Tous étaient au rendez-vous. Les journalistes, les cinéastes, les films, les vedettes d'un jour et les stars de toujours. Mais comme nous sommes en Italie, il restera toujours les dernières retouches à faire... Si bien qu'une semaine après le début de la Mostra, il n'est pas fortuit de croiser un peintre, un électricien à l'oeuvre... Bien sûr, sur la lagune, on voit aussi défiler l'élégance italienne. Indiscutablement, l'homo Italicus porte beau le vêtement... du coup les femmes ne sont pas en reste. Le furent-elles? Du coup, à la terrasse de cet imposant palace (réplique d'une mosquée byzantine), on parvient difficilement à faire parfois la distinction entre ceux et celles qui sont en représentation et les autres venus défendre un film... Question films justement, il est urgent de dire, d'emblée, que le menu déjà paru à longueur de journaux est loin de tenir toutes ses promesses... Des noms, des titres et à l'arrivée... très peu d'émotion, ou plutôt très rares instants de vie... Aussi et sans vouloir renoncer à un atavisme anti-yankee (qui n'a rien d'antiaméricain, la nuance est de taille !), force est de dire que c'est du côté de la côte Ouest que les choses intéressantes sont arrivées... D'abord World Trade Center de Oliver Stone, que la réussite a oublié pendant plus d'une décennie : une incroyable reconstitution des interminables heures passées sous les gravats par deux pompiers venus porter secours aux personnes se trouvant dans une des deux tours percutées par un avion de ligne, le 11 septembre. Le tour de force? Il réside dans le choix d'un cadrage à hauteur de visage de deux corps piégés par la ferraille et la pierre en amas... Nicolas Cage signe là son retour, qui est d'autant plus prodigieux, car comme dit précédemment, c'est à sa performance faciale que l'on doit tout ce que ce film dégage... Quatre-vingt-sept nationalités ont péri par la volonté d'hommes robotisés, qu'aucune cause ne peut en justifier l'acte. Et le mérite de Stone c'est de nous rappeler que sous les décombres du geste politique des kamikazes, des humains ont souffert, ceux prisonniers dans les tours et leurs proches tenus en laisse par un mince fil d'espoir... Dans cette même optique, inscrivons aussi Bobby de Emilio Estevez, qui raconte le quotidien d'un palace de l'Amérique profonde, à la veille de recevoir un sénateur en campagne pour décerner le ticket gagnant aux élections de novembre 1968... C'est connu, le bon (et aussi le moins bon cinéma américain) a toujours excellé dans sa peinture du détail du quotidien, traquant le moindre détail pour en faire un bout de ficelle qui fera pelote... Parallèlement à ce «scannage» de la vie d'un grand hôtel, des bureaux aux fourneaux, en passant par les suites et leurs locataires en naufrage le plus souvent, des images de la tournée électorale du candidat à la candidature démocrate sont déversées, en flots, par des téléviseurs branchés sur CBS et son présentateur mythique, Walter Cronkite, celui qui a fait changer d'opinion aux Américains sur le Vietnam, en ouvrant un soir son journal par un «Nous sommes battus!...». Pour l'anecdote, Cronkite a cédé la place, quarante ans après, à Dan Rather qui s'est hâté de mettre une tenue militaire pour couvrir la 1re guerre du Golfe... Rather a fini lamentablement en diffusant un reportage bidon l'année passée sur ... l'Irak! Donc, dans Bobby nous sommes en pleine guerre du Vietnam et les discours du sénateur démocrate parlent de cette pauvreté qui frappe une bonne partie de la population américaine. Martin Luther King est mort. Les USA sont en ébullition, ce candidat, on le sent, cristallise les espoirs de toute une nation désireuse de sortir du bourbier vietnamien afin d'aspirer à une vie meilleure... Lorsqu'il arrive enfin dans le lobby de l'hôtel Ambassador, Estevez a distillé dans son film, suffisamment d'infos par le truchement de son staff de campagne, déjà sur place pour qu'on sente que cet homme qui brigue la magistrature suprême constituerait une chance pour son pays, les USA, voire pour le monde. Mais cet homme, après avoir fait un discours digne d'être enseigné à Sciences Po, dans la salle du restaurant de l'hôtel, rencontrera son destin dans les cuisines par où il voulait passer pour saluer les employés de maison, fidèle à sa ligne. Robert Fitzgerald Kennedy venait de croiser le regard d'un jeune Jordanien, Bishara. Six coups de feu et l'Amérique se voyait priver d'un espoir nommé Kennedy. «Bobby», pour ses proches... Le 6 juin 1968, trois années après la guerre des Six Jours, une fois encore, des balles allaient stopper le rêve fou d'un peuple... On ne peut s'empêcher de penser à une autre victime de ce mois de juin, décidément, Mohamed Boudiaf. Fait étrange, les images de ces deux hommes induisent le même sentiment... Sans doute parce que les deux avaient dans leurs dernières phrases une vision humaniste de la vie et de ceux qui la peuplent...