Dans cette histoire, le MJS cherche toujours à s'en laver les mains, alors qu'il y est impliqué au plus haut point. Dans les griefs retenus pour suspendre le président de la Fédération algérienne d'athlétisme et son bureau fédéral, il est fait état des mauvais résultats enregistrés par la discipline à l'échelle internationale. En d'autres termes, cette fédération ne faisait rien pour ce sport, d'où le déclin de ce dernier. Il est vrai que l'athlétisme est la discipline sportive qui a valu le plus de satisfaction pour le pays avec des médailles d'or olympiques et mondiales. Lorsqu'on atteint le sommet, le plus dur est de s'y maintenir et dans cet exercice, la FAA a fait de son mieux pour conserver un certain niveau pour la discipline. Morceli, Boulmerka, Benida Merrah et Saïd Guerni (les deux derniers sont encore compétitifs) n'ont pas été remplacés, c'est ce que semble reprocher le ministère de la Jeunesse et des Sports à la FAA. Il s'agit de faire preuve de pragmatisme lorsqu'on évoque l'athlétisme algérien. Le commun des mortels n'oubliera certainement pas que l'Algérie des années 90 a vécu le calvaire avec l'un des terrorismes les plus affreux de l'histoire. Faire du sport à cette période relevait de la gageure la plus risquée. On fait référence ici aux jeunes, ceux dont le talent était appelé à éclore dans les années 2000. Cela pour dire que Morceli et Boulmerka avaient été formés dans les années 80 et que Benida Merrah et Saïd Guerni étaient déjà des seniors lors de la décennie noire. En dépit de cela, peut-on affirmer que la discipline a failli? Ce serait faire preuve d'un fort abus de subjectivisme que de le penser, d'autant que 9 Algériens font partie du Top 20 du dernier classement de l'Iaaf. Remporter une médaille dans une grande compétition internationale n'est pas à la portée du premier venu. En plus du talent, il y a des sacrifices à consentir pour atteindre le meilleur résultat possible. Des pays comme le Japon, qui est l'un des plus peuplés dans le monde, ratent trop souvent leurs rendez-vous internationaux en athlétisme tout comme le Canada, qui aux JO d'Athènes, a fait un zéro pointé en matière de médailles. Pourtant là nous avons affaire à deux des pays les plus riches de la planète, ceux qui pour la préparation d'un seul de leurs athlètes sont capables d'utiliser dix fois le budget de la FAA. Dans ces deux pays- là, on n'a pas entendu parler de remontrances envers leur fédération d'athlétisme. Mais ils mettent les moyens. Alors que chez nous, il a fallu attendre 2005 pour voir l'ouverture du premier centre de préparation en altitude à Tikjda. Et ce centre (stade, parcours de santé et centre d'hébergement) n'a pas été réalisé par le ministère de la Jeunesse et des Sports, mais par le Comité olympique algérien. Tout cela en sachant que bon nombre de nos athlètes, tous sports confondus, ont réussi, certaines fois, à se préparer ou à participer à des compétitions internationales grâce à des avances consenties par le COA, sans quoi, c'était leur saison sportive qui tombait à l'eau (à ce titre, on apprend que le COA réclame au MJS le paiement de 30 millions de dinars pour être remboursé, sans quoi, il actionnera la juridiction compétente). Pourquoi cela? Tout simplement parce que ces fédérations faisaient de la corde raide et ne recevaient leurs subventions qu'après les échéances internationales. Il en a été ainsi pour les Jeux olympiques d'Athènes et les Jeux sportifs arabes d'Alger en 2004. A titre d'exemple, la fédération de judo, l'une des plus performantes du mouvement sportif national avec un vice-champion du monde (Benamadi), une médaillée de bronze mondiale (Haddad) et une équipe nationale féminine, troisième du podium mondial par équipes, attend à ce jour qu'on lui verse la subvention de 2006. De son côté, Soraya Haddad, la première femme à avoir accédé à un podium mondial dans cette discipline, vient d'annoncer qu'elle arrêtait, à 22 ans, sa carrière internationale car elle n'a trouvé aucun écho pour que son avenir soit assuré. Elle ajoute que la saison sportive vient de s'achever