L'Institut national des études stratégiques globales (Inesg) a organisé, ce 29 décembre, à Alger, une conférence à l'occasion du 46e anniversaire de la disparition du président Houari Boumediene. Chercheurs et universitaires sont alors revenus sur la personnalité de cet homme exceptionnel qui a présidé, dès l'aube de l'indépendance, aux destinées de l'Algérie contemporaine. À l'entame des travaux, les orateurs ont longuement abordé les référents et les valeurs qui dictaient la démarche de Boumediene à la tête de l'Etat. Ils ont, à l'unanimité, révélé que le mouvement nationaliste algérien et autres Etoile nord-africaine et PPA MTLD étaient les sources d'inspiration de l'action politique de ce dirigeant visionnaire. Boumediene prenait également appui sur le manifeste du 1er Novembre, lequel imprégnera largement ses décisions de 1965 à 1978, ont-ils indiqué en renvoyant aux décisions audacieuses de ce chef d'Etat, notamment son approche du développement déséquilibré. À savoir le fait d'avoir choisi la voie de l'industrie industrialisante, soit une démarche qui pourrait être assimilée présentement au processus d'industrie structurante… Boumediene a, à ce titre, réussi à traduire sur le terrain les résolutions du Congrès de Tripoli, a-t-on fait savoir ; c'est-à-dire mener une action sur le triple plan économique, social et international en vue de libérer l'Algérie des séquelles du colonialisme et des survivances féodales et de définir les structures de la société nouvelle, qui doit être construite sur des bases populaires et anti-impérialistes. Ce qui supposait l'édification d'une économie nationale, l'adoption d'une politique sociale au profit des masses pour élever le niveau de vie des travailleurs. Liquider l'analphabétisme, améliorer l'habitat et la situation sanitaire et libérer la femme alors que, sur le plan international, il fallait faire valoir l'indépendance nationale et la lutte anti-impérialiste. Sur ce dernier point, Houari Boumediene, contrairement au discours des Cubains, mettait en avant l'éthique et la morale face à un Occident vorace et prédateurs des richesses du tiers monde. «Pour Boumediene, la pauvreté est une insulte à l'éthique et ce, au nom d'un islam puritain malékite qui traversait sa pensée. Boumediene ne s'inspirait pas du marxisme. Il avait d'ailleurs, un jour, répondu à un journaliste qui l'interpellait sur la pensée marxiste : ''Nous n'avons pas besoin de faux prophètes, nous avons déjà le notre !''» rappelle Brahim Zitouni, membre du Conseil scientifique de l'Inesg qui estime que ce besoin de justice et d'équité était à l'origine de l'organisation de la conférence d'Alger en 1973 qui sonnait l'heure de gloire des Non-Alignés et dont le slogan «sous-jacent était pauvres de tous les pays unissez-vous et non pas prolétaires de tous les pays unissez-vous». Evoquer Boumediene ne va pas sans évoquer la révolution agraire, le Barrage vert, le Service national. Aussi les intervenants ont-ils insisté sur ces marqueurs inéluctables de l'ère Boumediene. «La question agraire et agricole, de même que la paysannerie ont été les trois têtes de chapitre qui préoccupaient Houari Boumediene», soutiendra Zitouni, qui rappellera les tensions au sommet de l'Etat autour de ces sujets, et de suggérer l'opposition de Medeghri et de Kaid Ahmed au projet de Boumediene. «Le choix de Houari Boumediene, sous couvert de la révolution agraire, a été de fabriquer un énorme frigidaire de telle façon à ce que les tensions sur les terres s'apaisent. Il avait alors nationalisé les terres agricoles ou ce qui est désigné par domaine privé de l'Etat, par mesure conservatoire d'apaisement, en attendant une maturation de la société. Cette sagesse de Boumediene renseigne sur une connaissance intime de son peuple. Il a su jusqu'à un certain point équilibrer les rapports de force au sein de la société avec une révolution agraire qui n'était là finalement que pour socialiser la paysannerie. Les villages socialistes n'étaient pas simplement agricoles mais avaient une dimension rurale», dira le même intervenant. L'on reconnaîtra à Boumediene d'avoir énergiquement soutenu l'effort d'alphabétisation et d'éducation. Il a consacré 30% du budget de l'Etat à l'éducation et ce de 1965 à 1978, ce qui a permis de réduire sensiblement l'analphabétisme qui sévissait après l'indépendance et de multiplier par dix le nombre des écoles. Le nombre d'élèves et d'étudiants avait, pour sa part, atteint des dizaines de milliers tous paliers d'enseignement confondus.