Un récit portant sur les migrants voyageant du sud vers le nord à bord d'une barque est le propos de ce livre sorti récemment aux Editions Casbah. Ce dernier évoque le parcours de huit profils différents de personnes qui ont été poussées à partir et fuir leurs conditions de vie. Chacune d'entre elles va ainsi raconter sa vie, toutes ayant en commun la déception par une vie qui les a malmenés entre corruption, hypocrisie, racisme ou encore misogynie...C'est le cas de cette femme divorcée qui décide de partir avec sa fille et laisser tout derrière elle, autrement pas grand chose, ou encore cet homme «sans coeur», malade, qui se fait larguer par sa fiancée car malade et ne pourra pas parvenir à ses besoins une fois marié, mais il y a aussi ce riche qui, malgré toutes ses demandes de visa pour partir à l'étranger, dans l'espoir d'aller respirer un ailleurs et visiter leur musée, se fait refuser ce sésame à moult reprises.. Racisme et corruption Il y a aussi ce «Noir» discrédité en Algérie à cause de la couleur de sa peau, qui fuit, ne pensant pas vivre cela en fuyant le terrorisme qui sévissait dans son pays, en arrivant en Algérie. Il y a aussi ce médecin-chômeur victime de moult injustices qui décide au final de partir par tous les moyens, surtout après s'être fait tabasser par la police. Il y a aussi cet enfant adopté qui veut désespérément retrouver ses véritables parents, mais aussi le prisonnier dont le seul tort a été de s'asseoir sur un banc avec sa copine, un jour de vendredi et qui plus est à l'heure de la prière, un «affront à l'islam» lui a-t-on signifié. Et puis, il y a enfin ce père perdu qui cherche son fils porté disparu...Chaque chapitre est également accompagné d'un dessin qui illustre un peu ce personnage énigmatique. Dessin et desseins humains Un dessin et puis cette mélancolie qui noie tout le récit de ce livre pour finir par en faire un précieux document romancé mêlant témoignage pathétique à un profond sentiment d'injustice déshumanisant envers ces personnes dont on ne saura jamais s'ils arriveront un jour à bon port. Et comme dirait Jeanne Benameur, dans Ceux qui partent (Acte Sud, 2019, citation accompagnant ce livre en introduction): «Les migrants ne cherchent pas à conquérir des territoires. Ils cherchent à conquérir le plus profond d'eux-mêmes par ce qu'il n'y a pas d'autre façon de continuer à vivre lorsqu'on quitte tout...» Pour rappel, l'auteur Tawfik Belfadel est né en 1990. Il est enseignant de français, jeune écrivain et chroniqueur algérien. Titulaire d'un master en Civilisations et littératures francophones, il publie en Algérie un recueil de nouvelles, Sisyphe en Algérie (édi. Samar 2017), après des publications en France (Edilivre). En 2018, il reçoit le Premier Prix du concours international de poésie la Différence (Abidjan). En 2019, il est finaliste du Prix international de la nouvelle Alain Decaux. Il vit et travaille en Algérie. H.