et qu'à ce jour, elle n'a pas reçu sa bourse de préparation, une bourse qu'elle estime, d'ailleurs, insuffisante. A quoi sert-il de verser de l'argent pour se préparer à une saison qui s'est achevée? Les responsables du MJS auraient-ils inventé la préparation pour une saison à posteriori? On voudrait bien qu'ils nous en donnent la recette et ce pourquoi elle est utile. Signalons, également, que le judo algérien organise, chaque année, à travers le territoire national dans toutes les catégories, 6880 compétitions et tournois, le tout avec une subvention qui arrive avec énormément de retard. On ajoutera que du matériel, importé par le Comité d'organisation des Jeux arabes de 2004, placé sous la tutelle du MJS, a été distribué aux fédérations concernées après ces joutes. Si tout ne marche pas bien dans le sport, il faut que chacun sache assumer ses responsabilités et ne pas dire que tout n'est de la faute que des fédérations. A ce que l'on sache, la politique générale du sport n'est pas déterminée par ces fédérations. Et si déclin, il y a, c'est surtout à cause de l'absence de la mise en application d'une véritable stratégie par le biais d'une politique qui vise surtout à axer son effort sur les jeunes pousses et leur formation. Une politique qui met les moyens, pas seulement financiers, mais aussi infrastructurels, quand bien même l'Algérie peut se targuer d'avoir construit, depuis l'accession à son indépendance, bon nombre de stades et de salles. Mais des stades et des salles mal entretenus dont certains sont tombés en désuétude et l'on croit savoir que dans les attributions du ministre de la Jeunesse et des Sports figure la disposition qui lui impose de «veiller à la maintenance et à l'entretien des infrastructures sportives» (article3, alinéa 2 du décret exécutif 05-410).On citera aussi l'immense gâchis qui a consisté à doter certains terrains de sport, de pelouses inadéquates, qui n'ont tenu que l'espace de deux ou trois ans, alors qu'elles auraient dû durer plus longtemps (Oran et Constantine par exemple). Le tout, bien sûr, au frais du Trésor public, donc du contribuable algérien. Et, on n'a pas entendu parler de responsables de ces chantiers gâchés et ratés qui auraient été inquiétés. Quant aux clubs, véritables socles du système, ils sont gérés à tout va, sans que l'on propose, là aussi, un plan visant à les propulser dans l'ère du modernisme. On dira qu'un texte sur le professionnalisme vient d'être promulgué, mais qui dit professionnalisme dit moyens infrastructurels avec centre de formation d'au moins 5 hectares pour chacun, une base d'entraînement avec terrains gazonnés, des salles et des centres médico-sportifs performants. Cela ne saurait faire oublier qu'en Algérie, il existe d'autres sports que le football et l'athlétisme, et à ce titre lorsqu'on voit deux grands clubs comme le NES Tlemcen et le SR Annaba baisser le rideau et quitter la scène en volley-ball, faute de moyens, il y a de quoi rager. Lorsqu'on veut développer une discipline, on commence par aider, au maximum, ceux qui constituent les pôles du développement. Or, ces deux clubs ont déclaré forfait général, pour n'avoir pas eu assez d'argent pour payer leurs frais d'engagement. Lamentable! C'est la même chose, en handball et en basket ball, où des clubs vivotent et ne peuvent, bien sûr, pas répondre favorablement à leur mission de formation et de préparation des futures élites. Sans oublier que l'on cherche à développer l'athlétisme alors que les stades avec piste sont fermés, selon les déclarations du président de la FAA, lors de sa dernière conférence de presse. Il reste que l'Etat subventionne le sport et a le droit, en conséquence, de contrôler. Il faut qu'il le fasse à tous les niveaux et non pas seulement à celui des fédérations. Les clubs, à ce que l'on sache, sont aussi subventionnés, mais n'a-t-on pas vu des présidents et des directoires de clubs (celui de Annaba, par exemple, qui aurait laissé une ardoise de 7 milliards de centimes, si l'on se fie aux déclarations de l'actuel président de l'USMAn) partir sans présenter