La Russie a annoncé qu'elle allait mener aujourd'hui, sous la supervision de Vladimir Poutine, des manoeuvres de ses forces stratégiques, notamment avec des tirs de missiles balistiques et de croisière, en pleine crise avec les Occidentaux. «Le 19 février, sous la direction du commandant suprême des forces armées russes Vladimir Poutine, un exercice planifié des forces de dissuasion stratégique sera organisé», a indiqué, hier, le ministère de la Défense russe. Selon Moscou, des «tirs de missiles balistiques et de missiles de croisière auront lieu» dans le cadre de ces exercices. Ils impliqueront également des soldats du district militaire Sud de la Russie, les forces aérospatiales, les forces stratégiques et les flottes russes du Nord et de la mer Noire. Ces manoeuvres visent, selon le ministère, à «tester l'état de préparation» des forces impliquées et la «fiabilité des armes stratégique nucléaires et non nucléaires». Les forces «stratégiques» russes, dans leur définition large, sont conçues pour répondre à des menaces y compris en cas de guerre nucléaire. Elles sont équipées de missiles à portée intercontinentale, de bombardiers stratégiques à longue portée, de sous-marins, de navires de surface et d'une aviation navale porteuse de missiles conventionnels également de longue portée. Aux frontières ukrainiennes ou en pleines manoeuvres, l'armée russe, modernisée à grands frais et rompue au combat, peut se targuer d'effrayer de nouveau les Occidentaux. Pendant des semaines, les troupes russes ont affiché leurs importants effectifs et leur force aux frontières de l'Ukraine, laissant «craindre une invasion imminente» du voisin pro-occidental. La démonstration fut telle que les Etats-Unis ont préféré abandonner leur ambassade à Kiev, sans qu'un soldat russe ait eu à franchir la frontière. Sur les réseaux sociaux, les images montraient des dizaines de chars parqués dans la neige, à quelques dizaines de kms de la frontière ukrainienne, ou encore d'interminables trains qui, wagon après wagon, transportaient des blindés flambant neufs. Plus à l'ouest, l'armée affichait ses forces au Bélarus dans des vidéos à la direction léchée: lance-missiles démarrant à l'unisson, soldats en camouflage blanc et kalachnikov à la main, avions de combat patrouillant à la frontière...En mer Méditerranée et en mer Noire, ce sont des navires de guerre de surface et des sous-marins qui paradaient aux portes de l'Union européenne. Après les années d'errance post-soviétiques, c'est d'une armée modernisée à grands coups de milliards et forte de son expérience en Syrie, dont Moscou dispose. Avec environ 900.000 hommes en service actif, elle est équipée d'armes dernier cri telles que les systèmes antiaériens S-400 et les missiles de croisière Kalibr. Elle dispose aussi de fusées hypersoniques, vantées comme «invincibles» par Vladimir Poutine car capables de surpasser le bouclier antimissile américain installé en Europe orientale. Reconstruites après des années de sous-financement et de corruption, les forces russes n'ont plus rien à voir avec celles qui peinaient à contrer les rebelles en Tchétchènie, dans les années 1990. «Les efforts de modernisation ont été nécessaires pour la survie même de l'armée russe», souligne l'expert militaire Vassili Kachine, de la Haute école d'économie de Moscou. «Il a fallu changer une grande partie des équipements, reconstruire l'armée (...) et cela a été fait en un temps record». Ses succès récents sur des théâtres étrangers ont démontré sa capacité de projection. Intervenant en Syrie depuis 2015, elle y a mené des bombardements massifs qui ont permis aux forces de Bachar al-Assad de reprendre l'essentiel du pays aux rebelles et groupes terroristes. Un an plus tôt, les forces spéciales organisaient l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée, sans qu'aucun coup de feu ne soit tiré. Et en 2008, Moscou a mis en déroute la petite armée géorgienne. Cependant, si la Russie fournit une part importante du gaz dont a besoin l'Europe, elle ne peut guère se servir de cette arme sans priver son budget d'importants revenus. Et elle souffrirait d'être coupée des marchés financiers aux mains des Occidentaux. Moscou doit consentir des efforts de diversification économique, pour les grands chantiers d'infrastructures et le social, autant de secteurs en demande de réformes urgentes. À cette heure, un conflit avec les Occidentaux porte le risque d'une «escalade incontrôlable et d'un débordement de la guerre dans une phase nucléaire». Un scénario catastrophe évoqué par le maître du Kremlin lui-même. «Si l'Ukraine rejoint l'Otan et récupère militairement la Crimée, les pays européens seront automatiquement entraînés dans un conflit militaire avec la Russie», avertissait Vladimir Poutine, la semaine dernière, soulignant que son pays était «l'une des principales puissances nucléaires». Une telle guerre «n'aurait pas de vainqueur», a-t-il prévenu.