L'Expression: Vous allez clôturer les trois ans de votre mandat à la tête de l'Institut français d'Algérie, quel bilan en faites-vous et êtes-vous satisfaite? Ahlam Gharbi:Jje suis très satisfaite. D'abord, par ce que l'Algérie, c'est aussi une rencontre humaine avec les Algériens, les artistes, toutes les personnes qui travaillent avec nous et on à l'Institut français d'Algérie. Je suis aussi satisfaite parce qu'on a réussi à créer avec l'ensemble de mon équipe une nouvelle dynamique, parce que notre objectif était de savoir comment être au service des personnes, des Algériens qui viennent à l'Institut Français, aussi, de savoir comment on pouvait répondre à leur attente, à leur envies, à leurs goûts, pour constituer une offre un peu renouvelée, qui répond au goût. Des gens qui aiment la musique, le cinéma, la littérature et notr objectif, c'était vraiment d'avoir une proposition très riche et très diverse et ça, je pense qu'on a réussi à proposer ça au public, avec de nouveaux concepts, avec une nouvelle offre aussi dans des lieux très différents et adaptés à chaque public. Je citerai en un exemple, un espace qu'on a ouvert pour les tout petits. On a ouvert des espaces jeunesse dans les médiathèques avec du mobilier et avec un fond qui a été complètement renouvelé pour la jeunesse. On a ouvert aussi des cours de français aux plus jeunes, mais adaptés. On a travaillé vraiment sur une pédagogie ludique pour apprendre le français à des tout petits. Tout le travail qu'on a fait ces trois dernières années, répondait à la question: «Qu'attend de nous le public algérien? Qu'est-ce qu'il a envie aujourd'hui? Et notamment le public algérien qu'on connaissait moins. On a essayé de construire toute une offre adaptée. Et la raison pour laquelle je trouve le bilan très satisfaisant et me rend très heureuse, c'est parce qu'on a réussi à décloisonner les choses. C'est-à-dire que l'Iinstitut français d'Algérie ce n'est pas une institution culturelle uniquement ouverte aux francophones. Quand on est arabophone et bien, on peut aussi venir écouter un concert, voire un film, par ce qu'on a aussi une programmation en arabe et, notamment avec un mois qu'on a dédié spécifiquement à la langue arabe qui a eu lieux au mois de décembre avec une programmation propre, avec du cinéma, de la littérature, énormément de propositions qui puissent satisfaire tout les publics. Nous avons vu aussi un rajeunissement du public algérien. Des jeunes qui ne sont pas forcément francophones, qui ne connaissaient pas l'institut sont venus, ont ouvert la porte de l'Institut, curieux de savoir ce que c'était. il y a aussi notre communication qui est arabe sur les réseaux sociaux qui a permis aussi de démocratiser ce qu'on faisait, notre offre et puis, de montrer un autre visage de l'institut. Quels sont les temps forts de la programmation qui vous ont marquée? Et quelle a été la politique choisie pour entreprendre les actions de ces temps forts justement que vous avez menée? D'abord, il faut signaler que nous avons voulu éditorialiser notre programmation, c'est-à-dire avoir un fil conducteur, en se disant que l'IFA c'est d'abord cinq antennes dans cinq villes en Algérie et dans ces cinq villes, nous avons instauré une programmation commune, parce que nous sommes une entité qui a une culture, une identité propre. Ce que je retiendrai, c'est un de ces programme phares qui est une vraie fierté, il s'agit de Mawahub, qui est notre programme d'incubation dans les industries créatives et culturelles à l'ère du numérique et le web 3, ça a révolutionné, je pense, notre façon de travailler, par ce qu'on a travaillé avec des entrepreneurs, avec des incubateurs... on a fait vraiment un programme algérien et français, parce qu'il y avait de l'expertise à la fois algérienne et française, un programme qui répond vraiment aux attentes de notre temps, des artistes qui créent dans une ère numérique, avec d'autres façon de faire, d'autres moyens et supports. Ca a été une vraie satisfaction. Autre temps fort, est la biennale du design franco-algérienne qui est à sa deuxième édition. Nous avions déjà fait la première édition en 2021. Cette biennale a été très forte par ce qu'elle a été organisée dans les cinq villes où se trouve l'Institut, Alger, Constantine, Annaba, Oran et Tlemcen. Elle a surtout permis à des professionnels de se rencontrer. On n'a pas pu le faire pendant la première édition en raison du Covid, la mobilité était réduite mais là, on a fait ramener des professionnels du design et de l'architecture qui ont rencontré des professionnels du design et de l'architecture algériens, on a organisé énormément de master class, des rencontres avec des étudiants et ça, ça été vraiment très riche. Il y a des projets qui vont aboutir.. Quel va être l'avenir de ces grands projets après votre départ? Ce sont des projets qui ont été réfléchis avec les équipes et qui vont continuer à exister. Ils font partie d'une réflexion collective et ces projets vont