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Espoirs et incertitudes de la réconciliation
ZERHOUNI ESTIME À 250 LE NOMBRE DE TERRORISTES REPENTIS
Publié dans L'Expression le 22 - 08 - 2006

Les hésitations, entre l'assaut de l'armée et le prolongement de la période de grâce pour les nouveaux repentis, reflètent la volonté militaire de frapper et le souci politique de séduire.
A une petite semaine de la fin du délai de grâce donné par les autorités aux groupes armés encore actifs dans les maquis, on ne sait pas si on doit en faire une estimation positive ou, au contraire, en tirer une conclusion négative. Si l'on se réfère aux propos du ministre de l'Intérieur, Nouredine Yazid Zerhouni, il n'y a réellement pas de quoi pavoiser et dire que la Charte pour la paix, plébiscitée par référendum le 29 septembre 2005 et mise en application à partir du 1er mars 2006 a été une réussite.
Présent dimanche à la cité des Bananiers, à Mohammadia, à l'est d'Alger, à l´occasion de la commémoration de la Journée du moudjahid, le ministre de l´Intérieur a indiqué que des résultats positifs ont été réalisés grâce à la réconciliation nationale qui a permis la reddition, jusqu´ à présent, de 250 à 300 terroristes pour bénéficier des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.
Concernant l´éventualité de prolonger les délais de cette charte, arrêtés pour le 28 août, Zerhouni s´est refusé à toute déclaration, alors que les leaders politiques de la coalition, constituée par le FLN, le MSP et le RND, parlent de la possibilité de prolonger les délais fixés afin de permettre à d'autres terroristes de quitter les maquis, et suggèrent que, de la sorte, la réconciliation aura meilleurs effets. Mais on ne sait si cet optimisme est réel ou si c'est le reflet d'un marketing politique.
Mais si l'on se réfère aux réalités du terrain, on peut alors supposer que les choses ne sont pas aussi nettes qu'on le dit. Et les indices ne manquent pas pour les partisans de cette seconde hypothèse. Si on avait un chiffre réel du nombre de repentis, on pourrait alors faire une évaluation sérieuse et dire que sur 400 terroristes, l'offre de paix a fait descendre 300, et c'est une très grande réussite, puisque le chiffre représente près de 75% de l'ensemble des hommes ciblés. Mais en l'absence de statistiques fiables, il faut garder le sens de la mesure. On parlait, en 2005, de 500 terroristes encore actifs, or une statistique fiable donnait près de 400, le nombre d'islamistes tués pendant cette année. Donc, soit on assiste à des estimations approximatives, soit on ne tient pas compte des réseaux de soutien, innombrables, dont les éléments sont non fichés et non répertoriés, donc inconnus des services de sécurité, soit qu'il y a, chaque année, un recrutement massif de jeunes islamistes tentés par la radicalisation et avides d'être promus terroristes, et cela relève d'un chapitre plus périlleux encore.
Le retour des leaders islamistes à l'étranger et auquel le président de la République semblait tenir au plus haut point, ne s'est pas fait. Ni Rabah Kebir, ni Abdelkrim Ghemati, ni Ould Adda, ni Noui, ni encore moins Anouar Haddam et le «groupe de Londres», un des plus importants, n'ont regagné Alger. Leur retour, et qui aurait donné de la crédibilité et de la consistance à l'offre de paix du président Bouteflika, se fait attendre. Abdelaziz Belkhadem, proche de la mouvance islamiste, peut encore compter sur des ralliements de dernière minute tant il est vrai, qu'en politique, les meilleures cartes sont laissées pour le dernier quart d'heure.
Quoiqu'en nette régression depuis 2003, les violences en Algérie, comptabilisées sur le compte des groupes armés islamistes, continuent de faire des victimes. Au moins 72 personnes ont été tuées dans ces violences depuis le début de l'été, selon un décompte non officiel. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée par référendum le 29 septembre 2005, prévoyait pourtant «l'extinction des poursuites judiciaires» pour les islamistes armés qui ont mis fin à leurs activités et se sont rendus aux autorités, mais n'ont pas été «impliqués dans des massacres collectifs, viols ou des attentats à l'explosif dans des lieux publics». En outre, un délai de six mois est accordé aux islamistes armés n'ayant pas commis des crimes de sang pour déposer leurs armes et se rendre.
Bien que la position de la direction du Gspc a été, dès le 28 septembre 2005, de tourner le dos à l'offre de paix proposée par le président Bouteflika, on avait quand même assisté à des dizaines de redditions d'islamistes, notamment à l'est et à l'ouest du pays. Des sources proches du ministère de l'Intérieur avaient parlé de 105 repentis dans le cadre des dispositions de la Charte dès le mois de juin, mais on avait aussitôt assisté à des blocages, et tout de suite, à une flambée des actes liés au terrorisme. Cependant, et hormis des signes positifs ici et là, rien n'a pu être ajouté à ce qui a été déjà fait auparavant. Ni les islamistes vivant à l'étranger, et auxquels le président Bouteflika multipliait les signaux forts, ne sont rentrés, ni les redditions n'ont connu une courbe décroissante, et les estimations les plus proches des réalités donnent le nombre des terroristes en armes à près d'un millier, «avec des possibilités de recrutement dans les milieux ruraux», selon des responsables de haut rang.
Au début de l'été, Bouteflika avait multiplié les contacts avec les leaders de la mouvance islamiste exilés en Europe et aux Etats-Unis par l'intermédiaire de ses collaborateurs les plus crédibles vis-à-vis des islamistes. Et c'est ainsi que nous avions pu voir Belkhadem à Londres, discuter avec le «groupe des Londoniens», un des groupes d'islamistes algériens les plus importants en Europe, Boudjerra Soltani et Amar Ghoul prendre langue avec les islamistes réfugiés en Suisse et en Belgique. Soltani dira quelques semaines après, que c'est le président de la République lui-même qui l'a investi de ces missions et contacts, ce à quoi Ahmed Ouyahia répondra curieusement, quelques jours plus tard, en affirmant que personne n'est investi de missions de contacts avec les islamistes, ouvrant une polémique stérile.
Pourtant, au départ, la réconciliation laissait entrevoir des perspectives larges et positives, et le président de la République y tenait avec d'autant de sérieux et de sincérité qu'il s'agissait réellement d'un projet qu'il a défendu seul, et dans un environnement hostile fait d'éradicateurs et d'anti-islamistes invétérés. Ce qui a semblé être le projet de sa vie, n'a pourtant pas ramené la paix qu'il a tant cherchée.
«Le meilleur restant à venir», tant de la part des autorités que de la part des groupes armés, il y a lieu de s'attendre à des concessions des uns ou des autres ou des situations extrêmes.
Les hésitations entre l'assaut de l'armée et le prolongement de la période de grâce pour les nouveaux repentis reflètent la volonté militaire de frapper et le souci politique de séduire. Sauf si l'on accepte de vivre à l'ombre de petites attaques terroristes auxquelles fera pièce des embuscades et ratissages militaires, de l'ordre de ce qu'on a vécu jusque-là. Cette situation s'appelle un «seuil tolérable de la violence».


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