Anticipant une grogne grandissante au sein du parti Ennahdha et la menace d'une fronde au sein même du Majless echoura, Rached Ghannouchi a pris les devants, lundi dernier, prononçant de manière unilatérale la dissolution du bureau exécutif qu'il compte remplacer par une liste de nouveaux membres dont le choix lui appartiendrait exclusivement. Après avoir dénoncé pendant des semaines «le coup d'état» du président Kaïs Saïed qui a gelé les activités de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), le voilà donc qui déploie une stratégie dont on ne peut pas dire qu'elle brille par son caractère démocratique. Le congrès d'Ennahdha doit intervenir en novembre mais de plus en plus nombreux sont ceux qui réclament sa tenue début octobre et c'est sans doute pourquoi Ghannouchi a engagé une course contre la montre, convaincu que son audience au sein de son mouvement comme du reste au sein de la population tunisienne a beaucoup perdu de son aura, depuis les dernières élections législatives qui ont vu le parti dépourvu de son titre de première formation politique du pays au profit de Qalb Tounes. Il faut croire que le chef d'Ennahdha n'a pas compris le message que lui ont adressé les Tunisiens lors des manifestations de juillet, suivies des décisions du président Kaïs Saïed relatives au gel du Parlement et au limogeage du gouvernement Mechichi. Las des agitations stériles de la classe politique et laminés par une crise multiforme, à la fois sociale, économique et sanitaire, les Tunisiens ont crié leur ras-le-bol et exigé des mesures radicales contre les responsables d'un fiasco qui ne dit pas son nom. Pour l'ancien porte-parole d'Ennahdha, Imed Hammami, l'entière responsabilité de cette catastrophe incombe à Rached Ghannouchi qui, dit-il «persiste dans la prise de mauvaises décisions», au lieu de prendre acte des «protestations» du peuple souverain et des «déclarations du président de la République», ainsi que du «soutien de la population à ces mesures». Au cours de l'ultime réunion du Conseil de la Choura, ils étaient majoritaires à se prononcer pour la révocation du président de ce conseil et pour la démission collective du bureau exécutif, persuadés qu'ils sont responsables de la détérioration de la situation du parti et du pays. Mais Ghannouchi ne l'entend pas de cette oreille et persiste à conduire sa formation avec des structures qui lui sont entièrement acquises. C'est pourquoi Hammami et d'autres responsables crient au scandale, clamant qu' «il s'est emparé du parti» avant même la tenue du Congrès, sachant qu'il «n'a pas le droit de se représenter comme candidat à la présidence» du mouvement. A moins d'en modifier les statuts. Mais comment et dans quelle perspective? La lente et inexorable érosion de sa base militante va se poursuivre, aggravé par le fait qu'il refuse d'interagir positivement avec le président de la République, Kaïs Saïed, dont les décisions ont provoqué la joie du peuple tunisien et préfigurent une opportunité fortement espérée pour soutenir la démocratie et résoudre au plus vite les graves difficultés économiques et sociales auxquelles est confrontée la Tunisie. Qui plus est, d'autres menaces, tout aussi alarmantes, sont agitées qui visent à entretenir un climat de peur et d'incertitudes quant à la sécurité du pays, de sorte que l'Algérie a multiplié les signes concrets de son action solidaire et de sa mobilisation inconditionnel aux côtés du peuple tunisien frère pour garantir sa souveraineté, son intégrité et son développement.