L'épidémie d'hépatite A, apparue en novembre 2023, à Aïn Bessem mais aussi dans les localités limitrophes (Khabouzia, Bir Ghabalou, Raouraoua, Aïn El Alloui, et même Bouira, amorce une décrue significative. Nous en avions parlé dès l'apparition des premiers cas de cette maladie. Le docteur Henni qui nous recevait dans son bureau, une première fois, avait les traits tirés. Il en perdait le boire et le manger. Il en perdait le peu d'heures de sommeil qu'il s'accordait pour ne pas s'écrouler. La maladie se propageait de proche en proche avec la rapidité d'un feu de paille. La crainte d'être vite débordée se muait presqu'en panique. Cependant, le docteur tâchait de conserver son calme. Il savait qu'il en aurait besoin. Il regardait cet après-midi chaud les comptes-rendus de la journée qui arrivaient par fax à son bureau. À Aïn Bessem, les chiffres concernant le foyer d'infection le plus important explosaient. Une équipe médicale avait été dépêchée sur les lieux pour combattre ce fléau et travaillait d'arrache-pied à son éradication. Quelle ne fut pas notre surprise quand il parla d'épidémie et révéla le dernier bilan. Le docteur Henni est épidémiologiste et occupe à la direction de la santé le poste de chef de service de la prévention. Son bureau est au rez de chaussée d'un bâtiment à deux étages, dans la zone des parcs, en face des 140 Logements. Quand on lui rend visite, on suit un long couloir. Son bureau, dont la porte est toujours ouverte ou entrebâillée-signe qu'il est là, est au bout. Notre objet, cet après-midi, est de nous enquérir de la situation épidémiologique qui prévalait dans la wilaya. Ce jour-là, le spécialiste en épidémiologie avait à s'occuper en plus de ce séminaire de deux jours sur les objectifs de développement durable qui allait se tenir du 9 au 10 de ce mois. C'est un projet de développement qui alliait pour tous santé, progrès et bien-être. Le docteur Henni travaillait, en étroite collaboration avec le docteur Hamichi, à la mise en oeuvre de ce programme, dont le but est de ramener, chez la femme enceinte, le taux de mortalité en dessous de 20% dans les prochaines années. Ce responsable est très sollicité par la presse. Surtout cette année (2023), marquée par la sécheresse. Une année où l'eau manque si cruellement qu'il laisse la brèche ouverte aux fameuses MTH (maladies à transmission hydrique). Nous escomptions que le bon docteur allait nous parler de cas de typhoïde, ou -à tout casser-de choléra. Cela nous aurait moins surpris. Le choléra se déclarait du côté de Raouraoua, il y a quelques années. Quant à la typhoïde et aux intoxications alimentaires, dans des localités, situées sur les Hauts-Plateaux comme Sour El Ghozlane, elles étaient devenues presque chroniques. Nous dûmes ouvrir des yeux bien ronds lorsque le spécialiste en épidémiologie parla d'hépatique A. Au plus fort de la mêlée Ce n'est pas que l'hépatite A soit si dangereuse. Ni davantage. Le docteur Henni nous rassurait tout de suite. L'hépatite A n'est pas mortelle. Le docteur Hamichi, que nous verrons quelques mois plus tard à ce sujet lorsqu'elle prendra par intérim la place du chef de service, confirmera le caractère non pas anodin, mais non mortel. C'était peut-être pour cela que l'homme de science conservait toute sa sérénité. Parmi les 102 cas enregistrés en ce début d'épidémie, on n'avait enregistré aucune mortalité. Tous les sujets atteints du virus avaient reçu des soins à l'hôpital et étaient rentrés chez eux. Certains montraient déjà des signes de guérison. Mais on sentait qu'une course contre la montre était engagée. Il fallait inspecter tous les puits et vérifier que leur eau était bonne pour la consommation. Une tâche gigantesque que l'équipe médicale, travaillant sous l'égide de l'épidémiologiste, prenait cependant à coeur. L'eau était responsable de cette situation. Il était normal que le combat commence par là. Rendre à l'eau sa pureté originelle s'avère donc une priorité, afin de stopper la progression de l'épidémie. Le chef de service était certain que si les consignes étaient suivies, c'est-à-dire si le sujet sain ne buvait que de l'eau potable, par conséquent sans aucune trace de souillure, s'il se lavait soigneusement les mains et s'il ne mangeait que des aliments bien lavés et bien cuits, il n'avait aucun risque d'attraper la maladie infectieuse. Et ce sont ces mêmes mesures d'hygiène que l'équipe médicale qui recensait en même temps les sujets atteints de l'hépatite A s'efforçaient d'inculquer à la population dans les zones où circulait le VHA. Mais, encore une fois, qu'est-ce que l'hépatite A? Et quels en sont les symptômes? Pour l'institut Pasteur, «une hépatite est une inflammation du foie causée par des substances toxiques, (ou par des virus dans la majorité des cas)». Ni le docteur Henni ni le docteur Hamichi, quand cette dernière se chargera plus tard du service de la prévention par intérim, ne diront autre chose. L'hépatite A est une affection du foie et l'agent responsable de cet état est un virus portant l'appellation scientifique VHA. Mais par quelle voie cet agent parvient jusqu'au foie? Les deux médecins sont encore d'accord sur ce point: l'eau contaminée par le virus emprunte, chez la personne qui l'attrape, la voie orale. Les mains sont souvent en contact avec ce virus et, constitue souvent la voie royale à l'infection. Ce n'est pas sans raison que le docteur Henni et sa collègue considèrent l'hépatite A comme étant «la maladie des mains sales». Les signes qui apparaissent au bout de 28 jours (période en général d'incubation), sont