perdurer, car ça a été réfléchi et ça a beaucoup de sens. L'équipe qui est là, va continuer sa mission par ce que cela fait partie aujourd'hui de l'ADN de l'Institut français d'Algérie. Cette biennale fait partie de l'institut, Mawahub est devenu l'incubateur de l'Institut français. Il va continuer avec d'autres projets et sur un temps long. C'est ça qui est bien et qui est aussi satisfaisant, c'est le fait que les projets aillent au-delà de la personne quand ils sont ancrées, quand ils sont portées par toute une équipe et bien, ils vont continuer et c'est ça qui est formidable. Vous allez partir, mais en attendant, on imagine que vous avez préparé le programme de la rentrée, voire de l'année, un mot sur la programmation de l'année 2024/2025? Et, parlant de la rentrée, il y a l'événement de la réouverture de l'IFA. Comment ce dernier va-t-il se redéployer pour cette rentrée? Evidemment, on a travaillé avec les équipes sur la programmation puisque une programmation se prépare des mois à l'avance. On a instauré cette tradition des temps forts, cette éditorialisation de la programmation où chaque mois est dédié à... On a plusieurs thématiques, notamment la langue arabe, le numérique, la francophonie, le mois culinaire, le patrimoine etc. Une programmation toujours très riche, très diverse. notre ADN est une programmation très diverse accueillant à la fois des artistes français ou autres internationaux, car c'est un endroit où se rencontre les cultures car c'est un lieux d'échange et de partage, c'est pour cela qu'il est important de laisser la place à la scène algérienne qui est bouillonnante, très riche et moi depuis trois ans, je découvre plein d'artistes. Nous avons remarqué effectivement qu'il y a de plus en plus d'artistes algériens que ce soit d'ici ou d'ailleurs qui se produisent actuellement à l'IFA, mettant à l'honneur la francophonie ou la langue française dans toute sa richesse... Je pense et je continuerai à le penser, I'institut français est vraiment un pont entre les deux rives. De l'autre côté de la Méditerranée, il y a des artistes français, mais il y a aussi des artistes algériens qui se sont installé, comme il y a des artistes franco-algériens et c'est la richesse que peut apporter la communauté algérienne en France, la diaspora au sens large du terme. C'est un lien assez beau je trouve du fait que ça nous lie de part et d'autre de la Méditerranée. On a eu beaucoup de plaisir à découvrir ces artistes et on continuera à découvrir et inviter ces artistes là aussi par ce que ça fait partie de cette richesse culturelle, de ce partage que nous, on prône. Peut-on connaître justement les grandes lignes de cette programmation ? À Alger on a instauré le festival du jazz, qui va être reconduit donc. Dans le cadre du «Novembre numérique», on va avoir beaucoup d'activités et d'ateliers avec les enfants et les ados. C'est une programmation propre pour les adolescents. On a mis en place dans toutes les antennes de l'institut des espaces dédiés aux ados. On va se concentrer quand même sur la réouverture de l'Institut, c'est notre moment fort et phare. Il s'agit de l'inauguration qui s'est tenue ce 29 août dernier avec pas mal d'artistes Algériens car je voulais que cette réouverture soit pour le public algérien et avec des artistes algériens parce que ce sont eux qui sont là au quotidien, ce sont eux qui font avancer notre réflexion et nous inspirent dans tout ce qu'on va proposer. On a aussi des artistes plasticiens, notamment Bardi, La main du peuple, Walid Drouche etc. Quelle appréciation faites-vous sur votre séjour en Algérie ces trois dernières années? J'ai vraiment adoré l'Algérie. C'est une expérience humaine vraiment unique, j'ai découvert, un pays, une histoire, un patrimoine et des gens surtout et j'ai fait des rencontres formidables, j'ai découvert le désert algérien qui m'a été une surprise merveilleuse. On ne part pas comme ça forcément de l'Algérie sans avoir une nostalgie, c'est une expérience en tout cas, qui m'a beaucoup marqué. En même temps l'Algérie va rester avec moi car je me suis fait énormément d'amis, des gens à qui je vais garder le contact. Donc je ne quitte pas complètement l'Algérie, elle reste avec moi et c'est ça qui est vraiment très fort dans cette expérience Vous avez insufflé un air de renouveau et de modernité au sein de l'Institut français d'Algérie en tout cas... J'avais vraiment à coeur d'être à l'écoute, j'ai beaucoup entendu, quand je suis arrivé j'ai rencontré beaucoup de gens et moi, j'aime bien entendre les critiques, c'est ça qui nous fait grandir. Toute la réflexion était autour de comment on diversifie le public, comment faire pour aller vers un public qui nous ne connait pas, un public arabophone qui nous ne connait pas et la proximité et la communication c'est important, car c'est bien de communiquer sur ce qu'on fait et de répondre à cette demande- là, en se disant que l'IFA est ouvert à tout le monde, car c'est ça le message qu'on veut transmettre.