglais qui entrerait lui aussi dans le cycle primaire. «L'arabe devra demeurer la seule langue d'enseignement pour toutes les matières qu'elles soient scientifiques, techniques ou encore littéraires». La publication de ce communiqué intervient à la veille du Conseil des ministres qui sera consacré dimanche prochain à l'examen du rapport que le Pr Benzaghou avait remis à la présidence voilà pratiquement dix mois. Ce conseil constitue donc un message clair à l'adresse «des opposants des réformes», qui avaient cru gagner la bataille de l'école. Pourtant, le Président de la République avait, lors de ces multiples sorties politiques, insisté sur l'opportunité et la nécessité d'aller vers les réformes du système éducatif. «Notre système va avoir près de quarante ans d'existence. Il serait bon de procéder à un examen critique de son fonctionnement et un bilan de ses activités», avait-il défendu lors de l'ouverture officielle de l'année universitaire à l'Université Houari-Boumediene. Ce qui caractérise le conseil en question, c'est l'apparition d'une nouvelle donne politique. Bouteflika pourra désormais compter sur l'appui du vieux parti. Avec l'arrivée de Benflis, les islamo-conservateurs ont perdu un allié de taille qui avait, dans le passé et à l'époque de l'ex-SG du FLN, M.Benhamouda, soutenu leur opposition farouche à la réforme de l'école. A inscrire aussi dans cette nouvelle donne, l'appui du parti d'Ouyahia au rapport de la Cnrse. On peut dire aujourd'hui que désormais le contexte politique est propice aux réformes en question. Des réformes déjà entamées avec la révision des manuels scolaires sur l'éducation islamique qui a supprimé la notion de djihad contenue dans les précédentes éditions. Cette révision est considérée comme «une erreur monumentale» par des cercles proches du ministère des Affaires religieuses et indispensable, pour certains observateurs avérés. Cette approche, révélatrice d'un profond différend sous-jacent au sein même du pouvoir politique, résume, en fait, très bien cette bataille entre «modernistes» et «conservateurs». Loin des débats idéologiques, il est autrement plus clair aujourd'hui que les réformes éducatives nécessitent des investissements colossaux de la part du pouvoir pour la formation des enseignants, la construction de nouvelles écoles, l'intégration de la nouvelle technologie au sein des établissements scolaires. Bref, créer un environnement scientifique propice à l'épanouissement de l'élève, afin de baisser le taux de l'échec scolaire et de protéger les innocents qui sont devenus une proie facile des prédicateurs de djihad.