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«Le livre demeure le socle de la réflexion»
Salma Mimoune , écrivaine, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 04 - 03 - 2025

L'Expression: Qu'est-ce qu'être une femme écrivaine?
Salima Mimoune: Un être androgyne j'ai envie de dire. Ma réponse a peut-être l'allure d'une boutade, mais ce n'en est pas vraiment une, car une femme écrivaine est, tout comme un homme écrivain, une voix qui interroge et engage une réflexion sur des thèmes et des phénomènes divers. Mais une femme qui écrit est, en plus, existentiellement engagée. Dire cela n'enlève rien au caractère engagé de l'écriture masculine car l'acte d'écrire n'est jamais gratuit. Même chez les auteurs dits intimistes, il y a un engagement en ce sens que leurs écrits constituent des miroirs de l'humanité. C'est cette pluralité qui, en définitive, fait la richesse de la création littéraire. L'écriture chez les femmes reste expressément un acte de résistance. Les raisons à cela sont nombreuses: longtemps reléguées aux marges de la création, notamment littéraire, contraintes à écrire sous pseudonyme, (l'Histoire de la littérature ne manque pas d'exemples à ce sujet), souvent cantonnées à des sujets jugés «féminins», la femme qui écrit a dû arracher sa place dans un monde qui occultait sa voix, et transgresser des carcans de tout ordre, en déconstruisant les récits dominants, en réinvestissant la mémoire et en lui restituant des visages et des voix qui en avaient été exclus, dans le but de rétablir une logique longtemps travestie. Sa démarche porte par conséquent le sceau de la lutte; elle offre en plus une approche sensible et intuitive, invitant à explorer des subtilités et des émotions. Elle est en cela une passeuse de lumière. La distinction de genre ne pourrait pas être productive; elle participerait à contrario à reproduire et perpétuer des inégalités encore tenaces. Chaque oeuvre doit être évaluée sur ses propres mérites, indépendamment du genre de l'auteur. La qualité d'un texte dépend de la richesse de son contenu, de la profondeur de ses idées, de la force de ses émotions et de sa capacité à toucher et à inspirer. Pour conclure, je dirai qu'être écrivaine, c'est indéniablement s'inscrire dans une dynamique universelle de compréhension du monde et de transmission, loin des paramètres de genre.

Quand et comment avez-vous décidé d'écrire votre premier livre?
Je n'ai pas vraiment «décidé» d'écrire un premier livre, la lecture m'y a conduite, petit à petit. Enfant, à peine alphabétisée, les histoires que je découvrais à travers des contes ou des illustrés, tout en nourrissant mon imagination, m'ouvraient des portes vers le rêve. Dès que j'ai été en mesure de lire toute seule et d'écrire, j'ai ressenti le besoin de prolonger certains de ces récits à ma manière, en donnant voix, par exemple, à des personnages auxquels je m'identifiais ou que je trouvais sympathiques ou lésés, ou encore en modifiant un dénouement que je trouvais amer. Ecrire est de ce fait venu naturellement, comme une suite logique à cette fascination pour la fiction et pour les mots. Longtemps, j'ai écrit comme une autre personne aurait engagé une conversation, pour comprendre des faits, mais dans l'intimité de l'entre-soi. C'est pourquoi, pendant des années, mes écrits sont restés cachés, dans une sorte de journaux intimes, soigneusement rangés dans un tiroir. Mon premier livre n'a donc pas été une décision soudaine, mais plutôt la concrétisation d'un désir d'écriture qui durait depuis des années, où l'écriture était déjà là, en filigrane, discrète mais insistante, se nourrissant de mon imaginaire et puisant aussi dans ce que j'observais autour de moi. Chaque visage, chaque cri ou geste, chaque silence, portait en lui un fragment de récit et m'invitait à l'écriture. Les mots me permettaient de donner forme à ce que je ressentais, de capter l'éphémère et de le fixer. En ces temps-là et bien plus tard, l'idée de me faire publier un jour ne m'avait jamais effleuré l'esprit. L'écrivain, à mes yeux, était une figure quasi sacrée, capable de donner un sens au chaos du monde. Comment aurais-je osé prétendre à une telle place? Pourtant, l'écriture continuait à me faire de l'oeil. Je lui cédais, en accumulant de petits écrits, en les aboutant autour d'un thème, en les cultivant, les affinant, les dépoussiérant, et chemin faisant s'est dissipé ce sentiment d'imposture qui me faisait obstacle. Il m'a fallu en effet beaucoup de temps pour comprendre qu'écrire n'est pas une question de légitimité, mais une nécessité intérieure, une voix qui cherche à exister. Mon premier livre est né le jour où, ressentant le besoin de communiquer, j'ai osé ouvrir ce tiroir et assumé que ces mots méritaient d'être partagés. J'étais devenue une «communicante». Ainsi, mon premier livre n'a pas été un choix délibéré, mais l'aboutissement naturel de cette alchimie entre la lecture et l'imaginaire, et l'observation du monde.

