Le président américain Joe Biden a défendu mardi soir sa décision de mettre fin à la guerre américaine en Afghanistan, malgré les vives critiques autour des opérations d'évacuation, chaotiques et endeuillées par un lourd attentat. «Je vous donne ma parole, du fond de mon coeur. Je suis convaincu que c'est la bonne décision, une sage décision, et la meilleure décision pour l'Amérique», a déclaré le président américain lors d'un discours solennel depuis la Maison Blanche. «Nous étions une nation en guerre depuis trop longtemps.» Le démocrate a affirmé que le choix avait été «simple» après l'accord passé par son prédécesseur Donald Trump avec les talibans en 2020: «Soit suivre l'engagement pris par la précédente administration et quitter l'Afghanistan, soit dire que nous ne partirions pas et renvoyer des dizaines de milliers de soldats à la guerre.» «Le véritable choix était entre le départ ou l'escalade. Je n'allais pas prolonger cette guerre éternelle et je n'allais pas prolonger le retrait éternel.» L'évacuation a été endeuillée jeudi par un attentat revendiqué par le groupe terroriste autoproclamé «Etat islamique» au Khorasan (EI-K), qui a tué plus d'une centaine de personnes dont 13 militaires américains près de l'aéroport de Kaboul. Mardi, Joe Biden a mis en garde le groupe terroriste: «Nous n'en avons pas fini avec vous.» Et a promis de mener «une stratégie dure, impitoyable, ciblée et précise, qui traque la terreur là où elle se trouve aujourd'hui, pas là où elle était il y a deux décennies». Les Etats-Unis avaient déclenché la guerre contre l'Afghanistan après les attentats du 11-Septembre perpétrés par Al-Qaïda. Lors de son discours mardi, le président américain a tenu à louer «l'extraordinaire succès» de la mission d'évacuation des Américains et de leurs alliés depuis l'Afghanistan. A partir du 14 août, veille de la prise de Kaboul par les talibans, les avions américains et de leurs alliés ont évacué plus de 123.000 civils de l'aéroport de Kaboul, sur une période de 18 jours, selon le Pentagone. «Aucun pays n'a jamais rien réalisé de comparable dans toute l'Histoire», a-t-il souligné. «L'extraordinaire succès de cette mission est dû au talent incroyable, à la bravoure et au courage altruiste de l'armée américaine, de nos diplomates et de nos professionnels du renseignement.» Des coups de feu victorieux ont éclaté à Kaboul à cette annonce, saluée comme un succès «historique» par les talibans qui se préparaient hier à faire défiler du matériel militaire donné par les Etats-Unis au précédent gouvernement afghan vaincu après vingt ans de guerre, dont peut-être un hélicoptère, à Kandahar (Sud), berceau spirituel du mouvement islamiste. Une longue file de Humvees, des véhicules américains, avançait au ralenti sur une grande route à l'extérieur de la deuxième plus grande ville d'Afghanistan. Nombre d'entre eux portaient des drapeaux talibans blancs et noirs attachés à leur antenne. Des combattants étaient assis aux commandes de camions utilisés par les forces américaines, de l'OTAN et afghanes au cours des 20 ans de conflit, tandis que d'autres montaient sur ces véhicules à Ayno Maina, en périphérie de Kandahar, berceau des talibans. En 1996, ils étaient partis de la capitale du Sud afghan avant de conquérir rapidement le reste du pays, qu'ils ont tenu jusqu'en 2001, lorsqu'ils ont été chassés du pouvoir par une coalition internationale menée par les Etats-Unis. Le chef des talibans, Hibatullah Akhundzada, y vit, a affirmé le mouvement dimanche. Dans le stade de cricket de Kandahar, des responsables talibans à barbes blanches ont été vus sirotant des cafés, à l'ombre d'abris normalement dévolus aux joueurs et entraîneurs. D'autres, vêtus de blanc, étaient assis les jambes croisées sur la pelouse. Des centaines de partisans attendaient sur les gradins. La rumeur voulait qu'Akhundzada apparaisse en public, mais il ne s'est pas montré. Seul le nouveau gouverneur de la zone s'est adressé à la foule. Mardi, des milliers de partisans ont afflué dans les rues de Kandahar, dans un concert de klaxons et de «Allah Akbar» (Dieu est le plus grand), se félicitant du départ des derniers militaires américains d'Afghanistan. Des foules venant des villages environnants avaient envahi la capitale provinciale dans la nuit de lundi à mardi, dès l'annonce du retrait américain. «Nous avons défait la superpuissance. L'Afghanistan est le cimetière des superpuissances», avaient scandé ces hommes armés en tenue traditionnelle. Le Qatar où ont été transférées les ambassades occidentales avait joué le rôle de médiateur dans le processus de paix entre le gouvernement afghan et les talibans avant la prise le 15 août du pouvoir en Afghanistan par le mouvement rebelle.