Une série d'attentats à la bombe a ciblé Alger. La question de savoir qui en sont les auteurs relève de la compétence des services concernés. Mais celle de comprendre la stratégie de cette terreur hypothèque l'avenir immédiat d'un pays en pleines convulsions. D'abord, cette bombe qui a été désamorcée samedi 20 janvier à El-Madania sur les hauteurs de la capitale et une autre dans un train de banlieue à la Gare centrale d'Alger alors qu'un engin explosif a fait cinq blessés dont un grièvement le 25 du même mois à l'arrêt de bus près du quartier La Concorde. Le 16 janvier, un homme avait été blessé à Rouiba, un faubourg à l'est d'Alger, par une bombe de faible intensité qu'il transportait, selon des sources sécuritaires. Une autre bombe avait été désamorcée, le même jour, à un arrêt d'autobus à El-Biar, sur les hauteurs d'Alger. Le 20 novembre, l'explosion d'une bombe avait tué une étudiante et blessé trente personnes, également à un arrêt d'autobus, au centre d'Alger à la gare routière de Tafourah. En parallèle à cette campagne de terreur, toute une série de fausses alertes à la bombe a ébranlé la quiétude fragile d'Alger. Les frappes sont espacées dans le temps, mais semblent obéir à un schéma opérationnel et tactique très précis calqué à son tour sur les desseins d'une véritable stratégie. Mais que savons-nous de ces poseurs de bombes? Rien ou presque. En remontant le fil de leur mode opératoire, quelques données se dessinent. Aussi, l'identification partielle de deux individus, circulant à pied à Alger, par les forces de police le week-end dernier pourra contribuer à dresser le profil opérationnel du commando de tueurs qui écument Alger. D'abord, la nature des frappes participe d'une projection de puissance et non de force. C'est-à-dire que les tueurs misent sur une pénétration qualitative dans le milieu urbain prétendu sécurisé plutôt que de concentrer des forces armée ou logistique dans cette même zone. C'est la signature même du terrorisme urbain. Ceci implique le choix d'une organisation étroitement pyramidale articulée sur des cellules réduites d'éléments, mais quasi imperméable aux maillages et aux tentatives de noyautage de services de sécurité. Nos deux promeneurs du week-end à Alger cités plus haut peuvent se révéler les membres constitutifs de l'une de ces cellules. Les déplacements pédestres semblent aussi découler d'un choix tactique. Noyé dans la foule algéroise, le commando s'assure ainsi la souplesse de déplacement et l'anonymat. Ce qui implique une activité de jour si l'on peut dire. Se déplacer la nuit dans une ville aussi surveillée qu'Alger éveille vite les soupçons. Si l'on évacue l'hypothèse de la constitution d'un maquis du côté des forêts de Baïnem et de Ben-Aknoun à cause des opérations de «nettoyage» de ces deux zones, l'évidence de l'installation dans un cadre urbain s'impose: location d'appartements ou de villas au centre-ville ou dans sa périphérie immédiate. La facilité de déplacement induit que les tueurs s'affublent d'une allure normale, banale, à la limite soignée, et ce n'est pas au sortir d'un épais maquis qu'on peut se «débrouiller» un tel aspect. Ici, il faut s'interroger si les mesures de surveillance permanente des états de locations de locaux habitables dans la capitale, initiées par les services de police au milieu des années 90 pour contrer l'installation d'un réseau terroriste urbain, sont toujours en action. D'autres lectures plus avancées évoquent même le concept de «commando itinérant»: l'idée d'un groupe d'assassins rompus à la tâche se déplaçant à travers la ceinture nord du pays et commettant des opérations à caractère spectaculaire. Seulement ici, il faudra mettre en exergue l'étendue et le niveau des complicités inhérentes à ce type de terrorisme.