Deux jours durant, jeudi et vendredi derniers, les pays d'Afrique de l'Ouest ont ausculté le contexte sécuritaire au Sahel où la terreur terroriste a démarré au Mali, en 2012, avant de se propager dans les pays voisins, principalement le Niger et le Burkina Faso, tout en s'étirant occasionnellement vers le Bénin et la Côte d'Ivoire. La réunion des chefs d'état-major des pays membres de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) se sont donc retrouvés jeudi au Ghana pour discuter de la coopération militaire face à une menace terroriste qui continue à s'intensifier dans l'ensemble de la région sahélienne. S'adressant aux représentants des chefs d'état-major des armées présents à Accra, capitale du Ghana, le ministre ghanéen de la Défense, Dominic Nitiwul, a listé les groupes criminels responsables de l'insécurité au Sahel. Depuis trois ans la région a connu plus de 5 300 attaques terroristes, faisant 16 000 morts et plusieurs millions de déplacés. Représentée principalement par les mouvements historiquement liés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et au groupe autoproclamé Etat islamique (Daesh), ces mouvances se sont enracinées dans la région dite des trois-frontières, reliant le Mali au Niger et au Burkina tout en conjuguant leurs attaques avec celles, moins fréquentes mais tout aussi meurtrières de Boko Haram et de son excroissance l'Iswap, venus du Nigeria pour investir la zone du lac Tchad. Leur montée en puissance a constitué un vrai défi, ces derniers temps, malgré la présence de multiples forces d'intervention étrangère comme Barkhane, Takuba, le G5 Sahel et d'autres, censées contribuer à la formation et à l'encadrement des troupes locales dans la lutte contre le terrorisme. Après des années d'expectative, les populations ont donné libre cours à une exaspération d'autant plus vive que les attaques terroristes se sont révélées impunies et c'est pourquoi des coups d'Etat ont eu lieu qui ont quelque peu bousculer la donne, même si on a souvent prétexté une «connivence» entre le terrorisme et les tensions communautaires dont se servent les extrémistes pour imposer leur présence et leur mobilité géographique, particulièrement dans la région du Liptako-Gurma. Les chefs d'état-major, réunis à Accra, savent bien combien il est extrêmement difficile de «loger» sur une carte les groupes terroristes en question dès lors qu'ils se meuvent sans cesse dans un environnement clandestin, avec une aisance et une maîtrise du terrain avérées. Les attaques sont toujours engagées loin de leur base effective. Ils ont, en outre, des relais dormants qui les abreuvent en informations et contribuent au maintien de leur logistique. La «présence» de patrouilles itinérantes ou celle de convois armés ancrés dans des zones cruciales ne constitue guère un dispositif dissuasif, face à des assaillants d'une grande mobilité et dont l'aptitude à disparaître dans la nature a été maintes fois démontrée. En outre, depuis longtemps, une autre donne est venue aggraver la situation sécuritaire avec la connexion établie entre les groupes criminels et les factions terroristes, l'argent de la contrebande et du trafic de migrants permettant de nourrir les uns et les autres. Dans un tel contexte, les états-majors mesurent le coût exorbitant que fait peser sur leur dispositif antiterroriste l'expansion géographique des groupes terroristes dont les attaques se sont élargies à des territoires jusqu'ici épargnés. Le constat, sans être sinistré, n'est guère rassurant tant l'épreuve commune est loin d'être assumée par les forces du G5 Sahel, confrontées à leurs propres limites.