Ils ont, pour raison d'Etat peut-être, choisi d'emporter avec eux leurs secrets. Le général Lakhal Ayat, 70 ans, est décédé samedi dans un hôpital suisse. Son corps sera inhumé mercredi au Carré des martyrs au cimetière d'El Alia. Le général Ayat, ancien patron de la SM, est mis sous les feux de la rampe lors de l'éclatement des événements du 5 octobre 1988, lorsqu'il est limogé par Chadli Bendjedid, qui le remplace par Mohamed Betchine. L'éviction simultanée de feu Mohamed-Chérif Messaadia de la direction du FLN se voulait être un gage de changement destiné à calmer les esprits et à faire taire la rue en effervescence. Né en 1936 à Oued Zenati (Guelma), il avait été envoyé par l'ALN suivre une formation d'officier d'infanterie au Moyen-Orient. Il suivit une formation plus poussée, en ex-URSS, après l'indépendance, pour occuper ensuite des postes importants dans la hiérarchie militaire, dans le renseignement à Tindouf, au moment de l'éclatement du conflit du Sahara occidental, puis dans l'infanterie dans la même région. En 1981, il est désigné à la tête de la Sécurité militaire. La SM subit une restructuration profonde durant cette période. Elle est divisée en deux structures ; la Dgps chargée du contre-espionnage et la sécurité de l'armée. On lui confie la Dgps. Lorsque éclatent les événements d'octobre 1988, il servira de bouc émissaire autant que feu Benyeles, secrétaire-général du MDN, Messaadia, SG du FLN, et beaucoup d'autres anonymes qui ont payé la facture d'une politique. On se souvient des témoignages de torture et de dépassements publiés par la presse «publique» de l'époque qui titrait sur les «barbouzes», les snipers, les rafles, etc. On se souvient également des Cahiers noirs d'Octobre et des livres qui ont couronné ces événements ; événements qui ont été -il faut le souligner- à l'origine de changements politiques majeurs. Obnubilés par les bouleversements en cours, les journalistes étaient dans l'impossibilité de faire la part des choses. Beaucoup a été dit. Des hommes ont dû payer le prix du changement. Ils ne se sont pas exprimés publiquement pour rétablir les faits. Seul feu Messaadia a été réhabilité par Bouteflika, qui l'a désigné à la tête du Conseil de la nation. Lakhal Ayat, par contre, n'a pas eu cette chance. Il meurt aujourd'hui dans l'anonymat. Jusqu'à ce jour, les événements d'octobre restent voilés. Il y a eu beaucoup de manipulation, beaucoup de contrevérités, beaucoup de victimes, des boucs émissaires et beaucoup de zones d'ombre. L'histoire d'octobre n'a pas encore été écrite. Les principaux acteurs n'ont pas témoigné. Ils ont servi avec abnégation leur pays dans des moments difficiles. Ils ont peut-être commis des erreurs d'appréciation. Ils ont , pour raison d'Etat peut-être, choisi d'emporter avec eux leurs secrets. Les générations futures ne connaîtront pas, hélas, les petits détails et l'origine des événements d'octobre mais n'auront, en aucune manière, le droit de cracher sur leurs tombes.