Le look à la jamaïcaine, Amazigh Kateb est revenu ce jeudi, chanter devant une foule de «fidèles»... Des jeunes gens, des centaines, voire des milliers, on n'en a jamais vu autant! Ils étaient fort nombreux jeudi dernier, à la fin de cette belle journée de juillet au complexe touristique de Zéralda. Tous se dirigeaient vers un seul endroit. Comme attirés par un aimant, on ne ratera pour rien au monde, l'événement de l'été 2006. Ce soir, ils sont tous venus écouter chanter le messie du gnawi. Gnawa Diffusion pardi! Chèches de toutes les couleurs autour du cou, ou sur la tête, colifichets en tout genre et bijoux touaregs. Le total look de la gnawamania est de mise. On tarde pour ouvrir les portes. Annoncées pour 19h, c'est à 20h passées qu'on les ouvre enfin. Et l'on se dirige vers l'intérieur de l'hôtel les pieds sur le gazon, on s'installe n'importe où et n'importe comment. Un méga concert à ciel ouvert qui prend l'allure d'un woostock...Le grand espace libre, n'en finit pas de se remplir à vue d'oeil. Alors que le soleil se couche, on fait patienter les férus de Gnawa à coup de décibels disco. Une première partie est prévue. Djemawi Africa, qui n'est plus à sa première scène, surtout cette année grâce à As Production, qui lui a donné notamment la chance de se produire avec Gaâda Diwane Béchar, chauffe d'emblée l'assistance. L'esprit est à la fête. Au recueillement aussi, à la mémoire du chantre du chaâbi, feu El Hadj El Hachemi Guerrouabi, qui nous a récemment quitté. Gnawa Diffusion tarde à venir sur scène. Problème avec les cordes des gumbris à cause de l'humidité. C'est vers 23h, que le groupe Gnawa Diffusion monte sur scène. A la croisée des influences européenne, jamaïcaine et africaine, les musiciens portent des costumes aux couleurs chatoyantes exprimant leur générosité envers cette musique métissée. Amazigh Kateb, qui impose le respect de par ses valeurs d'engagement sans faille, est visiblement fatigué. Il ne faut pas se fier aux apparences. Son concert de ce soir se voudra encore plus «physique». La dégaine à la Jamaïque-attitude, les cheveux à la rastafaris enturbannés dans du «jaune, vert et blanc», esquissera souvent des pas de reggae. Sa musique Gnawa tire son essence de sa revendication à l'africanité de l'Algérie, racine de son identité plurielle, dont il reconnaît et confère son appartenance aux esclaves noirs, déportés de l'empire de Guinée par des sultans au XIIIe siècle vers le Maghreb. Cela fait 10 ans que son premier album «Algéria» est sorti. Cela se fête! Gnawa Diffusion a fait depuis du chemin. Sa notoriété aujourd'hui, ici et dans le monde, est indiscutable. Plus de 14 ans de carrière, cela veut dire plus de 500 concerts sur 3 continents et 4 albums au compteur. Des chansons-brulots qui dénoncent l'injustice d'où qu'elle vienne, dans ce monde où l'humanité n'a de cesse de s'entredéchirer. Ayou, Bab El Oued Kingston, Match Betikh, La France c'est cool, Hmer Dem ou Khel Zitoun, Kobayara, Douga-Douga, Ouvrez les stores, et autres titres franchement plus gnawis et traditionnels, mettent en effervescence un public qui chante les textes par coeur, interpellant parfois Amazigh ou en le créditant carrément du statut de «président». Amazigh, tout en continuant son show, répond par de larges sourires, le regard pétillant d'intelligence et de gentillesse aussi. Sur une musique bien entraînante, un rythme fou, Amazigh fustige, vilipende et chante le pourrissement du système par l'escroquerie, la manipulation religieuse et le jeu malsain des politiciens... Avec grande fluidité, il laisse place au pur gnawi qu'exhale le son du gumbri et des karkabous. Fusionnant le moderne au traditionnel, il mêle le reggae au chaâbi, le hip hop au son aloui et ska...Le public n'a de cesse de manifester son enthousiasme. Amazigh cet interprète de l'actualité en musique, évoque à un moment donné le coup de boule de Zinedine Zidane et rend «honneur» à son «algérianité». Un formidable concert dans un magnifique site, Amazigh Kateb, comme un électron «libre» doué d'une âme sensible, une force de caractère et du talent, les Algériens en redemanderont toujours. Quoi de neuf? Le morceau Kifach n'dir bach n'deber rassi, serait-ce un exemple d'ébauche d'un nouvel album? En tout cas, le prochain, on l'attend avec impatience!