L'élargissement de l'UE à la Turquie bute sur l'intransigeance européenne envers Ankara. La commission des Affaires étrangères du Parlement européen (P.E) a, lundi dernier, alerté une nouvelle fois la Turquie sur le respect de ses engagements vis-à-vis des critères d´adhésion à l´Union européenne (UE). Dans son rapport, adopté lundi soir par 53 votes pour, 06 contre et 08 abstentions, les membres de la commission relèvent «des manquements persistants dans les domaines tels que la liberté d´expression, la liberté religieuse, les droits des minorités, la police, les droits de la femme, le droit syndical et les droits culturels.» Plus loin, les députés européens appellent la Turquie à reconnaitre le génocide arménien (de 1915), la normalisation de ses rapports avec Chypre et bien d´autres conditions aussi draconiennes que celles liées aux droits de l´homme. Dans ce rapport, le PE n´apporte rien de nouveau. Ces mêmes conditions, notamment les critères dits de Copenhague (politiques), ont été rappelés lors du Conseil européen du 3 octobre 2005, conseil durant lequel ont été ouvertes les négociations officielles pour l´adhésion de la Turquie dans la famille européenne. Rappelons que ce conseil avait fixé une période de négociations entre 10 et 15 ans, sans garantie pour la Turquie de devenir, automatiquement “européenne”. Si l´on ajoute qu´il faut l´unanimité des 25 Etats membres de l´UE pour accueillir tout nouveau candidat, autant dire que jamais la Turquie ne rejoindra l´UE car des pays comme la Pologne ou l´Autriche ont fait savoir qu´ils sont, gouvernements et peuples, contre l´intégration de la Turquie à la famille européenne. D´autres gouvernements plus respectueux des usages diplomatiques, comme la France ou l´Espagne par exemple, ont fait savoir qu´ils consulteront par référendum leurs peuples sur toute demande de nouvelle adhésion. L´on sait bien combien le vote négatif des Français à l´adoption du projet constitutionnel européen fût influencé par la question turque. Constitution dont le point majeur de désaccord reposait sur les références religieuses et culturelles de l´Europe occidentale. Au delà, les gouvernants de l´UE qui étaient les seuls à croire que le projet constitutionnel allait être adopté, se retrouvent aujourd´hui face à un énorme problème de fonctionnement et de gestion de l´Union. C´est que aux quelque vingt mille pages de lois, accords, traités... dont il faut tenir compte pour chaque acte de l´Union, sont venus s´ajouter les 10 Etats de l´ex- Europe centrale et orientale. Les instruments techniques et politiques de fonctionnement de l´UE faits pour 12 Etats à l´origine, ne sont plus adaptés pour les 25 qui forment l´Union d´aujourd´hui. On a vu par exemple les difficultés rencontrées pour l´adoption du budget pour 2006-2012, ou encore les désaccords réguliers dans la politique extérieure et de sécurité commune (Pesc) comme la crise irakienne, libanaise. Ainsi, sachant que la destinée européenne pour la Turquie est quasiment nulle, la vraie question est de savoir pourquoi Ankara persiste à taper aux portes de l´Europe.