Dans votre 3ème roman La Pieuvre, vous vous êtes inspirée des évènements tragiques des années 90. S'agit-il de faits réels ou romancés?
La Pieuvre puise incontestablement son souffle dans les tragédies de la décennie noire, une période qui a marqué au fer rouge la mémoire collective des Algériens. Le roman s'appuie sur des événements qui ont caractérisé cette sombre période et sur des témoignages et des souvenirs ancrés dans la mémoire collective. L'histoire d'amour entre Yanis et Yousra, ces deux lycéens persécutés par les tenants d'une idéologie mortifère, est bien réelle. Rien n'a été inventé dans l'essence de cette idylle, mais j'ai choisi d'introduire la poésie comme une lumière dans l'obscurité, un moyen de dire l'horreur sans renoncer à la beauté. J'ai voulu écrire non pas une chronique brute des tragédies vécues, mais une oeuvre où l'amour adoucit sans masquer, où il éclaire sans effacer la douleur. Les mots ne changent pas la réalité, mais ils permettent de la dire autrement, et de l'analyser avec plus de profondeur. Ce livre n'est pas fiction: c'est une vérité racontée avec la sensibilité de la littérature.

Ecrire sur cette page de l'Histoire représentait quoi pour vous?
Ecrire sur la décennie noire, c'est témoigner et tenter d'exorciser la douleur que ces faits ont engendrée, c'est pouvoir crier «plus jamais ça!». Pour moi, c'était une nécessité impérieuse et bien plus qu'un travail d'écriture, un acte de résistance, une tentative de nommer l'indicible et de rompre les silences imposés. C'est en même temps faire barrage aux faussaires et aux fossoyeurs et ressusciter des espoirs brisés. La littérature et la culture de manière générale sont des guérites qui permettent d'observer pour s'engager.

