Abadou réactive les commissions de reconnaissance pour un temps déterminé. Mustapha Boukoba revient à la charge. Après que Benchérif eut réussi le coup d'envoi de la polémique en réunissant un nombre important de moudjahidine, la semaine passée à Blida, il revient avec le chiffre astronomique d'un million de faux. Saïd Abadou, secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) a pourtant répondu, en marge du Conseil national, sommant Boukoba et Benchérif, réunis, de publier les listes des faux moudjahidine s'ils en ont. Le lendemain même, s'adressant au ministre des moudjahidine, le colonel Benchérif a indiqué: «Mohamed Chérif Abbès a déclaré qu'il y avait entre 8000 à 10.000 faux moudjahidine. Nous voulons plus. Il doit nous donner la liste, non seulement de ces faux moudjahidine, mais publier aussi la liste des noms de gens rendus coupables pour avoir accordé de faux témoignages et autorisé la validation de statut de moudjahid à des traîtres et collaborateurs.» Il dit avoir parcouru toutes les wilayas pour parvenir à la conclusion suivante: «Ce dossier existe bel et bien.» Il fait le décompte: 35 bataillons sont venus des frontières, soit 40.000 hommes, auxquels il faudra ajouter 30.000 hommes des 6 wilayas historiques. La somme donne autour de 70.000 en tout et pour tout. Il précise que le ministère disposait des listes des faussaires. Mustapha Abid, officier de la wilaya VI de l'ALN, révèle: «L'actuel secrétaire général de l'ONM m'avait personnellement déclaré, lorsqu'il était ministre des moudjahidine en 1995, qu'il y avait 15.000 dossiers de faux moudjahidine». Ce dernier propose une enquête à la base en revenant aux chefs de cellule, en remontant par les chefs de zone jusqu'aux chefs de région encore en vie. Boukoba fait état d'un million de faux Moudjahidine. Le chiffre semble excessif lorsqu'on garde, à l'esprit, une population totale estimée à 8 millions d'habitants, en 1962. Il est vrai que les attestations ont été délivrées à tort et à travers à qui les demandait. Il faut se replacer dans le contexte de l'époque. Dans les moments d'euphorie, il était difficile de faire la part des choses. Après l'épisode des harkis, qui s'est soldé dans beaucoup de cas par des règlements de comptes, et la guerre des wilayas, il était devenu primordial de sortir de la guerre fratricide pour refermer les plaies. Dans cette folie généralisée, les intrus avaient fait irruption dans l'arène des vrais moudjahidine. Etaient-ils majoritaires? Seuls les authentiques peuvent répondre. Dans un témoignage paru récemment, le capitaine Si Mourad de l'ALN de la wilaya IV raconte comment un faux moudjahid s'est glissé dans la liste des moudjahidine grâce à sa signature. Mais, plus tard, il a appris que celui qui avait bénéficié de sa signature avait été emprisonné pour une rixe dans un bar. Il est allé alors à la commission retirer sa signature. Le faux moudjahid a trouvé quelqu'un d'autre pour lui signer son attestation. Mais, selon Zitoufi, député et membre de la direction du RND, «il y a de vrais moudjahidine qui n'ont pas encore obtenu leurs attestations». Le secrétaire général de l'ONM a demandé la réactivation des commissions pour étudier les recours et les dossiers en instance. C'est dire que, 44 années après l'indépendance, le dossier n'est pas clos. Mais il concerne les aînés qui se connaissent entre eux et n'engage, en aucune manière, les jeunes générations qui sont lassées des querelles de leurs aïeux.