L'ensemble de la classe politique a créé ses carriéristes. Ils sont là, inamovibles, accrochés à leurs postes, contre vents et marées. Le signal est venu du MSP. Boudjerra Soltani aurait pris la décision d'interdire la candidature aux élections à tout militant qui aura fait deux mandats. Cette mesure concerne les députés autant que les élus des institutions locales ou de wilaya ou sénatoriales. Mais elle fait déjà grincer des dents. On peut imaginer le courroux des carriéristes qui ne voudront, pour tout l'or du monde, lâcher prise parce qu'une décision pareille les mettrait définitivement au placard. Ce n'est pas le propre du MSP. Il faut avouer que peu de partis ont établi des normes de relève au sein de leurs structures afin de permettre à une nouvelle élite d'émerger. On rencontre la même clientèle dans les partis de l'Alliance et dans l'opposition. Le MSP n'est au Parlement élu que depuis 1997. Que dire de ceux qui étaient au FLN et qui ont eu deux, trois ou quatre mandats sans penser à céder leur place? On peut citer beaucoup de cas qui sont restés ou sont partis au RND pour poursuivre la course afin de battre le record de longévité parlementaire. Lorsqu'un député d'un parti termine un premier mandat, il doit logiquement faire un bilan. Le mandat de député ou de sénateur est un tremplin pour d'autres missions. Il s'agit d'un commencement d'une carrière politique pour les chevronnés. Or, on constate que la classe politique algérienne fonctionne autrement. On devient souvent ministre puis député ou sénateur puis on s'accroche au poste en attendant des jours meilleurs. Alors que le poste de ministre s'obtient après avoir fait ses preuves en tant que député ou sénateur ou maire. Dans la majorité des cas, on obtient un mandat par différents stratagèmes, on passe cinq ou six ans au Parlement sans avoir pris la moindre initiative dans un sens ou dans un autre puis l'on se présente pour un second mandat puis pour un troisième sans aucune gêne. Au cas où le parti voudrait freiner la boulimie, on n'hésitera pas à se présenter sous d'autres couleurs politiques ou en indépendant. Depuis l'avènement du multipartisme en Algérie, on assiste à un «recommencement» de l'échec, y compris dans l'opposition. L'ensemble de la classe politique a créé ses carriéristes. Ils sont là, inamovibles, accrochés à leurs postes contre vents et marées. Les mêmes visages meublent le paysage politique. Ils sont jeunes. Ils sont instruits. Ils sont compétents. Mais ils ne sont pas les seuls. Ils sont comme la limace; ils font le vide autour d'eux pour briller de mille feux. A vrai dire, la classe politique a enfanté ses propres zombies. Je pense aux idées révolues qu'ils véhiculent, aux vieux réflexes qu'ils ont acquis, à l'immobilisme qu'ils génèrent comme l'eau stagnante, à la suffisance, au manque de respect accordé aux électeurs qui les ont élus, etc. Un sénateur me disait une fois: «Lorsque je vais au bled, on ne me laisse pas en paix. Chacun veut que j'intervienne pour régler ses problèmes futiles. Mais j'ai trouvé la solution. Je rentre la nuit, je cache la voiture dans le garage et je repars la nuit. Comme ça, plus personne ne me dérange». Ce sénateur est à son deuxième mandat. Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Un député d'un autre parti s'est plaint, une fois, en disant: «Si l'Etat prend en charge les problèmes des citoyens, je n'aurais pas à intervenir pour trouver un emploi aux gens qui me sollicitent tout le temps». Il a dû oublier qu'ils l'ont élu sur la base des promesses qu'il avait faites en période de fièvre électorale. Tous les élus connaissent la situation précaire de leur société. Mais dès que les élections approchent, ils se métamorphosent en saints. Ils promettent monts et merveilles à leurs électeurs. Ils inventent le paradis.