En septembre 2004, il est encore aux premières lignes des soutiens au projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Un des hommes les plus en vue issus du congrès de Batna, en fin 1991, qui avait permis l'émergence d'une intelligentsia islamiste au détriment de l'aile salafiste de l'ex-FIS, leader modéré, réconciliateur avant l'heure, il a donné crédit et légitimité politique aux accords «militaires» AIS-ANP, en 1997, en tant que président de l'Instance exécutive du FIS à l'étranger, comme il a été un des plus forts soutiens à la politique de paix et de réconciliation nationale mise en chantier par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dès sa première investiture, en avril 1999. En septembre 2004, il est encore aux premières lignes des soutiens au projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale lancé par Bouteflika un mois plus tôt, lors de son discours aux cadres de la nation, le 14 août 2005. Gros plan sur un homme modéré. L'Expression: Vous aviez réagi à la nomination du nouveau chef du gouvernement. Cela semble vous réjouir? Rabah Kebir: Bien évidemment , nous saluons cette nomination . Enfin, moi, personnellement, je salue la nomination de Abdelaziz Belkhadem au poste de chef du gouvernement. C'est un homme connu pour son parcours réconciliateur, c'est un homme modéré qui a beaucoup fait pour la réconciliation des Algériens, avant que cette politique ne soit adoptée comme une démarche officielle de l'Etat. C'est pour cette raison que nous avons le droit de penser que la réconciliation nationale va connaître un nouveau départ, après être passée par une période de stagnation. De plus, Belkhadem sera appuyé pleinement par le président Bouteflika, les deux hommes partageant à peu près les mêmes idées. Justement, comme vous le dites, la réconciliation a marqué un temps d'arrêt depuis quelques mois, autant du côté des autorités que du vôtre, et vous aviez observé un long temps de silence. Cela est dû à quoi exactement? Cela est vrai, pendant les mois qui ont précédé et succédé à la mise en route du projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale , il y a eu des débats passionnés et l'engouement général laissait entrevoir des perspectives positives pour l'avenir du pays. Lorsque le projet du président a été annoncé, nous l'avions immédiatement cautionné, appuyé et soutenu sans réserve. Seulement, quelque temps après, les textes d'application sont venus atténuer l'enthousiasme général: ils étaient carrément en-deçà de nos attentes et de nos espoirs. Ce n'était pas ce qu'on souhaitait de mieux pour la réconciliation. Cependant, chemin faisant, nous avions constaté que le président de la République, lui-même, a laissé une marge de manoeuvres, une brèche, d'où il pourrait apporter des rectificatifs et des corrections à la réconciliation nationale. Le président de la République, investi du plébiscite du référendum sur la réconciliation et de ses prérogatives constitutionnelles, peut, au moment où il le juge opportun, faire des aménagements aux textes sur la réconciliation nationale. C'est par rapport à cela que nous continuons à soutenir le projet du président et à souhaiter que certains textes soient revus et corrigés. Vous avez émis le voeu de rentrer en Algérie dans quelques semaines. Est-ce un retour définitif? Y aura-t-il d'autres leaders islamistes qui vont rentrer avec vous? Avez-vous pour cela un agenda politique établi? Je compte rentrer en Algérie en juillet prochain. Evidemment, cela sera une première visite qui me permettra de voir où en sont arrivées les choses. Il ne faut pas perdre de vue que, aujourd'hui, je suis établi en Allemagne, où j'ai mes études, ma famille, mes enfants. C'est une visite qui me fera d'autant plaisir qu'elle me permettra aussi de revoir mon pays. J'ai déjà annoncé cette décision à Belkhadem et il a salué cette initiative, me souhaitant la bienvenue dans mon pays. Voilà ce que je peux vous dire pour le moment. J'aurai des contacts avec de hauts responsables, et à partir de là nous pourrons parler d'autres étapes, dans le sens d'une paix retrouvée... Pouvez-vous nous annoncer d'autres retours? Je sais que des hommes comme Abdelkrim Ould Adda, Abdelkrim Ghémati et Larbi Noui sont, tout autant que moi, intéressés par leur retour en Algérie, mais à chacun son propre agenda. Cela peut augurer d'autres retours d'exilés politiques, lesquels pourront donner un sens à la réconciliation.