La famille du chahid est venue raconter son enfance au lieu d'apporter des témoignages. Au 45e anniversaire de la mort au champ d'honneur de Mohamed Lakhdar, alias Si Mokhtar, une cérémonie de recueillement a été organisée hier par les associations Machaal Echahid et Mohamed Laamoudi au centre de presse d'El Moudjahid. Cette rencontre qui se voulait être une occasion pour réunir les témoignages du chahid, a été dévoyée de son objectif principal. On aura vu ses proches défiler à la tribune, raconter son enfance et sa scolarité à la Zitouna de Tunis. A défaut de ne pouvoir narrer ses actions héroïques, ils se sont égarés dans des généralités. Les présents ont compris que sa famille ne savait rien sur son passé au maquis. Il aura fallu attendre le témoignage de Ahmed Moudarab pour enfin se situer sur l'objet de la journée de commémoration. Né en 1927 à Touggourt, Si Mokhtar a fait sa scolarité à la Zitouna. A son retour de Tunis, on le retrouve enseignant à Alger. Là, il se frotte aux militants aguerris du PPA qui le transforment en nationaliste convaincu. Il adhère au Mtld. Après le déclenchement de la guerre de Libération, il est fiché. On arrête le poète Abdelkader Saïhi, un parent homonyme, à sa place. Il se cache alors au Mesdjid-el-Kébir avant de rejoindre le maquis, en passant par Chebli, en 1957. Il est muté en zone 5 dans la wilaya IV. Il est chargé d'une mission politique puis muté en zone 6 puis de nouveau en zone 5 dans la Mitidja. Il devient chef de zone. Moudarab révèle que les SAS lui ont envoyé une lettre assez originale. On a retrouvé, sous le corps d'une victime, une lettre avec un laissez-passer pour le retourner. Mais la lettre a été lue par tout le monde et Si Mokhtar est resté au maquis, jouissant de la confiance de tous ses compagnons. Le 11 novembre 1961, à Aïn Boucif (wilaya de Médéa), près de la rocade qui traverse les Hauts-Plateaux d'est en ouest, l'armée française, appuyée par les blindés et l'aviation, effectue une opération d'envergure dans la région. Si Mokhtar et ses compagnons se terrent dans une casemate. Il est en compagnie de Bensaâd et Benouna. Ils renvoient les femmes et les enfants pour mieux préparer la riposte. Visant de loin, ils tuent 6 militaires français. Dès lors, les militaires se retirent pour céder la place aux avions T6 qui ont déversé leurs bombes sur la casemate. L'accrochage a duré de l'après-midi jusqu'à la tombée de la nuit, raconte Moudarab. Les troupes se sont ensuite retirées. Les moudjahidine sont venus pendant la nuit, pour tirer leurs corps des décombres. «Nous avons attaché des cordes à leurs jambes et les avons tirés lui et Ahmed Bensaâd, il n'y avait que 2 corps», raconte un autre témoin. Ils les ont enterrés dignement. Le lendemain, les militaires sont venus et les ont déterrés parce qu'ils ont obtenu des informations sur les grades des deux chahids et tenaient à les identifier. Les témoignages se recoupent mais on diverge sur le lieu de l'accrochage. Un dernier témoin indique que l'accrochage a eu lieu à Ben Messaoud, dans la wilaya de Médéa. Enfin, un dernier témoin atteste qu'ils sont encore enterrés à Bérine. Les témoins oculaires n'ont pas participé à l'accrochage. Ils ont vu de loin les bombardements et la riposte des moudjahidine à l'arme automatique. La restitution des faits s'avère difficile. Un témoin invite sa famille à se rapprocher de la kasma des moudjahidine de Staouéli pour avoir plus d'informations. Il se trouve que les moudjahine qui faisaient partie de la zone 5 de la wilaya IV sont, pour la plupart, regroupés à Staouéli. Mais la reconstitution sera une tâche difficile pour ses proches et pour les historiens. Ils devront faire un travail beaucoup plus rigoureux pour restituer une infime partie de la mémoire collective.