Bruno Retailleau pris à son propre piège ! Après avoir provoqué une grave crise diplomatique entre l'Algérie et la France, il est désormais «l'homme à abattre». D'abord, la classe politique hexagonale, des personnalités et des associations se sont démarquées du ministre de l'Intérieur français et des autres hérauts du FN. Ensuite, c'est son propre camp et ses collègues du gouvernement qui l'ont lâché. Jean-Noël Barrot, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, l'a remis à sa place. Ce grand «lâchage» a commencé mercredi dernier. Dans une vidéo diffusée sur la plate-forme Brut, il a «recadré» les «va-t-en-guerre». «C'est au Quai d'Orsay, sous l'autorité du président de la République, que se forge la politique étrangère de la France», a-t-il sèchement déclaré, en réponse à une question sur la proposition faite par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, de réinstaurer le visa pour les porteurs du passeport diplomatique algérien. Si ses collègues, «marionnettes de Marine Le Pen», n'ont pas compris le message, hier il a enfoncé le clou. Contrairement au discours «haineux» des derniers jours porté par certains membres du gouvernement, il s'est montré plus mesuré dans ses «propos». Il refuse même de parler de crise, alors que le journaliste l'a relancé plusieurs fois sur le sujet. Barrot évoque de simples «frictions» entre deux «amis». «Je crois que le niveau de tension n'est pas à la hauteur de l'amitié et des liens qui doivent être ceux qui rassemblent la France et l'Algérie», a-t-il insisté. De simples «frictions» pour Barrot Il va plus loin en tentant d'aplanir ces tensions, en affirmant que «ni l'Algérie ni la France n'ont intérêt à ce qu'une situation de crise, une situation de tension s'installe». Pour le chef de la diplomatie française, «nous sommes deux pays voisins, deux grands pays de la Méditerranée, nous avons intérêt à aplanir les difficultés». Le ministre français des Affaires étrangères rappelle qu'il doit se réunir avec le président Macron pour discuter des suites à donner concernant ces «frictions» avec l'Algérie. Mais, contrairement à ce que tente de «vendre» Bruno Retailleau depuis plus d'une semaine, il ne s'agit pas de sanctions, de «surenchère» ou de déclaration de «guerre». Il s'agit plutôt de solutions pour apaiser ce différend. «On va parler des mesures à prendre pour restaurer la coopération indispensable entre nos deux pays», a-t-il assuré, tout en réitérant, pour la troisième fois depuis vendredi, sa proposition de se rendre en Algérie pour trouver des solutions «concrètes». Un discours qui s'oppose radicalement à celui du «pyromane» Retailleau. Ce ministre de l'Intérieur, qui a outrepassé ses prérogatives, ne fait qu'attiser le «feu» de la discorde entre les deux pays. Ces «sorties de route» lui ont valu un flot de critiques en Hexagone, au point que cette affaire s'est même invitée à l'Assemblée nationale française, lors du débat de politique générale du gouvernement Bayrou. Jean-Luc Mélenchon enfonce le clou… À l'Assemblée, Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise, a vivement dénoncé les provocations de Retailleau : «Votre ministre de l'Intérieur s'est illustré par ses déclarations racistes… Pour qui se prend Bruno Retailleau à vouloir provoquer une tension insupportable pour des millions de Français ?» Elle s'est notamment indignée que le ministre de l'Intérieur «s'improvise diplomate avec l'Algérie, mais n'est en réalité qu'un piètre agitateur». «Pour qui se prend Bruno Retailleau à vouloir provoquer une tension insupportable pour des millions de Français, qui vivent une relation directe d'affection et de fraternité respectueuse avec le peuple algérien ?» a-t-elle dénoncé. Le chef de son parti, Jean-Luc Mélenchon, a enfoncé le clou jeudi dernier. Dans un vibrant réquisitoire, il s'est attaqué avec virulence aux dirigeants français, notamment au président Emmanuel Macron et à son ministre de l'Intérieur. «Le principal bilan de cet homme (Macron) et de ses équipes, c'est qu'on est fâché avec tout le monde. Et comme si cela ne suffisait pas, il trouve encore le moyen de se fâcher avec l'Algérie», a-t-il pesté. «Nous ne voulons pas la guerre avec l'Algérie ! Ce sont nos frères, nos sœurs, nos grands-parents, nos amis !» a-t-il tonné, dénonçant les menaces de certains membres du gouvernement français de représailles contre l'Algérie. «Y en a assez de ce vocabulaire, assez de dire que nous allons riposter. Ça suffit de montrer du doigt, toujours les mêmes, pour les culpabiliser. Il n'y aura pas de riposte, il doit y avoir une discussion», a-t-il tranché, mettant en avant l'importance des liens humains entre l'Algérie et la France. Pour Mélenchon, «l'Algérie est une affaire de famille pour des millions de Français». Et d'ajouter : «Vous parlez de nos familles, ça suffit !» Avant Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens, c'est toute la gauche française qui avait déjà dénoncé cette «guerre» que tentent de déclencher certains nostalgiques de l'Algérie française, relayés par leurs porte-voix au sein du gouvernement. La société civile, des associations, des journalistes et des personnalités de tous horizons, y compris à droite, ont également condamné ce ministre de l'Intérieur qui «déshonore» la France. Bruno Retailleau, isolé et critiqué de toutes parts, subit ainsi un véritable «retour de manivelle». Echec et mat !