La Russie a suspendu samedi l'accord sur les exportations de céréales des ports ukrainiens, vitales pour l'approvisionnement alimentaire mondial. Moscou assure que cette décision a été prise après une attaque de drones sur ces navires. L'Ukraine a dénoncé «un faux prétexte» et appelé à faire pression pour que la Russie «s'engage à nouveau à respecter ses obligations» pour cet accord conclu en juillet sous égide de l'ONU et de la Turquie, le seul entre Moscou et Kiev depuis le début du conflit. Dans sa vidéo quotidienne postée sur Internet, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé qu'au moins 176 navires transportant plus de deux millions de tonnes de céréales étaient déjà bloqués par Moscou. Une source sécuritaire turque a toutefois indiqué samedi soir que «la Turquie n'a pas été officiellement notifiée» par Moscou de son retrait de l'accord. Le président américain Joe Biden a jugé «scandaleuse» la décision de la Russie. «C'est juste scandaleux. Il n'y avait aucune raison pour eux de faire cela», a-t-il déclaré à la presse après avoir voté par anticipation aux élections de mi-mandat dans son fief de Wilmington, dans le Delaware (est). Le secrétaire d'Etat Antony Blinken a, quant à lui déclaré: «En suspendant cet accord, la Russie utilise à nouveau la nourriture comme une arme dans la guerre qu'elle a déclenchée, ce qui a un impact direct sur les pays à revenu faible et moyen et sur les prix mondiaux des denrées alimentaires, et exacerbe des crises humanitaires et une insécurité alimentaire déjà graves», a déclaré Blinken. L'accord céréalier a permis l'exportation de millions de tonnes de céréales coincées dans les ports ukrainiens depuis le début du conflit en février. Ce blocage avait provoqué une flambée des prix alimentaires, faisant craindre des famines. L'ONU, garant de l'accord, a appelé à le préserver, soulignant qu'il avait un «impact positif» pour l'accès à l'alimentation de millions de personnes à travers le monde. Le président russe Vladimir Poutine a multiplié les critiques envers cet accord ces dernières semaines, soulignant que les exportations de la Russie, autre producteur céréalier majeur, souffraient à cause des sanctions. Moscou a justifié cette suspension par une attaque de drones qui a visé samedi matin la flotte russe de la mer Noire stationnée dans la baie de Sébastopol, en Crimée. «Compte tenu de l'acte terroriste réalisé par le régime de Kiev avec la participation d'experts britanniques contre des navires de la flotte de la mer Noire et des navires civils impliqués dans la sécurité des couloirs céréaliers, la Russie suspend sa participation à la mise en oeuvre de l'accord sur les exportations des produits agricoles des ports ukrainiens», a annoncé le ministère russe de la Défense sur Telegram. Face à ces accusations, la Défense britannique a réagi en dénonçant de «fausses informations» destinées à «détourner l'attention». Selon les autorités russes, l'attaque a eu lieu samedi matin avec «neuf véhicules aériens sans pilote et sept drones maritimes autonomes».«La préparation de cet acte terroriste et la formation du personnel militaire du 73e centre ukrainien des opérations maritimes spéciales ont été menées par des spécialistes britanniques basés à Otchakov, dans la région de Mykolaïv en Ukraine», a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram. Moscou a aussi accusé Londres d'être impliqué dans les explosions ayant endommagé en septembre les gazoducs russes Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique et promis de soumettre la question au Conseil de sécurité de l'ONU. «La Russie a demandé à plusieurs reprises une enquête conjointe sur les attaques (...). Le fait que les pays occidentaux aient refusé cette proposition le confirme: ils ont quelque chose à cacher», a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova dans un communiqué. Peu avant l'annonce de la suspension de l'accord céréalier, le ministre russe de l'Agriculture avait une nouvelle fois critiqué le texte, accusant les pays de l'UE d'accaparer les exportations ukrainiennes devant revenir aux pays pauvres. «L'accord sur les céréales, malheureusement, non seulement n'a pas permis de résoudre les problèmes des pays dans le besoin, mais les a même aggravés dans un certain sens», a déclaré Dmitri Patrouchev. En Ukraine, sur le front Sud, les deux camps se préparent dans cette zone pour la bataille pour la ville de Kherson, la capitale régionale, d'où les autorités russes ont évacué des dizaines de milliers de civils, ce que Kiev a qualifié de «déportations».