Aujourd'hui, cela fait 63 ans depuis que le grand et exceptionnel écrivain algérien d'expression française. Mouloud Feraoun. a été assassiné par une bande de criminels de l'Organisation armée secrète (OAS) mettant ainsi un terme à la carrière du romancier qui, pourtant, s'annonçait des plus flamboyantes. Le parcours de Mouloud Feraoun a donc été écourté injustement et cruellement par les barbares de l'OAS, qui voulaient par cet acte d'une sauvagerie inouïe, exprimer leurs refus de l'indépendance de l'Algérie, une indépendance pour laquelle un million et un demi-million d'Algériens ont sacrifié leur vie sans compter les victimes de tortures et tous les actes ignobles commis par le colonialisme français qui voulait spolier tout un peuple de sa terre et de son identité. Mouloud Feraoun a été donc empêché d'achever son oeuvre à un moment où il était extrêmement prolifique et où la maturation de son écriture promettait un virage décisif qui devait être imprimé à sa trajectoire d'écrivain. Parmi ses oeuvres inachevées qui étaient en cours d'écriture, il y a le monumental Journal paru à titre posthume aux éditions du Seuil. C'est un document unique du genre. Avec un style littéraire des plus laborieux et travaillé, Mouloud Feraoun y narre la guerre d'indépendance au jour le jour. Mais pas que. Il y inocule ses réflexions lucides, ses analyses percutantes et ses opinions sincères. Des opinions humaines et directes mais aussi ce sont celles d'un intellectuel qui savait prendre le recul nécessaire afin de mieux appréhender les faits et d'en parler bien qu'il les raconte presqu'en direct. Cette distance entre les faits et les réflexions constituent l'une des forces majeures de ce journal qui reste un document de référence incontournable sur la Révolution menée héroïquement par le peuple algérien pour arracher son indépendance et chasser le colonialisme français après une occupation inhumaine de plus de 130 ans. Mouloud Feraoun a également écrit mais pas entièrement fignolé son roman inédit intitulé La cité des roses publié bien plus tard à titre posthume également. Plusieurs autres textes qui sont des amorces d'oeuvres futures, promettant de défrayer la chronique littéraire, étaient en chantier et Mouloud Feraoun n'a malheureusement pas pu les mener à terme à cause de la barbarie de l'OAS. En dépit de cette disparition précoce, (Mouloud Feraoun n'avait que 49 ans quand il fut assassiné, de manière abominable) il a réussi à inscrire son nom en lettres d'or dans l'arène de la littérature universelle puisque son oeuvre a été traduite dans plusieurs langues et ses romans continuent d'être réédités, de manière régulière, depuis son assassinat à ce jour aussi bien en Algérie qu'à l'étranger. Son premier roman autobiographique Le fils du pauvre est devenu une lecture incontournable tout en ayant été classé comme un véritable classique, et non des moindres, de la littérature algérienne. Quel est cet Algérien qui lit des livres et qui peut faire abstraction du Fils du pauvre? Le roman nous fait découvrir, non seulement le destin d'un enfant et d'une famille, mais aussi la vie de cette dernière et le mode d'existence dans un village algérien, avec ses coutumes et tous les autres aspects y afférents. Quant à La terre et le sang et à sa suite Les chemins qui montent, ils sont tout simplement une judicieuse radioscopie littéraire de la société kabyle de l'époque que Mouloud Feraoun, tel un médecin spécialiste, compétent et consciencieux, ausculte savamment pour offrir au lecteur, la meilleure et la plus vraie image possible. Aucun écrivain n'a mieux dépeint la société algérienne de manière générale et la société kabyle plus particulièrement comme l'a fait Mouloud Feraoun. Ce dernier demeure un repère et une référence pour tout écrivain algérien qui rêve de devenir grand. Sa personnalité humble est un atout à adjoindre à son profil. Malgré sa notoriété indéniable, que lui ont conférée ses trois romans, après leur édition, Mouloud Feraoun a continué à s'exprimer très modestement, notamment lorsqu'il s'adressait à d'autres écrivains auxquels il n'avait pourtant rien à envier compte tenu du fait qu'il a réussi à devenir ce qu'il était en dépit de toutes les conditions défavorables qui l'entouraient enfant, adolescent et même adulte.