Le prix Nobel de littérature 2021 a été décerné, jeudi, à l'écrivain tanzanien Abdulrazak Gurnah. Une grande surprise qui a été, en outre, accueillie très favorablement car l'Académie suédoise semble avoir pris en considération les critiques lui reprochant le fait qu'elle a très souvent puisé ses lauréats des mêmes espaces géographiques presqu'en excluant certaines zones de la planète. Comme chaque année, le suspense est resté jusqu'à l'ultime seconde. De nombreux noms de romanciers mondialement connus et reconnus ont circulé avec persistance comme étant les plus favoris pour l'obtention de cette plus haute distinction littéraire dans le monde. À leu tête figure l'écrivain japonais Haruki Murakami, auteur du célèbre roman «18Q4». Mais le verdict a fini par mettre un terme à toutes les spéculations et à tous les sondages les plus sérieux. Abdulrazak Gurnah est un romancier né à Zanzibar et actif en Angleterre. L'Académie suédoise a expliqué qu'elle a choisi Gurnah pour sa pénétration intransigeante et compatissante des effets du colonialisme et du sort des réfugiés dans le golfe entre cultures et continents. Né en 1948, Abdulrazak Gurnah a vécu son enfance et son adolescence sur l'île de Zanzibar dans l'océan Indien. Il atterrit en Angleterre en tant que réfugié dans les années 60. Après la fin de ses études, il fut contraint de fuir sa famille et son pays. Durant toute sa vie, Gurnah a exercé la profession de professeur de littérature anglaise et postcoloniale à l'université du Kent à Canterbury, en se concentrant principalement sur des écrivains tels que Wole Soyinka, Ng ug i wa Thiong ' o et Salman Rushdie. Concernant son oeuvre littéraire, elle s'articule sur une dizaine de romans en plus de plusieurs nouvelles. Ses textes évoquent la situation et ce qu'endurent les réfugiés. Ecrivain depuis sont tout son âge, il a été très marqué par Shakespeare et V.S. Naipul. Le premier roman de Gurnah date de 1987. Il s'intitule «Souvenir du départ». Ce premier roman évoque «un soulèvement raté où le jeune protagoniste doué tente de se désengager de la vie sociale de la côte, espérant être pris sous l'aile d'un oncle prospère à Nairobi». Et, au lieu de cela, «il est humilié et retourné à sa famille brisée, le père alcoolique et violent et une soeur contrainte à la prostitution». Dans un autre roman, portant le titre «Dottie», le prix Nobel dresse le «portrait d'une femme noire d'origines immigrantes grandissant dans des conditions difficiles en Angleterre des années 1950, et en raison du silence de sa mère manquant de connexion avec sa propre histoire familiale; en même temps, elle se sent sans racine en Angleterre, le pays dans lequel elle est née et a grandi». Le comité Nobel a expliqué, en outre, que dans le traitement par le romancier Gurnah de l'expérience des réfugiés, l'accent est mis sur l'identité et l'image de soi, apparente en particulier dans '' Admirering Silence '' (1996) et '' By the Sele a '' (2001). «Dans ces deux romans de première personne, silence est présenté comme la stratégie du réfugié pour protéger son identité du racisme et des préjugés, mais aussi comme un moyen d'éviter une collision entre le passé et le présent, ce qui provoque une déception et une tromperie désastreuse», indique le comité Nobel tout en mettant en exergue le dévouement de Gurnah à la vérité et son aversion pour la simplification sont frappants. «Cela peut le rendre sombre et intransigeant, en même temps qu'il suit le destin des individus avec une grande compassion et un engagement sans réserve. Ses romans se retirent des descriptions stéréotypées et ouvrent notre regard à une Afrique de l'Est culturellement diversifiée, inconnue de nombreuses autres parties du monde», ajoute le comité Nobel. Ce dernier souligne aussi que dans l'univers littéraire de Gurnah, tout change - souvenirs, noms, identités: c'est probablement parce que son projet n'arrive pas à être terminé dans un sens définitif. «Une exploration incessante animée par la passion intellectuelle est présente dans tous ses livres, et aussi importante maintenant, dans Afterlives (2020), comme lorsqu'il a commencé à écrire en tant que réfugié de 21 ans», a conclu Anders Olsson, le président du comité Nobel de l'Académie suédoise. Les romans de Gurnah ont été tous écrits en anglais. Quelques-uns seulement ont été traduits en français à l'image de «Paradis» et «Adieu Zanzibar». Le lectorat francophone et ceux des autres langues devraient donc patienter quelques semaines, voire quelques mois pour découvrir l'oeuvre du nouveau prix Nobel de littérature. Même les romans de Gurnah traduits en français sont épuisés et ne sont plus disponibles en librairie. Ils devraient donc tout naturellement faire l'objet de réédition et ce, dans les meilleurs délais, à l'instar de «Paradis», roman déjà traduit en français. L'auteur y narre le récit d'un personnage vendu par son père. Esclave sur la route des caravanes, Yusuf finit cloîtré dans un jardin d'Eden au gré des caprices de sa maîtresse. Il s'agit d'un récit tumultueux d'une jeunesse africaine au début du siècle entre Zanzibar et le lac Victoria.