Des milliers de personnes ont défilé samedi dans le froid à Paris contre la réforme des retraites, répondant à l'appel d'organisations de jeunesse mais aussi de La France insoumise (LFI, opposition de gauche radicale), désireuses d'entretenir la flamme de la contestation. «Résistance!», «on est là, même si Macron ne le veut pas»: alors qu'un projet de loi prévoyant le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans doit être présenté, aujourd'hui, en Conseil des ministres, un cortège mené par les jeunes, mais brassant toutes les générations, a cheminé entre les places de la Bastille et de la Nation sans incident notable. On était loin de l'affluence constatée lors de la journée de jeudi, qui avait réuni entre un et deux millions de manifestants dans toute la France selon les estimations de la police ou de la Confédération générale du travail. Revendiquant quelque 150 000 participants, les organisateurs peuvent se targuer d'avoir atteint leur objectif. D'autres comptages sont toutefois nettement plus mesurés: 12 000 personnes selon une source policière, 14 000 selon le cabinet Occurrence pour un collectif de médias. Dans la foule, Charlotte Lamorlette, metteuse en scène de 30 ans, et Chloé Kiskipour, comédienne de 29 ans, estiment de concert qu'«on est au début du mouvement, il faut envoyer un signal fort et encourager d'autres personnes à venir». À ses côtés, Zoé Lorioux-Chevalier, membre du parti Générations, embraye. «On a envie d'en découdre, on a envie de dire qu'on ne sera pas la génération sacrifiée». Présent dans la foule, Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise (LFI), a lancé à l'adresse d'Emmanuel Macron: «Soyez maudit de vouloir transformer toute notre existence en marchandise.» Le projet et sa mesure phare, le report de l'âge de départ à 64 ans, contre 62 aujourd'hui, se heurte à un front syndical uni et une large hostilité dans l'opinion d'après les sondages. Ce test politique pour le président Emmanuel Macron intervient dans un contexte économique et social tendu, les Français subissant les effets d'une forte inflation, à 5,2% en moyenne en 2022. Le gouvernement a fait le choix d'allonger la durée de travail, pour répondre à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population. Il défend son projet en le présentant comme «porteur de progrès social», notamment en revalorisant les petites retraites. Un ingénieur franco-espagnol de 26 ans, qui prenait des photos lors d'une manifestation jeudi à Paris contre la réforme des retraites, a dû être amputé d'un testicule après un coup de matraque d'un policier, a-t-on appris, hier, auprès de son avocate qui va porter plainte. Sur des clichés circulant sur les réseaux sociaux et des vidéos, on voit un policier donner un coup de matraque à l'entrejambe d'un homme au sol, qui tient un appareil photo dans une main, puis repartir. L'homme avait été jeté au sol par un autre policier, selon son récit. L'avocate du jeune homme a indiqué qu'une plainte pour violences volontaires était en cours de dépôt. «C'est une qualification criminelle, on n'est pas dans un état de légitime défense ou de nécessité, j'en veux pour preuve les images qu'on a et le fait qu'il n'ait pas été interpellé par la suite», a précisé Me Lucie Simon. La scène s'est déroulée au moment de heurts entre manifestants et forces de l'ordre, avec jets de projectiles et usage de gaz lacrymogènes. La manifestation avait rassemblé des centaines de personnes. La préfecture de police a demandé à ce que «les circonstances exactes de l'incident rapporté soient éclaircies», précisant que les faits se sont produits «dans un contexte d'extrême violence et dans le cadre d'une manoeuvre de police pour interpeller des individus violents». L'ingénieur, qui vit en Guadeloupe, «est encore en état de choc et n'arrête pas de demander pourquoi» il a été blessé. «Il ne représentait pas un danger, il ressent une incompréhension, un choc et une colère car il va subir des conséquences irréversibles», a souligné Me Simon.