Incarnation par procuration d'une intégration réussie, Zizou, à son corps défendant, demeure le leader d'une France métissée. Au coup de sifflet final, qui consacrait la victoire de la France sur l'Espagne, les rues de Paris se sont remplies de voitures klaxonnant joyeusement, et dont les passagers agitaient des drapeaux français et algériens pour saluer la victoire de leur équipe. Sur les Champs-Elysées, des milliers de supporters se sont réunis sur le bitume, entonnant des slogans à la gloire de Zidane et de ses coéquipiers. En inscrivant le 3e but français, Zidane a mis ainsi fin aux rêves ibériques d'atteindre pour la première fois de leur histoire les quarts de finale. Du coup, la France retrouve son maître à jouer qu'une certaine presse de l'Hexagone avait déjà renvoyé à la retraite. En effet, en orchestrant le jeu des Français, Zidane a prouvé à ses détracteurs qu'il pouvait encore briller sur les pelouses et même sur les Champs-Elysées comme il l'avait fait un certain été 1998. Invité à faire une comparaison sur sa situation avec celle de Zidane, très critiqué avant le match contre l'Espagne, Dominique de Villepin, Premier ministre français, a répondu que «comparaison n'est pas raison» avant d'ajouter: «La politique, c'est une chose plus complexe». Pourtant, il a tenu à préciser qu'en politique comme en sport «il y a l'action et les résultats».Et les résultats du gouvernement de De Villepin en matière d'intégration laissent à désirer de par la politique restrictive prônée par son ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy. Aussi, la victoire de la France face à l'Espagne, en partie grâce à Zidane qui a fait son retour en sélection alors que la bande à Raymond Domenech allait rater le train allemand, fait clouer le bec à la fois aux plus sceptiques, à une possible intégration de la communauté maghrébine. Grâce à cette victoire et à la performance de Zidane, la France politique s'est remise à louer les vertus «intégrationnistes» du sport et retrouve le héros de la République, ravie de se redécouvrir multiraciale, dont les moindres déclarations sont aussitôt assimilées comme symbole d'une intégration réussie. Le slogan «Zizou président», clamé par une foule en délire au lendemain de la victoire de la France en finale du Mondial 1998,risque de retentir encore en cas de succès final de la France. Le président Jacques Chirac, fair-play, avait accepté avec le sourire cette nouvelle forme de cohabitation politico-sportive en déclarant alors que «c'est la France tricolore et multicolore». Mais depuis, les choses ont changé. Nicolas Sarkozy multipliait les accusations contre les jeunes banlieusards d'être la source de tous les maux de la France. Entre-temps, Zidane a pris sa retraite internationale. La France trouvait des difficultés à s'imposer et même à se qualifier au Mondial. Alors on fait appel à l'ancien stratège. Un retour annoncé le 3 août 2005,par Zidane sur son site internet. Aussitôt, c'est l'enthousiasme chez la presse. «Le sauveur de la patrie en danger» est de retour. Pour sortir des replis frileux et renouer avec le succès, pas seulement dans le monde du sport, la France se devait d'avoir confiance dans sa diversité, insistaient les analystes. La qualification en quarts de finale de la France a remis au goût du jour, le concert de louanges politico-sportives à l'intention du magicien du ballon revenu aux commandes. Incarnation par procuration de l'intégration réussie, Zidane «représente le symbole d'une France rassemblée qui souhaite que le pays fonctionne comme le sport», estiment les observateurs. «Zidane n'est pas seulement le capitaine de l'équipe de France» écrivait le journal Le Monde, «il est aussi le leader de la France métissée, de la France qui aime sa diversité. A son corps défendant, il reste le capitaine de l'équipe Black-Blanc-Beur, l'exemple de ce modèle multiculturel». Pourtant, Zidane, jadis adulé, aété accusé de semer la zizanie au sein de l'équipe de France. Même les anciens de 1998, aujourd´hui à la retraite, se sont mis à tirer dans le dos de leur ancienne équipe. Et si Zidane devait prendre sa retraite, il faut bien que cela arrive un jour, il cédera sa place au musulman de cette équipe, Franck Ribéry, comme Zidane, né à Marseille. N'en déplaise à Jean-Marie Le Pen.