leurs bilans et sans que les DJS (sous tutelle du MJS) ne fassent objection? Quand on use de l'argent aussi facilement et sans rendre des comptes, on peut dériver sur la pratique mafieuse de la corruption. Cette gangrène, nous la dénonçons depuis des lustres, bien avant que l'actuel ministre de la Jeunesse et des Sports n'entre pour la première fois au gouvernement dans le département de la Santé. Cela fait des années que nous revendiquons un contrôle plus strict, tout en mettant l'accent sur le manque de réaction devant les propos tenus à la presse par certains dirigeants de club sur de prétendus arrangements de matches. Aujourd'hui, on entend une déclaration d'un ministre de la Jeunesse et des Sports qui annonce, devant les parlementaires de l'Assemblée nationale, avoir reçu un président de club qui lui aurait avoué avoir «acheté» des matches pour maintenir son équipe, sans qu'il y ait eu réaction de sa part. Il n'y a même pas eu réaction des députés dont aucun n'a eu la présence d'esprit de demander au ministre s'il avait dénoncé à la justice ce président indélicat. En somme, il serait bon que tout soit mis à plat et que chacun sache reconnaître ses erreurs. Ce ne sont pas que les autres qui les commettent. Nous sommes tous embarqués dans un même bateau, instances sportives, athlètes, MJS et même la presse et nous nous devons de faire une autocritique de notre action, sans animosité et sans passion. Le déclin du sport algérien trouve son origine dans une mauvaise appréciation des pouvoirs publics, depuis l'avènement de la première loi sur le sport en 1989, qui a coïncidé avec la rupture d'avec le code de l'EPS de 1977, deux évènements qui avaient été commandés par la conjoncture du moment et le désengagement des entreprises publiques dans la prise en charge du secteur. L'Etat a, certes, contribué à construire et à financer, mais, il n'a pas su mettre en place une véritable politique basée sur le développement et sur le renouvellement des élites par un plan de formation. Il récolte aujourd'hui ce qu'il a semé d'autant que, et on tient à le répéter, que les fédérations sportives activent trop souvent avec des «miettes» au moment où leurs homologues des pays voisins au nôtre bénéficient d'un soutien autrement plus considérable. Pour terminer on dira que ce ne sont pas les fédérations sportives qui ont fait adopter le Code de l'EPS en 1977 mais bien le Conseil des ministres. Grâce à ce Code et à l'aisance financière qui prévalait à l'époque, le sport algérien avait pu s'offrir quelques uns des plus beaux résultats de son histoire notamment en football. Les clubs étaient nettement mieux gérés qu'ils ne le sont aujourd'hui. Mais le texte en question restera comme un «bide» en matière de formation. En dépit des budgets conséquents dont bénéficiaient les clubs, on n'a pas songé un seul instant à l'avenir en les poussant à acheter des assiettes de terrain en vue d'y bâtir leur base d'entraînement et leur centre de formation. Résultats des comptes, on a battu l'Allemagne en 1982 et on en est toujours aujourd'hui à rêvasser sur cette équipe que l'on n'a jamais remplacée. Ce ne sont pas, aussi, les fédérations qui, en 1989, ont voté une loi sur le sport qui concrétisait le désengagement brutal des entreprises publiques de la prise en charge du sport. Les clubs se sont retrouvés, du jour au lendemain, comme abandonnés. Ce ne sont pas les fédérations qui ont laissé ces mêmes clubs aux mains de dirigeants dont nombre d'entre eux n'avaient pour objectif que celui de se faire un nom et profiter de la subvention qui était versée à leurs clubs respectifs. Ce ne sont pas les fédérations qui ont organisé les AG de ces clubs sans imposer des critères sérieux d'éligibilité mais bien les DJS, structures du MJS. Par cette démarche on a laissé l'accès, à ces clubs, ouvert à n'importe qui avec le triste résultat que l'on connaît actuellement. Enfin, il n'est pas du ressort des fédérations de «pondre» une politique sur le sport, une politique qui définisse les voies et moyens susceptibles de redresser le secteur, mais bien le MJS.