La date du 25 août a marqué un tournant dans la guerre de Libération qui battait de l'aile. «La date du 25 août est entrée de plain- pied dans l'histoire», annonçait sur un ton exaltant et sans modération un communiqué du CCE pour immortaliser la décision. Pourtant, l'histoire officielle ne l'a pas retenue. Très peu de gens savent ce qu'elle représente. Selon le secrétaire général de l'ONM, Saïd Abadou, les événements du 17 octobre 1961 ont jeté peut-être de l'ombre sur cette date-charnière. Lorsque le Comité de coordination et d'exécution (CCE) décida le 25 août 1958 de transposer la guerre en territoire ennemi, on était loin de mesurer l'ampleur des retentissements sur l'opinion publique française et internationale. Le SG de l'ONM considère qu'il s'agit d'une «première dans l'histoire ; la guerre est transposée en territoire ennemi». En ouvrant un second front, le FLN avait l'objectif de desserrer l'étau qui asphyxiait l'intérieur. Heddane, membre de la direction de l'ancienne Fédération de France, rappelle l'action de Zighoud Youcef en août 1955. Zighoud avait décidé de desserrer l'étau sur la Wilaya I en provoquant ce qui est connu aujourd'hui sous l'expression de «événements d'El Harrouch», devenus «Journée du moudjahid». Cette initiative s'est avérée payante puisque des forces ont été renvoyées d'Algérie pour faire face au nouveau front en métropole. Ainsi, le 25 août 1958 à zéro heure, les premiers attentats ont eu lieu simultanément à Marseille, Paris, Vincennes et Toulouse. Le lendemain, ils s'étendent à d'autres régions. Entre le 25 août et le 30 septembre, il y a eu 56 sabotages, 242 attaques, 82 morts et 188 blessés. Les fidaïne ont ciblé les commissariats de police, les lieux symboliques comme la Tour Eiffel, les sites économiques et les objectifs militaires (comme le sous-marin Dauphin et le cuirassé Jean Bart). Ahmed Arrad, qui a essayé de dresser un bilan des attentats, relève également le rôle joué par la septième wilaya sur le plan logistique, par la collecte de fonds (estimé à 400.000 francs par jour, selon Heddane) et l'acheminement des armes. La carte des opérations montre que tout le territoire français a été la cible de ces attentats. Grâce aux attentats perpétrés en métropole, la Révolution a pu se poursuivre et s'installer dans les couloirs étanches de l'ONU. La «question algérienne» a pu avoir ses adeptes parmi les «pays frères» qui l'ont farouchement défendue. Plus tard, les événements du 17 octobre 1961 et la répression qui les avait suivis, viendront achever définitivement le rêve d'une «Algérie française». Arrad s'est exprimé en bon français. Il a pris le temps de lire un long fascicule qu'il a pourtant distribué. Il commence par un préambule philosophique, pendant que les présents se parlent avec les yeux. Ils n'ont visiblement pipé mot du discours. Quelqu'un dans la salle interroge son voisin: «As-tu compris quelque chose?». L'autre lui répond par un hochement de tête comme pour lui dire que lui est plus instruit. Le premier rétorque par un éclat de rire vite étouffé. Arrad élargit ses longues phrases. Il sait qu'il ne court pas le risque d'être contredit. Il dit: «Ma gorge se resserre en pareille circonstance». Il marque une pause puis reprend: «L'histoire des résistances algériennes constitue une antre où s'endorment encore, de nos jours, des dates célèbres payées d'un lourd tribut et de bravoure de militants et de combien d'autres de l'ombre...».