A peine a-t-elle quitté les lieux que voilà le chef de la diplomatie américaine qui y retourne toute affaire cessante. Au 18e jour du conflit, la situation demeure stationnaire alors qu'Israël poursuit les bombardements, sans relâche, des localités libanaises alors que son armée a été contrainte par les combattants du Hezbollah de reculer aux frontières internationales et de se retirer de Bint Jbeil. Situation qui reste inédite dans les confrontations israélo-arabes. C'est sur ce fond de guerre -où Israël rencontre une résistance à laquelle les stratèges militaires israéliens étaient loin de s'attendre- que la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice revient dans la région du Proche-Orient après avoir participé à Kuala-Lumpur, capitale de la Malaisie, au forum de l'Asean (Asie du sud-est). Dans l'avion qui la transportait au Proche-Orient, Mme Rice a indiqué hier aux journalistes, qui l'accompagnaient, qu'elle s'attend à avoir des discussions «assez intenses (qui ne seront) pas faciles, (nécessitant) des concessions mutuelles, avec les responsables en Israël». La chef de la diplomatie américaine a, par ailleurs, déclaré: «Nous ne sommes pas en train de fixer de délai, mais évidemment, comme nous voulons une fin prochaine à la violence, il est important que nous obtenions un accord» sur des points essentiels, sans que Mme Rice précise avec qui elle entend obtenir un accord, sans doute pas avec le Hezbollah. Mme Rice a aussi ajouté: «Je suppose, parce que nous avons des gens travaillant à la fois avec les Israéliens et les Libanais, qu'il y aura des opportunités de concessions des deux côtés» sans, là aussi, qu'elle précise à quelle genre de concessions elle pense, et de la part de qui, si l'on sait que les Etats-Unis se sont toujours refusés à toute pression sur Israël qui puisse l'amener à assouplir sa position. Dès lors, c'est bien sur les Libanais que la secrétaire d'Etat américaine compte faire pression pour les contraindre à se plier au diktat israélien. Mme Rice faisait-elle allusion à Israël lorsqu'elle affirma, à propos de décisions qui seraient éventuellement prises, qu'«il s'agit de décisions vraiment difficiles et émotionnelles (...)» A quelle décisions ‘'difficiles'' pensait Mme Rice? Le retrait d'Israël des fermes de Chabaa au Liban? Au retour sur la genèse du conflit au Proche-Orient qui est inchangé depuis 1948 et l'occupation par Israël de territoires arabes au Liban-Sud, au Golan en Syrie, à Ghaza, en Cisjordanie et Jérusalem-Est? Si c'est effectivement à cela que pense la secrétaire d'Etat américaine, il serait alors possible à terme de trouver une solution qui mette un terme définitif à une situation qui perdure depuis des lustres pour le plus grand malheur des communautés arabes et juives de la région. En revanche, si Condoleezza Rice ne revient dans la région -pour la deuxième fois, en un semaine- que dans l'unique objectif de voir comment neutraliser le Hezbollah -organisation ‘'terroriste'' selon les critères américains et israéliens- alors il faut craindre que ce ne soit pas demain la veille, et que l'on passera une nouvelle fois à côté de l'opportunité de poser, enfin, l'ensemble du dossier israélo-arabe sur la table. Comment les Etats-Unis comptent-ils trouver un début de solution à un contentieux auquel Washington a toujours refusé qu'il lui soit appliqué le droit et les lois internationaux suivant aveuglement le jusqu'au-boutisme israélien? En effet, la neutralisation du Hezbollah, donnera sans doute à Israël de gagner une accalmie de dix ans, ce qui se passe en fait depuis la dernière guerre israélo-arabe de 1948, mais le problème demeurera posé, car aussi bien le Hamas, dans les territoires palestiniens, que le Hezbollah, au Liban, qui sont de création récente et n'ont participé à aucune de quatre dernières guerres entre Israël et les Arabes, sont en réalité l'une des retombées de la persistance de l'occupation israélienne des territoires arabes. Aussi, il ne faut point se leurrer, il n'existe aucune chance que la paix survienne demain au Proche-Orient tant qu'Israël n'aura pas accepté l'échange de la paix contre les territoires comme le lui proposait en 2002 le sommet arabe de Beyrouth. Plan dédaigné par le gouvernement israélien et rejeté par le Premier ministre d'alors, Ariel Sharon. Aussi, si Mme Rice n'a rien à proposer dans ce sens -revenir à la table de négociations par la prise en charge de l'ensemble des problèmes pour leur trouver une solution adéquate- on ne voit pas ce qui la fait courir dans tous les sens sans pour autant qu'elle puisse apporter le moindre début d'espoir pour des peuples qui plient depuis des décennies sous le joug de l'occupation israélienne. Mme Rice qui a refusé, au nom des Etats-Unis, un cessez-le-feu immédiat au Liban, a en revanche insisté sur le fait qu'il ne fallait pas se contenter de demi-mesures et qu'il fallait aller au fond du problème, qui reste pour elle le «terrorisme». Mettre un terme à l'occupation israélienne qui est à l'origine de la violence cyclique qui secoue le Proche-Orient? Vous n'y êtes pas, la secrétaire d'Etat américaine fait une lecture totalement biaisée de la situation induite par l'occupation israélienne la réduisant à une question de terrorisme, sans pour autant lier les causes que sont l'occupation à leur effet, qui est la résistance que les Israéliens qualifient de «terrorisme». Aussi, toute approche de la problématique proche- orientale qui occulte l'occupation israélienne, cause centrale de la violence, ne fera, encore une fois, que détourner le monde de la vraie raison du conflit, pour ne s'attacher qu'à ses effets comme ces guerres périodiques qui opposent Israël à ses voisins arabes depuis de nombreuses décennies. Alors que va proposer la secrétaire d'Etat américaine pour instaurer une «vraie» paix au Proche-Orient et une «vraie» sécurité pour la communauté juive, plutôt que de s'aligner de manière aveugle sur une entité qui a échoué depuis 59 ans à imposer à son voisinage arabe son diktat?