Le travers d'étouffer la classe politique ne date pas de la fin de l'année 2006. La classe politique se déchaîne cette semaine. Mais ce n'est qu'un feu de paille, une simple perturbation. Tout rentrera dans l'ordre -imposé- dès le début de la semaine prochaine. En attendant, elle se débarrasse, le temps d'un week-end, de la camisole qui lui est imposée depuis plus de 14 ans. Les partis au pouvoir et ceux de l'opposition ou de la semi-clandestinité, c'est selon, ont décidé de s'exprimer. Le FLN réunit, aujourd'hui, ses femmes des mouhafadas d'Alger au siège du parti à Hydra, avec la présence du secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem. Cette rencontre «fleniste» entre dans le cadre d'une journée de formation pour les femmes du vieux parti, vraisemblablement frustrées par leur absence au sein des listes de candidature pour les sénatoriales du 28 décembre. Il a fallu Tizi Ouzou pour que soit sauvé «l'honneur de la tribu» puisque c'est une femme qui a été retenue sur les listes du FLN pour ces sénatoriales. Le RND, dont le secrétaire général sillonne le pays pour sensibiliser ses militants en prévision de ce rendez-vous électoral, s'est exprimé, avant-hier, à Aïn Témouchent. Ahmed Ouyahia a invité «la population à retrouver l'espoir et à prendre conscience des efforts fournis, afin qu'elle participe au développement national». Sous-entend-il que l'espoir est perdu chez les populations? De même que le vice-président du MSP, Abdelmadjid Menasra a appelé, lui aussi, avant-hier, à inscrire la prise en charge des problèmes sociaux au titre des “priorités” de l'année 2007. Ne le sont-elles pas actuellement au sein du programme du président que son parti défend bec et ongles? Le PT marquera le week-end politique en organisant son conseil national, demain. Le FNA, de Moussa Touati, sera de la partie. A son programme d'aujourd'hui, une rencontre avec ses militants en prévision des prochaines sénatoriales. De même, le mouvement de Djaballah, El Islah, réunira ses cadres le même jour. En ces journées d'hiver très propices à l'hibernation, le mouvement d'Ennahda se réveille de sa torpeur et organise une rencontre. Le FFS, pourtant occupé par l'audit du parti, arrange une rencontre de formation avec des experts de la fondation Jean-Jaurès. Plus pédagogique que politique, cette rencontre-débat se penchera sur le thème du développement durable. Elle se tiendra cet après-midi au niveau de la Mutuelle des travaux de construction (centre familial de Zeralda). Le RCD «qui a eu la chance de pratiquer la clandestinité» se satisfait quand à lui, de «la diplomatie des petits pas» en s'adonnant à la communication de terrain. «Il y a des moments de l'histoire où il faut laisser le pourrissement se faire» disait un homme politique français. Cependant, à suivre l'actualité partisane de ce week-end, on se croirait au début des années 90, quand les partis organisaient des conférences, des rencontres, des débats, des meetings et des marches sans interdiction aucune. Un bon souvenir pour certains et mauvais pour d'autres. En tout cas, le travers d'étouffer la classe politique ne date pas de cette fin de l'année 2006. Imposé depuis l'arrêt du processus électoral, le 11 janvier 1992, il s'apparente beaucoup plus à une action punitive à l'égard des partis, qu'une stratégie libératrice «de l'anarchie qui régnait dans le pays à la faveur de l'ouverture démocratique». Cet argument «d'anarchie» est développé et défendu jusqu'à l'usure par les tenants de l'immobilisme. «Par faute de restaurer le parti unique, certains nostalgiques cultivent l'illusion de restaurer la pensée unique». Le statu quo arrange des barons mais l'inhibition fait le lit des dérives. Les ingrédients des extrémismes sont toujours présents: que peut-on attendre, en effet, d'une société politiquement sevrée et matériellement frustrée?