Le pilote algérien, arrêté et incarcéré à tort pour son implication prétendue dans les attentats du 11 septembre 2001, a demandé des excuses officielles au gouvernement britannique et le versement de dommages. Le gouvernement britannique a fait savoir, à la fin de la semaine écoulée, qu'il refuse d'indemniser Lotfi Raïssi, et encore moins de lui présenter des excuses, conformément à la décision en appel d'un tribunal londonien, il y a une quinzaine de jours. Un représentant du département de la Justice a annoncé, mercredi dernier dans la soirée, qu'un appel sera introduit portant sur une question de droit, pour établir les limites aux compensations du gouvernement. En clair, démontrer si oui ou non une indemnisation par l'Etat est obligatoire à chaque fois qu'une personne est interrogée par la police. Le département de Jackie Smith avait un délai de 14 jours pour contester le verdict. Au lendemain du procès, son porte-parole avait laissé entendre qu'une action dans ce sens n'était pas exclue. Accepter de faire son mea-culpa équivaut au Home Office un discrédit qu'il est loin de vouloir assumer. Pourtant, sa culpabilité est incontestable. “L'étiquette de terroriste collée au demandeur par les autorités de ce pays, et particulièrement par le CPS (Crown Prosecution Service, parquet), pendant plusieurs mois, a eu et continue d'avoir un effet dévastateur sur sa vie et sa santé”, avait observé un des juges le 14 février dernier. En 2001, une dizaine de jours après les attentats du 11 septembre à New York et à Washington, Lotfi Raïssi est arrêté chez lui à Chiswik, à l'ouest de Londres, au cours d'une opération combinée des services de sécurité du Royaume-Uni. En tant que pilote, il est soupçonné d'avoir entraîné certains des kamikazes ayant fait exploser des avions sur le siège du Pentagone et le World Trade Center. Son arrestation faisait suite à une demande expresse du FBI. Lotfi Raïssi est mis en détention sans qu'aucune preuve soit fournie à son inculpation. Mises dans l'embarras par leurs homologues américaines, les autorités anglaises décident de relâcher le pilote algérien, après 5 mois d'incarcération. L'homme, qui sort de Belmarch — une prison de haute sécurité — est traumatisé, détruit. Qualifiant plus tard son interpellation de kidnapping, il ne tarit pas de révélations sur son séjour sous les verrous. Il est violenté et poignardé par ses codétenus qui le désignent comme un terroriste. Aujourd'hui, il milite pour la réhabilitation de sa réputation et celle de sa famille. Selon les médias, les dommages qu'il réclame peuvent se chiffrer à des millions de livres. La justice britannique soutient fermement sa demande d'indemnisation, estimant qu'il a fait l'objet d'un grave préjudice. Son arrestation et sa détention sont qualifiées d'abusives par ses avocats. Aujourd'hui encore, les soupçons pesant sur lui ne sont pas tout à fait levés. Il est toujours porté sur la liste rouge des compagnies aériennes internationales. Par ailleurs, il est interdit de se rendre ailleurs que dans son pays natal. Les répercussions de sa mésaventure sur sa propre famille ont été considérables. Son épouse arrêtée avec lui — puis relâchée — a été licenciée d'Air France où elle travaillait comme agent d'enregistrement. Dans certains organes de presse, où le pilote a suscité un grand élan de sympathie, son affaire est présentée comme une bévue supplémentaire du gouvernement, largement stigmatisé pour son allégeance aux Etats-Unis. Lotfi Raïssi a réagi à la décision de faire appel par la voie d'un de ses avocats, qui s'est dit profondément déçu. S. L.-K.