Assommé par une salve d'avanies, le Makhzen, sous la conduite de son ministre des Affaires étrangères Nacer Bourita, titube sur l'arène diplomatique. Les revers arrivent en escadrille. Le Pérou, la Colombie, l'Angola, le Kenya... le cortège des pays qui réaffirment leur soutien au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination s'allonge. À chacune de ses déconvenues diplomatiques, Bourita s'empresse d'allumer un contre-feu pour tenter de faire oublier le précédent. Mais la liste des revers étant trop longue, Bourita risque d'activer un brasier qui va consumer tout le royaume. C'était lui, le roi de l'esbroufe, qui a vendu l'idée de l'ouverture de consulats fictifs à Dakhla. C'est également lui, emporté par son élan de diplomate bonimenteur, qui a annoncé une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays qui ont ouvert «des consulats fantômes» à Dakhla. Comme si cette réunion pouvait se substituer au quitus de la légalité internationale. Le dernier coup dur que subit la Cour royale arrive tout frais du Kilimandjaro. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères kenyan a affirmé que «la position du Kenya sur la Rasd est pleinement alignée sur la décision de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) d'admettre l'adhésion de la Rasd le 22 août 1982, et la Charte de l'UA qui appelle au droit incontestable et inaliénable du peuple à l'autodétermination». Par conséquent, poursuit le communiqué, «le Kenya s'aligne sur la résolution 690 du Conseil de sécurité des Nations unies (1991) qui appelle à l'autodétermination du Sahara occidental à travers un référendum libre et juste dirigé par l'ONU et l'UA». Pour couper court à toute manigance, le ministère a tenu à préciser «que le Kenya ne mène pas sa politique étrangère sur Twitter ou toute autre plate-forme de médias sociaux, mais plutôt par le biais du gouvernement officiel, documents et cadres réglementaires», en référence à un tweet sur la Rasd attribué au nouveau président kenyan William Ruto, au lendemain de son investiture. Une position «historique» et «de principe» saluée avec ferveur, hier, par le gouvernement sahraoui. Avant le Kenya, c'était l'Angola qui a réservé un accueil triomphal au secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali. Ce dernier était invité d'honneur à Luanda pour participer à la cérémonie d'investiture du président angolais, Joao Lourenço, réélu pour un second mandat. Le président Ghali a «salué la position historique de l'Angola» vis-à-vis de la cause du peuple sahraoui, et son soutien au droit des peuples à l'autodétermination et à l'indépendance. Une semaine plus tard, le Pérou a remis le Maroc dans sa case de pays colonialiste. La décision du président péruvien, Pedro Castillo, de révoquer son ministre des Affaires étrangères, Angel Rodriguez, a ébranlé les certitudes du Makhzen. En fait, le ministre péruvien s'est immiscé directement dans la bataille diplomatique entre la République sahraouie et le Maroc. Selon la presse sahraouie, c'est en contrepartie de 120 000 tonnes de phosphate et d'une enveloppe financière que lui avait remise l'ambassadeur marocain à Lima, que ce ministre aurait décidé de mettre fin aux relations avec le Sahara occidental. Les mêmes griefs ont été portés par la presse péruvienne à l'encontre d'Angel Rodriguez l'accusant d'avoir reçu des pots-de-vin et des marges de bénéfice sur des marchés de phosphate pour retirer, en contrepartie, sa reconnaissance de la République sahraouie. À son tour, le président colombien Gustavo Petro, a tourné le dos au Makhzen en décidant de reprendre les relations diplomatiques avec le Sahara occidental conformément aux principes et aux objectifs de la Charte de l'ONU mais aussi à l'accord conclu entre les deux pays le 27 février 1985. Cette décision est intervenue à l'issue de l'audience accordée par le président colombien au ministre sahraoui des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Salek. La célérité de ces revers infligés au Makhzen traduit au moins deux choses. La première est l'échec éclatant de la diplomatie version Bourita. La seconde est qu'elle renseigne sur la tension dans laquelle sombre la Cour royale qui perd ses lobbies comme des feuilles d'automne.