L'hôpital militaire portait le nom d'un autre Maillot, un colonel français, selon Tahar Hossein. La méconnaissance de l'histoire serait à l'origine d'une vive polémique qui a eu lieu hier au centre El Moudjahid. Des intervenants ont estimé que l'histoire officielle ne reconnaît pas le martyr Henri Maillot ou a fait peu de choses pour les martyrs de la révolution d'origine européenne. Un jeune de Bab-El-Oued se plaint de l'amnésie qui a poussé les autorités jusqu'à rebaptiser l'hôpital du nom de Lamine Debaghine. Il aura fallu l'intervention de Tahar Hossein, l'un de ses anciens compagnons, pour comprendre qu'il s'agissait d'un homonyme. «En fait, l'hôpital portait le nom d'un autre Maillot, avant que ne naisse Yvette Maillot, soeur de Henri ici présente. Il s'agit d'un colonel de l'armée française», lâche-t-il devant une assistance médusée. Pourtant, dans l'imaginaire populaire, il s'agissait bel et bien de l'aspirant Maillot qui avait dérobé un chargement d'armes au profit de l'ALN en 1956. L'association Maillot-Yveton avait demandé aux autorités politiques de baptiser la place d'El-Madania au nom de Henri Maillot. Mais rien n'a été fait. Des membres de cette association se plaignent aujourd'hui. Louisette Ighil Ahriz soulève le cas de Raymonde Péchart qui est complètement occultée, ainsi que beaucoup d'autres Européennes qui étaient emprisonnées avec elle et dont la majorité sont mortes dans des conditions atroces. Gueroudj Djilali, qui faisait partie du groupe qui avait réceptionné les armes détournées par l'aspirant Maillot, indique qu'il a trouvé un hôpital, dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, qui porte le nom de Raymonde. «C'est qu'on n'est pas amnésique», explique-t-il, «l'Algérie n'a jamais oublié ses martyrs». Mais au fait qui est Maillot pour susciter tant d'incompréhension? Tahar Hosseïn tente de tracer le parcours de cet homme qui disait dans une lettre adressée aux journaux français de l'époque: «Je considère l'Algérie comme ma patrie (...) le peuple a pris sa place dans le grand mouvement de libération. Ce n'est pas un combat racial, ni un combat mené contre les Français ou israélites ou d'autres races. En livrant des armes qui serviront contre les forces militaires et de police, j'ai conscience d'avoir servi les intérêts de mon peuple et de mon pays». Il est né le 21 octobre 1928 à la rue Hache (Alger) -qui porte le nom Ahmed Zabana, un autre martyr mort 14 jours après la disparition de Maillot, il découvre en 1953 la réalité algérienne. Un matin du 4 avril 1956, il passe à l'action. Il charge un camion et prend la route du littoral jusqu'à Baïnem puis demande au chauffeur de bifurquer sur une piste. Des ombres sortent des buissons, neutralisent le chauffeur et déchargent le camion. Ces armes serviront à récupérer d'autres armes, dira Tahar Hosseïn. «Ce fut un butin de guerre impressionnant». Ces armes ont été mises au service du FLN-ALN. Abane fit la promotion de Maillot au grade de lieutenant et l'envoya en Kabylie. En juin 1956, un groupe de huit maquisards tombe dans une embuscade près de Lamartine (El Karimia), fief du bachagha Boualem. Cinq membres du groupe, dont Henri Maillot, sont morts, ce jour-là, les armes à la main. Après l'indépendance, sa dépouille sera transférée et inhumée à Alger où il avait vécu.