Quel est le roman et l'écrivain qui vous ont le plus inspirée?
Il m'est difficile de citer un seul roman ou un seul écrivain; chaque lecture a façonné mon regard sur le monde et nourri ma réflexion et mon engagement pour l'égalité et la liberté. Parmi les écrivains qui m'ont profondément marquée, Kateb Yacine, avec Nedjma, m'a appris la force de la langue poétique, son pouvoir subversif et son potentiel de rédemption. Rachid Mimouni occupe une place particulière dans mon parcours de lectrice. À travers des oeuvres comme La Malédiction ou L'Honneur de la tribu, il a su dénoncer l'oppression, l'intolérance et la violence politique, avec une lucidité implacable. Son écriture, à la fois directe et poétique, porte sur les tragédies vécues par le peuple algérien, et emprunte un regard universel sur l'injustice et la résistance. Lire Mimouni, c'est comprendre l'urgence de témoigner et prendre conscience du devoir de ne pas se taire face à l'arbitraire. Il y a aussi Simone de Beauvoir, avec Le Deuxième Sexe, qui m'a offert une lecture lucide de la condition féminine. Gisèle Halimi, avec La Cause des femmes, a conforté ma volonté de m'engager dans le combat pour la justice et les l'oeuvre d'Emile Zola, en particulier Germinal droits des femmes. Mais il y a aussi, qui m'a impressionnée par sa force dénonciatrice, sa manière de donner voix aux exploités, aux laissés-pour-compte. Le naturalisme brut qui caractérise ses écrits, sa volonté de révéler les injustices sociales sans fard, ont imprégné ma vision et mon écriture. John Steinbeck, avec Les Raisins de la colère, m'a bouleversée et m'a convaincue de la justesse et de la priorité de la cause humaine. Il raconte l'exil, la misère, la lutte des opprimés avec une puissance narrative qui transcende les époques. Son écriture n'est jamais manichéenne: elle met en lumière les mécanismes de l'injustice tout en portant un regard empathique sur ceux qui y sont pris. La littérature africaine n'est pas en reste; plusieurs auteurs postcoloniaux dépeignent dans leurs oeuvres leurs réalités sociales mais aussi et surtout essaient de la transformer au nom de l'intérêt du monde, à titre d'exemple: Tout s'effondre de Chinua Achebe (Nigéria), publié en 1958, qui raconte l'histoire d'Okonkwo, un homme d'une grande force et d'une forte personnalité dans une communauté Igbo du Nigéria à la fin du XIXe siècle. Tous ces écrivains et d'autres m'ont légué quelque chose: une colère féconde, un désir de me faire justice et de rendre justice, et surtout la conviction que la littérature peut être un bouclier face à l'oubli et la résignation. Chaque livre, à sa manière, m'a donné des outils, des mots, et une conscience plus aiguisée du monde qui m'entoure.
On lit beaucoup moins. Quel rôle peut avoir un écrivain dans un tel contexte?
Dans un monde où l'image domine à travers des réseaux sociaux saturés d'informations souvent inutiles, il est plus qu'essentiel de redonner à l'écrivain la place qu'il mérite, car le livre demeure le socle de l'analyse et de la réflexion. Face au désamour pour la lecture, l'écrivain doit réinventer les moyens pour réconcilier la jeunesse avec ses oeuvres, en adoptant des formes scripturales nouvelles, qui allient par exemple le verbal et le visuel et privilégient la concision. Mais cet effort de réconciliation ne sera productif que s'il est porté par l'école. Il faut en parallèle, une politique réaliste et visionnaire en même temps, qui considère le livre comme une valeur, un bien essentiel, un outil d'émancipation et de construction citoyenne.

Vous avez déjà à votre actif quatre ouvrages; trois romans et un recueil de nouvelles; avez-vous d'autres projets?
L'écriture n'est pas pour moi une parenthèse, c'est une façon d'être, presque un mode de vie. Chaque livre est une étape, jamais une fin. Je viens d'achever l'écriture d'un ouvrage qui m'a bouleversée car il réveille les échos d'un passé colonial profondément douloureux. Il s'agit des Mémoires de guerre de la moujahida Brahimi Yamina, dite Dalila au maquis, née en 1940 à Aïn Defla. Ces Mémoires retracent un parcours héroïque. À l'âge de 15 ans, elle a déposé une bombe devant le bar d'un colon et bravé le Chélif en crue (alors qu'elle ne savait pas nager) pour rejoindre ses frères et soeurs de lutte au maquis. Son odyssée à travers les monts du Zaccar et de l'Ouarsenis a été un enchaînement d'épreuves et de bravoure. Son courage et son engagement méritaient de sortir de l'anonymat. C'est pour cela que je me suis attelée à transcrire ses souvenirs. Mais, madame Brahimi n'est pas seulement une femme qui a pris les armes pour l'indépendance de son pays, elle est une femme d'idées et d'action aussi; son engagement ne s'est pas éteint avec la fin de la lutte armée. Il a pris une autre forme, celle de la responsabilité politique. Forte de son expérience et de sa foi en son pays, elle a su imposer sa voix dans un monde d'hommes et a accédé à des fonctions inédites dans les années soixante-dix pour une femme: présidente d'APC de Dar el Beïda, deux fois vice-présidente et deux fois conseillère. Elle a incarné, au-delà des armes et des batailles, une autre conquête: celle du droit des femmes à être des actrices majeures de l'Histoire et du devenir de leur nation. Cet ouvrage intitulé Nom de Guerre Dalila est certes un hommage à la Gloire de nos valeureux martyrs et moujahidine. Il porte aussi la voix des anonymes, celles et ceux que l'Histoire oublie, et rappelle que la liberté n'est jamais acquise sans souffrances et sans sacrifices. Il est en cours de publication.


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