Il y a un mois, le premier appel téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine envoyait un message clair au-dessus de l'Atlantique: les Etats-Unis ne seront peut-être pas éternellement présents pour protéger l'Europe face à une Russie agressive. L'Europe a depuis été au coeur d'un tourbillon d'initiatives diplomatiques, jonglant avec les alliances et réécrivant des règles qui semblaient gravées dans le marbre. Une réactivité qui n'a pas toujours été associée à l'image du Vieux Continent. «L'arrivée de l'administration Trump a donné un coup d'accélérateur à l'histoire et a concentré les esprits sur ce qui doit être fait», résume Ian Lesser, du groupe de réflexion German Marshall Fund. Voici un aperçu des changements en cours - et de ceux qui pourraient se profiler - alors que l'UE organisait jeudi son troisième sommet de chefs d'Etat en six semaines. De Paris à Londres en passant par Bruxelles, la frénésie diplomatique déclenchée par la main tendue de la Maison- Blanche au Kremlin sur l'Ukraine a rebattu les cartes. Une avalanche de réunions ont réuni des sous-groupes de pays à l'intérieur et à l'extérieur de l'UE. Et lorsque le bloc européen s'est retrouvé de façon formelle, des partenaires tels que la Grande-Bretagne au Canada ont été tenus informés, comme ils le seront à nouveau cette semaine. En plusieurs occasions, le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte, s'est joint à eux, déterminé à jouer un rôle de facilitateur avec le nouveau pouvoir à Washington. Ces formats changeants sont aussi une réponse au défi posé par Viktor Orban, qui revendique sa proximité avec Trump comme avec Poutine et qui a, à plusieurs reprises, tenté de bloquer les initiatives européennes sur l'Ukraine.. Pour la deuxième fois de suite, les dirigeants s'apprêtent à se mettre d'accord cette semaine à Bruxelles sur une déclaration à 26 pour contourner ce qu'un haut fonctionnaire de l'UE qualifie de «divergence stratégique» avec le Premier ministre hongrois. De la grande tente au cercle restreint, cette flexibilité des formats reflète la nouvelle coalition qui émerge autour de l'Ukraine, mais aussi la difficulté de renforcer de manière significative les capacités de défense de l'Europe. «Il est clair qu'une Europe qui prend la défense plus au sérieux, mais aussi qui l'envisage de façon autonome, va vouloir inclure de nouveaux acteurs tels que le Royaume-Uni, la Norvège mais aussi la Turquie», explique Ian Lesser, qui voit également dans les grandes manoeuvres en cours l'occasion de faire émerger un «pôle européen plus fort» au sein de l'Otan. Le mouvement du Royaume-Uni vers l'Europe est l'une des conséquences les plus spectaculaires du désengagement annoncé de l'Amérique, au moment où les tentatives de «Reset» post-Brexit peinent à se concrétiser, tant les vieilles rancunes tenaces ressurgissent régulièrement entre Londres et certaines capitales européennes. Mais le Premier ministre britannique Keir Starmer s'est imposé comme un acteur central des efforts européens pour tenter de garder Washington impliqué dans le dossier ukrainien, sécuriser un cessez-le-feu acceptable pour Kiev et prendre à bras-le-corps la question de la sécurité du continent. La perspective de perdre la protection des Etats-Unis a également déclenché un petit séisme sur un sujet longtemps sacro saint: les règles encadrant les déficits budgétaires au sein de l'UE. Bruxelles souhaite désormais que ces règles fiscales soient suspendues pendant quatre ans avec, comme objectif affiché, une augmentation des dépenses de défense de 650 milliards d'euros. Signe des temps: cette initiative, qui aurait, il y a quelques mois encore, provoqué de vigoureuses protestations dans nombre de capitales européennes, a été très bien accueillie.