La Kabylie attend de pied ferme le retour de ses enfants prodigues. En effet, les émigrés reviennent de plus en plus nombreux chaque été depuis quelques années au pays. L'été pour eux est synonyme d'un retour au pays qui, pour relancer un chantier de construction, qui pour revoir la famille et repartir, comme ils le disent si bien: «Chez eux dans les pays froids», après la saison des figues. Avec ce retour attendu vers le début juillet, un retour qui atteindra son paroxysme vers août certainement. Les familles d'émigrés établies en Europe arrivent difficilement à venir ensemble avec le prix du billet d'avion Alger-Paris, devenu quasi inabordable pour les familles, aussi l'on fait tout pour essayer de ne voyager qu'à deux, au plus. Les frais incompressibles tels les mariages et autres fêtes qui sont imparables et alors les portefeuilles se vident puisque les familles sont alors obligées de se déplacer ensemble. Il reste que les villages attendent avec une certaine impatience le retour de ces émigrés, ce qui signifie pour tous une reprise de la vie. Les commerçants du village travaillent mieux, les marchands des quatre saisons, qui contrairement à la saison d'hiver, retrouvent quelques couleurs. Il y a aussi les transporteurs de voyageurs qui alors ont bien du pain sur la planche avec surtout les maçons et entrepreneurs qui concluent bien des affaires juteuses. C'est le moment pour ces émigrés de commencer ou d'achever les constructions en essayant de faire «comme ces constructions de là-bas». Généralement, l'on aboutit à des tas de béton informes défigurant les villages et qui se veulent des villas à l'image de celles rencontrées au cours des pérégrinations en France ou ailleurs. cependant, les émigrés savent aussi «rentrer dans leurs frais», en essayant de passer un à deux mois de vacances au pays sans trop débourser. Pour ce faire, il leur suffit de ne pas trop se presser de vendre leurs euros et de les échanger sur le marché parallèle. Certes, l'euro a connu une certaine baisse avec l'interdiction d'importation frappant les véhicules de moins de trois ans, mais malgré cela, les choses sont toujours assez «bonnes». En effet, les émigrés ont appris à calculer, Pour eux, un euro c'est dix dinars et il n'est pas question de...marchander. Pour le reste, c'est à l'avenant. Une certaine entente règne entre les émigrés et les citoyens du cru. Les gens des villages voient en la venue des émigrés des opportunités soit pour se faire un peu d'argent en étant embaucher dans des chantiers de construction soit encore en essayant de voir les divers moyens existants pour essayer de s'établir en Europe. L'on négocie ferme les certificats d'hébergement et autres invitations à se faire envoyer afin de faciliter la délivrance du sésame qu'est le visa. Même s'il faut souligner que finalement, la destination Europe est de plus en plus délaissée au profit d'autres horizons. En effet, le Canada, l'Afrique du Sud et d'autres destinations deviennent de plus en plus prisées. Les jeunes gens ayant découvert depuis quelque temps que l'ancienne terre d'émigration ne les veut plus. D'ailleurs, les premiers migrants vers ces nouveaux horizons ont commencé à revenir au pays pour des vacances et c'est ainsi que lors des soirées dans les villages, il n'est plus question que de Johannesburg, Maputo et autres Montréal et Sydney. La Kabylie ne regarde plus vers les anciennes destinations et a appris à voir ailleurs.