Le sang palestinien a de nouveau coulé, hier, suite à des affrontements entre éléments du Hamas et du Fatah. La précarité du cessez-le-feu signé dimanche soir entre les deux mouvements palestiniens, Hamas et le Fatah, n'aura tenu que le temps de donner aux belligérants de reprendre des forces, dès lors qu'il était violé dans la soirée de lundi par une série de kidnappings de personnes appartenant aux deux parties. Les personnes enlevées ont été toutes, semble-t-il, libérées dans la soirée de lundi suite à une médiation du Jihad islamique mais la répétition de ces violations de la trêve font craindre d'autres complications dans la bande de Ghaza où la tension demeure très forte. Au total, quatorze membres du Fatah et du Hamas ont été enlevés en 24 heures dans la bande de Ghaza, mettant en danger le fragile cessez-le-feu signé entre les deux mouvements. Dans cette situation exceptionnelle c'est le troisième mouvement palestinien, le Jihad islamique, qui a joué aux pompiers en intercédant entre les belligérants et obtenant la libération de toutes les personnes enlevées, comme l'a indiqué Daoud Chihab, médiateur du Jihad islamique selon lequel «la médiation de libération de tous les otages du Fatah et Hamas a réussi et permet d'améliorer la situation sécuritaire et de faire cesser les tensions». Les libérations ont été confirmées par un porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, qui a indiqué que «tous les otages ont été libérés et nous espérons que ces violations du cessez-le-feu ne se reproduiront pas». Certes, mais hier il y eut, pour des raisons inconnues, une reprise des affrontements avec son lot de victimes. Ces combats font peser le risque d'une conflagration généralisée. Selon le bilan donné hier par des sources médicales, il y a eu quatre morts et une douzaine de blessés, ce qui alourdit la liste des victimes depuis les premiers affrontements de samedi. La situation dans les territoires palestiniens, singulièrement dans la bande de Ghaza, s'est détériorée samedi après l'appel du président Abbas à des élections anticipées, qui a tiré les conséquences de l'échec des négociations avec le Hamas, pourparlers qui n'ont pu aboutir du fait de divergences à l'évidence insurmontables apparues entre les deux parties. Mais le résultat immédiat de cette décision est que les territoires palestiniens sont aujourd'hui au bord de la guerre civile, comme l'indiquait hier la déléguée générale de la Palestine (ambassadrice) auprès de l'Union européenne, Leïla Shahid, selon laquelle, les Palestiniens ont franchi «le seuil de la guerre civile», appelant à «une vraie initiative internationale» pour ramener le calme à Ghaza. «Ce qui se passe est d'une très grande gravité. Nous avons franchi un seuil qui était un tabou, le tabou de la guerre civile, l'affrontement militaire entre Palestiniens», a déclaré Mme Shahid. L'ambassadrice palestinienne qui craint que les affrontements, pour le moment limités aux miliciens des deux mouvements, ne se transforment en «guerre civile si on n'y met pas fin très vite» affirmant: «le soutien dont a besoin (le président) Mahmoud Abbas c'est qu'on oblige Israël à lever le blocus (à Ghaza), à libérer des prisonniers, à s'asseoir à table avec lui, à reprendre la négociation». Par ailleurs, Mme Shahid porte la responsabilité de ce qui passe au Moyen-Orient à la politique du président américain, George W.Bush, qui a «donné à l'Iran un rôle d'alter ego». Selon Mme Shahid, la conséquence de cette politique est qu'«aujourd'hui, il y a au Proche-Orient un axe américain avec Israël comme allié principal et un axe iranien avec comme allié la Syrie, le Hezbollah, le Hamas», affirmant d'autre part que «le peuple palestinien se retrouve malgré lui, Mahmmoud Abbas aussi, un peu prisonnier de cette instrumentalisation par les deux axes». Mme Shahid a enfin dit que les Palestiniens se retrouvent «prisonniers d'un affrontement qui nous dépasse qui concerne l'armement nucléaire iranien, le fait que les Iraniens souhaitent être reconnus comme une puissance régionale au Liban, en Palestine, en Irak». Sans doute, demeure cependant le fait que les Palestiniens tiennent leur avenir entre leurs mains et que la politique politicienne, autant du fait du Fatah que du Hamas, est quelque part hors de saison, alors même que l'Etat de Palestine, toujours en devenir, n'existe pas. D'ailleurs, il y a une anomalie dans l'exigence de l'Occident selon lequel Hamas doit reconnaître Israël -seule puissance militaire, par ailleurs, du Proche-Orient- alors même que les Etats-Unis et l'Union européenne tiennent le Hamas, mouvement de libération, comme étant une organisation «terroriste». Comment une organisation qualifiée de «terroriste» peut-elle reconnaître un Etat souverain? Voilà une nécessité qu'en tout état de cause le droit international n'a pas prévu, mais qui sert à l'Occident de continuer son chantage sur le peuple palestinien et de l'asphyxier financièrement. En fait, la responsabilité de l'Occident dans ce qui se passe aujourd'hui dans les territoires palestiniens occupés est grande d'autant plus que les Etats-Unis et l'Union européenne n'ont jamais exigé d'Israël qu'il se conforme aux résolutions du Conseil de sécurité sur le dossier palestinien et de les appliquer sans délai. De fait, c'est ce deux poids, deux mesures appliqué par l'Occident dans l'affaire israélo-palestinienne et son immobilisme qui sont derrière le désespoir du peuple palestinien avec comme résultat, de l'avoir poussé au bord de la guerre civile. En asphyxiant financièrement l'Autorité palestinienne, d'une part, en imposant le blocus de Ghaza d'autre part, l'Occident et Israël portent en réalité l'entière responsabilité de la dégradation de la situation dans la bande de Ghaza. C'est là un fait qu'il faut absolument souligner.