ainsi décrits par le docteur Hamichi: «...des troubles digestifs se signalant par des vomissements, des diarrhées, de la fièvre, de l'asthénie, puis, plus tard, de l'ictère ou la jaunisse.» Ce sont ces signes que l'équipe médicale qui faisait la chasse au VHA rencontrait invariablement chez les malades atteints d'hépatite A. Et plus le temps passe et plus l'idée que l'hépatite A est une forme bénigne de ce type d'inflammation du foie. Le 14 avril dernier, lorsque nous revenions voir le docteur Henni, celui-ci, derrière son bureau, est complètement rassuré. La situation demeurait toujours aussi instable, certes. Nous écrivions le 17 de ce mois «Selon le chef de service de la prévention, le docteur Boualem Henni qui nous a fourni ces chiffres, une trentaine de cas ont été enregistrés ces derniers jours.». Mais à sa grande satisfaction: la maladie ne causait aucun décès. Par ailleurs, selon nos deux médecins, les victimes de cette infection, dont l'âge varie entre 2 ans et 15 ans, notamment guéries, n'avaient pas l'air de trop mal se porter. Tranquillisés nous-mêmes, nous ne retournions plus nous informer auprès de ce service. Amorce d'une décrue manifeste Pourquoi nous serions-nous plus alarmés que d'autres? Est-ce que l'Assemblée populaire nationale en ces deux ou trois sessions dernières ordinaires avait, ne serait-ce qu'une seule fois, évoqué l'existence d'un quelconque virus? La question brûlante ne se nouait-elle pas autour de la météo qui menaçait le pays d'une nouvelle année de sécheresse et de la crise d'eau aiguë qui en résultait? Lorsque nous revenons frapper le dimanche dernier, -non cette fois au bureau du docteur Henni, en congé, mais à celui du docteur Hamichi, qui, donnant sur le couloir, à gauche, n'est qu'à un bureau du docteur Henni-une bonne nouvelle nous attend: l'épidémie d'hépatite A décroît, tout doucement, mais sûrement. Non sans, hélas, laisser derrière elle un lourd bilan. Le nombre de cas d'hépatite A total s'élève à 196 contre 150 cas pour la seule agglomération de Aïn Bessem. Mais le docteur Hamichi est formelle: la décroissance est visible à l'oeil nu. Depuis le mois d'août, en effet, seuls 14 cas ont été enregistrés dans la ville des Arcades. Ce qui porte le nombre total à 34 cas à travers les communes infectées par le VAH. Mais ce qui amène la cheffe de service de la prévention à nuancer son jugement, c'est ce décès suite à une infection par le virus VAH. Donc l'hépatite A tue? Oui, admet le docteur Hamichi. Mais à condition que l'hépatite A, se compliquant par le biais d'autres facteurs, se mue en hépatite fulminante. Ainsi s'explique le décès constaté parmi des personnes infectées par le virus VHA. Il n'est pas dû à l'hépatite A, mais à l'évolution de cette maladie vers une forme plus grave, l'hépatite dite fulminante. Ces facteurs, comme l'alcool, par exemple, sans rapport étroit avec l'hépatique entraîne chez le sujet atteint un déficit au niveau du système immunitaire. Ainsi pouvons-nous conclure sur la foi des déclarations de ces deux responsables, que l'hépatite A possède un taux de létalité nulle. Pour passer au stade suivant qui met la maladie dans la catégorie des hépatites fulminantes, il faudrait que l'immunité du malade soit bien mal en point. Nous notons encore qu'en ce qui concerne la définition de la maladie, l'institut Pasteur reste, pour l'essentiel en accord avec nos deux médecins. Cette institution qui reconnaît qu'il existe cinq virus (A, B, C, D, E, G), est d'avis que les A et E, agents qui provoquent l'hépatite A et l'hépatite E, sont très souvent à l'origine de formes bénignes. Rarement donc graves et seulement en cas de complications graves. Ce qui explique que parmi les 196 cas enregistrés dans notre région depuis le début de novembre 2023, on n'a constaté qu'un seul décès dû à cette maladie, laquelle, rappelons-le, pour passer à ce dernier stade, a dû évoluer vers une autre forme virulente, appelée hépatite fulminante. Nous ne nous intéressons pas aux autres formes d'hépatite, qui, comme nous le savons maintenant grâce aux docteurs Henni et Hamichi, ont chacune un virus propre. Nous en sommes providentiellement préservés. Si notre attention s'est fixée sur cette maladie du foie, ou «des mains sales» comme l'appellent encore métaphoriquement nos deux médecins de la Prévention, c'est parce que cette maladie qui touche un organe vital s'est répandue dans plusieurs communes de la wilaya, et que si elle n'a pas provoqué de catastrophe, ne causant qu'un mort, c'est la preuve même qu'elle est assez bénigne. Dernier argument à invoquer en faveur de cette thèse: les docteurs Hachemi et Henni partent du fait que l'hépatite A n'ait touché surtout que les jeunes de 2 à 15ans, des êtres fragiles, par conséquent, pour tirer leur conclusion finale que cette inflammation qui s'opère par le mode de transmission oro-fécale, n'est pas mortelle. Enfin, en plus du bilan sur cette épidémie qui amorce donc une courbe descendante, le docteur Hamichi ajoute que son service a enregistré pour la première décade de ce mois, deux cas de brucellose humaine, un cas de coqueluche et un troisième de méningite. C'est, si l'on tient compte que nous sortons d'une crise sanitaire aiguë provoquée par le Covid-19 qui nous avait très négativement impacté, force est d'admettre que nous nous en tirons plutôt bien. Rendons donc hommage au secteur de la santé et à tout le personnel soignant et auxiliaire pour son dévouement et ses compétences. Rendons aussi hommage aux efforts de l'Etat qui a fait de la santé un secteur à la pointe du progrès.